On pourrait presque croire qu’elles sont de la même famille… la faute à la coupe courte peut-être. Mais c’est encore mieux qu’une énième histoire familiale : Karine Santamaria et Emmanuelle Taulet, se sont choisies. Amies depuis presque 20 ans, c’est aussi ensemble, fortes de leurs personnalités « différentes, mais complémentaires » que ces deux bordelaises se sont lancées dans l’aventure de l’entrepreneuriat en octobre 2021.
Nous voulions être utiles à d’autres femmes, et mettre nos compétences à leurs services
Leur oeuvre commune : BatiFemmes. Une plateforme de mise en relation entre des clients particuliers et des artisanes des métiers du bâtiment et du second œuvre. Leur engagement dans l’entrepreneuriat ne pouvait qu’être porteur de sens pour les deux amies. « On voulait faire quelque chose qui nous ressemble et nous rassemble autour de valeurs fortes que nous avons en commun ; notamment l’idée d’être utiles à d’autres femmes, et de mettre nos compétences à leurs services ».
L’idée de création d’une plateforme dédiée spécifiquement aux artisanes du bâtiment, est venue de leurs proches. « Nous avons constaté que les femmes de notre entourage, qui décident des travaux chez elles, comme dans la plupart des foyers français, auraient préféré, à compétences équivalentes, pouvoir les confier à des femmes. Que ce soit pour des questions de confiance, de rapport d’égale à égale, de sécurité pour certaines, ou encore, pour d’autres, par volonté de promouvoir ces métiers encore faiblement exercés par des femmes », expliquent-elles.
1 réseau, 9 métiers, 110 artisanes
Une cause sociale prise à bras le corps, et le coeur, par Karine et Emmanuelle. Il est vrai qu’avec 4 % des artisans qui sont des artisanes (soit 14 000 femmes en France), il n’était jusque-là pas simple de les identifier. « Il y a 2 ans Google ne connaissait pas le mot « plombière », il vous renvoyait sur « plombier » ou sur un village de l’Est de la France…», souligne Karine.
Désormais c’est bien avec fierté qu’elles égrainent les noms, au féminin, des neuf métiers présents au sein du réseau des plus de 110 artisanes que compte BatiFemmes, 2 ans et demi après sa création. « Peintres en bâtiment, menuisières, électriciennes, plombières, carreleuses, solières, plâtrières, serrurières… et maçonnes sur du bâti ancien, qui est plus de l’ordre du gros oeuvre. Elles sont toutes ouvrières et cheffes d’entreprise, elles sont sur les chantiers ».
Déconstruire les préjugés sur les métiers du bâtiment
Si « mal nommer les choses, c’est ajouter du malheur au monde », alors Emmanuelle et Karine s’engagent elles, à tenter de l’améliorer à leur niveau, en rendant visible ce qui ne l’était jusque-là pas assez, voire pas du tout. A travers BatiFemmes, il y a aussi « une intention forte de dire que ces métiers sont aussi faits pour les femmes et qu’elles puissent s’identifier à des parcours. Au-delà de la mixité, il s’agit aussi pour nous de déconstruire les préjugés sur les métiers du bâtiment en général », appuie Emmanuelle. Ces métiers ne sont par exemple pas particulièrement faits pour des personnes qui auraient des difficultés scolaires…
Avec ce parti pris, le site présente chacun des métiers, les formations mais aussi des artisanes, leurs parcours, leurs chantiers. 60 % d’entre elles ont choisi le bâtiment suite à une reconversion professionnelle. Il y a là d’anciennes gendarmes ou militaires, des cadres export, des juristes ou encore d’anciennes profs ou aides-soignantes… « Ce sont toutes des personnalités et des tempéraments complètement différents, mais à chaque fois avec une volonté, une envie et des parcours qui sont extraordinaires. En reconversion ou non, ce sont toutes des femmes fortes et admirables ! Elles font rentrer ces métiers dans le champ des possibles de toutes les jeunes filles ».
Pas de doute Karine et Emmanuelle les aime, ces femmes. Elles sont leurs ambassadrices et leurs premières fans. Intarissables à leur propos, bien plus que pour parler d’elles-mêmes.
Réseau professionnel et environnement bienveillant
Si BatiFemmes peut apporter un complément de chantier à ces professionnelles du second oeuvre, la très large majorité des membres du réseau « font très bien leur bonhomme de chemin toutes seules. Notre idée est vraiment née du besoin que nous avions identifié côté clients », appuie Emmanuelle. Et pour cause aujourd’hui, 90 % de leurs clients, sont des clientes.
Pour autant, BatiFemmes, au-delà d’une plateforme de mise en relation clients, c’est aussi un véritable réseau professionnel pour ces femmes de tous âges (de 22 à 60 ans), et de toutes expériences. « Le réseau leur permet de se rendre compte, que même si elles ne se croisent que rarement sur les chantiers, elles ne sont pas seules dans ces métiers du bâtiment ».
Un réseau Whatsapp privé leur permet notamment de pouvoir échanger sur les difficultés techniques de leur métier ou leur statut de cheffe d’entreprise. Un environnement bienveillant qui pourrait encourager les plus jeunes à briser le plafond de verre, largement féminin, du manque de confiance en soi pour lancer son entreprise et s’épanouir de ces métiers, espèrent Karine et Emmanuelle. « Nous avons aussi des partenariats avec des entreprises du bâtiment pour montrer à ces femmes qu’elles sont totalement acceptées et même valorisées par des acteurs tels qu’Unikalo. C’est une véritable marque de confiance », précisent-elles.
Déploiement sur l’ensemble du territoire national
Un réseau d’artisanes qui va encore s’élargir puisque depuis le mois de janvier, les deux co-fondatrices se sont lancées dans le déploiement de la plateforme au niveau national. « Nous avons des régions cibles, comme l’Occitanie, l’Auvergne, Rhône-Alpes et Paris Île de France, mais c’est bien sur l’ensemble du territoire national que l’on se déploie ». Un sacré pas qui marque la renommée du projet, au-delà même des frontières néo-aquitaines. « Nous avions à la fois des demandes de clientes qui avaient envie de faire travailler des femmes et qui n’étaient pas en Nouvelle-Aquitaine et des artisanes qui avaient envie de rejoindre le réseau sans non plus être dans la région. C’est ce double constat qui a été l’élément déclencheur du déploiement au national. »
Un déploiement qui ne se fait bien sûr pas à l’aveugle. « La Nouvelle-Aquitaine est un territoire suffisamment vaste et varié pour avoir pu tester et éprouver notre modèle. » Dans une période où le marché de la rénovation bat son plein voire manque de main d’oeuvre, Karine et Emmanuelle ont bien l’intention de poursuivre leur engagement pour changer les choses dans ces métiers : « Montrer aux filles que c’est possible, et aux garçons que les filles y ont leur place ». En Nouvelle-Aquitaine comme désormais partout en France.