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Gilles Braem, toutes les cordes à son archet
Dans ses ateliers, Gilles Braem restaure et fabrique des violons, violoncelles et contrebasses depuis une cinquantaine d’années. Un parcours semé de coups durs comme de réussites, qu’il s’apprête à terminer en beauté l’année prochaine.
Manon Gazin | Aqui

Gilles Braem dans son atelier sur le quai Sainte-Croix, à Bordeaux.

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 14/06/2023 PAR Manon Gazin

Les odeurs de bois se mélangent dans le petit atelier situé juste à côté du Conservatoire de Bordeaux. Des dizaines de violons et contrebasses sont entreposées, sur les murs, au sol, sur des meubles. Les plus beaux modèles sont exposés à l’entrée de la boutique. À l’arrière, on peine à se déplacer dans la manufacture sombre, où attendent d’être réparés de nombreux instruments et archets.

Au milieu de tout ce matériel neuf comme ancien, se trouve Gilles Braem. Âgé de 67 ans, il est luthier du quatuor : il s’attaque aux violons alto, aux violoncelles et aux contrebasses. Un métier qui lui permet de « vivre dans l’univers de la musique ». Autrement dit, « de vivre une passion ». Depuis 50 ans, l’artisan les fabrique, restaure et répare, pour tous les publics. Le Conservatoire, les écoles de musique, les associations, les particuliers sonnent régulièrement à sa porte. Tout comme les membres de l’orchestre de Bordeaux ou des musiciens de passage.

Dans son atelier situé sur le Quai Sainte-Croix, à Bordeaux, il répare désormais principalement les archets. L’année prochaine, il partira à la retraite et ce magasin fermera. Mais ses deux autres ateliers, établis également à Bordeaux et à Biarritz, reviendront à son salarié. Pour son dernier jour en tant que maître luthier, il remettra gratuitement à l’Opéra de Bordeaux une contrebasse ancienne.

Une vocation trouvée dès l’adolescence

Sa retraite, il espère pouvoir en profiter pour faire des choses simples, et passer du temps avec sa famille. Gilles Braem a voué sa vie à la musique, et ce dès l’adolescence. Né à Bordeaux, l’artisan voulait à l’origine être musicien. Avec un père artiste peintre et une mère sculptrice et dessinatrice, il baigne dans une atmosphère d’artistes. Il intègre le Conservatoire de Bordeaux à l’âge de 13 ans, dans la classe de hautbois. À la fin de ses études au Conservatoire, la question de la suite de son parcours finit par se poser. « On disait « il faudrait monter à Paris », c’était le langage employé », raconte-t-il. « Mais je n’avais pas envie de m’expatrier ». Bricoleur et attiré par la sculpture et le travail du bois « dans la fibre familiale », la lutherie s’impose progressivement à lui. « La musique, la sculpture et le travail du bois se sont un peu unis », explique-t-il. 

En 1973, à l’âge de 17 ans, il va donc à la rencontre du luthier Pierre Tacconé, dans son atelier à Bordeaux. Ce dernier l’engage et le forme pendant les 12 années qui suivent. “C’était un type vraiment adorable qui, je le dis tout le temps, a été mon second papa », raconte Gilles Braem, ému, en parlant de son mentor, aujourd’hui disparu. “Quelqu’un de bienveillant, qui a été patient. J’étais comme tous les jeunes. Je faisais beaucoup de rugby, et un peu la fête. Il aimait bien la vie aussi », détaille l’artisan, qui souligne la chance de cette rencontre. Il continuera par la suite à travailler avec le fils de son mentor. 

Manon Gazin | Aqui

L’arrière-boutique de l’artisan est remplie d’objets qu’il répare. Ici, il se concentre sur du crin de cheval qui va servir à réparer un archer.

 

« Un apprentissage de la vie et intellectuel »

Après 12 ans à travailler avec Pierre Tacconé, Gilles Braem crée son premier atelier sur la place Charles Gruet, dans le centre de Bordeaux. L’établissement déménagera deux fois, afin d’avoir plus d’espace et d’embaucher du personnel, au fil du temps. Malgré plusieurs périodes difficiles, le luthier est fier du parcours entrepreneurial qu’il a mené. « Il y a eu beaucoup de ce qu’on appelle des vaches enragées. Parce que Bordeaux est une ville assez difficile. On le disait toujours,  mais j’ai pu le vérifier», raconte-t-il.

Sa plus grande réalisation est d’avoir réussi à faire grandir son entreprise. « Une restauration exceptionnelle? Pour moi c’est normal de faire mon métier, point. Sous le mot réussite je mets plutôt l’entreprise, l’entrepreneuriat malgré les embûches »

Aujourd’hui, il a du mal à résumer tout ce chemin parcouru. «D’un début de musicien, je suis passé dans le monde de l’artisanat », relate-t-il, en soulignant l’importance qu’il accorde à ce terme. « Ce sont des métiers avec un apprentissage, une rigueur, un respect des œuvres… Tout ça, ça a été un apprentissage de la vie et intellectuel, qui m’a appris à bien regarder le travail des artisans, explique-t-il. Quand je rentre dans une église, j’ai toujours un très grand respect. Parce qu’il y a un travail qui a été fait par le cœur des hommes »

Une suite toujours tournée vers sa passion

L’année prochaine, Gilles Braem arrêtera son activité de luthier, en continuant de superviser administrativement son entreprise. Un de ses projets serait de diriger, de façon organisationnelle, l’entretien et la restauration d’objets ou de monuments du patrimoine.

Il lèguera son entreprise à Roland Landron, son salarié depuis une vingtaine d’années, et qu’il considère « presque comme mon fils. Dans une entreprise, il faut être bien entouré. Avec lui, je l’étais », raconte-t-il. De son côté, son salarié, âgé de 45 ans maintenant, affirme se sentir « armé » face à cette nouvelle phase de sa vie. « Même si quand je suis arrivé, je ne savais pas comment recoller un instrument », dit-t-il en riant.

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