Accès à la terre réussi grâce à la pluralité des financeurs


Lucas Humbert et Jean-Baptiste Faure, deux jeunes agronomes, sont à la tête de la ferme lou Arban à Augère depuis un an. Associés en GAEC, ils ont bénéficié d'une multiplicité de financeurs pour réussir leur installation en Creuse sur près de 400 ha

Ferme de lou Arban

Cette exploitation située en Creuse, à 20 km de Guéret, a été reprise voilà un an par deux jeunes agronomes.

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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 07/05/2024 PAR Corinne Merigaud

Ils se sont rencontrés durant leurs études à Toulouse. Titulaire d‘un Bac STAV et d’un BTS productions végétales, Lucas Humbert suivait sa formation d’ingénieur en alternance au Crédit Agricole. Jean-Baptiste Faure avait choisi le Conseil général de Haute-Garonne pour son alternance après avoir obtenu un BAC STAV et un BTS analyse conduite et stratégie de l’entreprise. En 2022, lors de leur dernière année d’études à l’Ensat, ils décident de s’associer pour reprendre une exploitation. Ils excluent d’emblée les fermes situées en montagne, sur le littoral ou dans les départements secs du Sud-Est.

Sur le site Propriétés rurales de la SAFER, ils repèrent une ferme de 390 ha en Creuse. Bien que le prix et la surface soient au-dessus de leur budget, ils contactent la SAFER et s’entretiennent en visio avec Romain Chanut, l’un des référents du site en Nouvelle-Aquitaine. « Il y avait un problème par rapport au prix, signale Jean-Baptiste, mais finalement ça a pu se résoudre. » Plusieurs acteurs sont en effet entrés dans le jeu pour permettre de dépasser le problème du poids capitalistique de la cession.

« Cela a été une évidence »

Le 1er juillet 2022, ils se rendent sur la ferme que Christophe Durand veut transmettre. « On est arrivé en train et on a fini à vélo raconte-t-il. À Aulon, une personne âgée nous a dit bonjour et on a trouvé ça bizarre. On s’est dit que c’était un village accueillant car en ville, les gens ne disent pas bonjour. »

Jean-Baptiste Faure et Lucas Humbert avaient envisagé de s’associer et ils ont finalement trouvé la ferme dont ils rêvaient sur Propriétés Rurales, le site de la SAFER.

Ils avaient déjà apprécié les paysages sur la vidéo de la ferme mise en ligne par la SAFER. « Cela donnait une bonne impression remarque Lucas, et en arrivant, cela nous a plu. » Après une heure de visite, le cédant leur demandait s’ils comptaient venir. « Cela a été une évidence, Christophe voulait qu’on reprenne le 1er septembre mais nos contrats d’apprentissage se terminaient le 1er octobre, il fallait du temps pour les démarches, un temps incompressible. » En septembre, ils sont revenus avec leurs compagnes pour confirmer leur choix. A partir d’octobre, ils vont être présents une fois par mois, logés chez les cédants, pour le montage du projet.

J’aurais pu vendre la ferme à l’agrandissement en un mois ou deux

Christophe Durand aura mis trois ans pour transmettre l’exploitation familiale. Héritier de ces terres familiales, il cherchait un profil précis. « J’aurais pu vendre pour l’agrandissement en un mois ou deux, précise le retraité, mais j’avais la volonté d’installer des jeunes. Il fallait trouver des candidats qui me correspondent et qui repartent sur une dynamique bio. »

Pas facile de trouver le bon profil avec 390 ha à céder dont 30 ha de bois, des haies, des bandes herbacées et un étang. « Sans la SAFER qui a repéré les deux jeunes, FEVE et les citoyens qui ont mis 1 000 ou 2 000 €, ce genre affaires serait impossible, assure-t-il, leur implication a été décisive. » Même si les méthodes agricoles et les circuits de commercialisation différent, il est heureux d‘avoir transmis son exploitation. « Ces ingénieurs apportent de la matière grise et de la réflexion lance-t-il, et en plus ils viennent d’ailleurs. » Et les deux emplois à temps plein ont été maintenus.

La SAFER a joué le jeu de l’installation

Durant six mois, les futurs associés vont travailler sur leur projet et franchir toutes les étapes. « On voulait que ça aille plus vite » renchérit Jean-Baptiste. Le montage financier et juridique est pourtant bouclé rapidement avec l’appui de la SAFER et de Fermes en Vie qui ont porté les terres représentant 35 % du financement. Le Crédit Agricole a accordé un prêt couvrant 60 % de l’opération. Les 5 % restants sont leur apport personnel, constitué pour 2,5 % de la Dotation Jeune Agriculteur. Le portage foncier de la SAFER, dispositif en partenariat avec la Région Nouvelle-Aquitaine, concerne 65 ha. Cent hectares sont en fermage donc non financés.

« Nous avons découvert Fermes En vie durant l’installation précise Lucas, FEVE connaissait la ferme pour l’avoir visitée avant nous, ils ont porté 180 ha que nous rachèterons dans 6 ans. »

L’accès au foncier représentait un enjeu de taille mais il a été facilité grâce aux partenaires. « La SAFER a joué le jeu de l’installation avec FEVE remarque Jean-Baptiste, le portage nous a facilité la tâche. » Les associés ont bénéficié d’un taux réduit de 6 % sur les frais de notaire et Safer au lieu de 7 %. La Safer a remis à chacun un chèque d’installation Fascina de 1 500 €. Ce fonds prend en charge une partie des frais d’acte lors d’une acquisition réalisée auprès de la Safer. « De plus, la Safer nous a apporté un service technique et juridique et mis en relation avec la banque et différents organismes » reconnaît Lucas. L’exploitation a été officiellement transmise le 12 mai 2023.

SAFER NA

Lucas Humbert et Jean-Baptiste Faure (à g.) lors de la remise du Chèque Fascina par la Safer. Au centre, le président du comité technique de la Creuse, Jean-Luc Niveau.

Vincent Eclache, directeur de la SAFER de la Creuse, connaissait depuis très longtemps cette exploitation « l’une des plus belles structures de la Creuse par sa taille et la capacité du cédant à s’adapter au marché en vrai chef d’entreprise » souligne-t-il. La SAFER a travaillé à l’amiable avec ce dernier pour mener à bien le projet. « Nous avons managé cette transmission et fait en sorte d’aligner les planètes pour que cela aboutisse, relate-t-il. Nous avons accompagné depuis l’amont jusqu’à la signature de l’acte en mettant en oeuvre toutes nos ressources internes, nos outils avec le portage et notre réseau, la MSA, la DDT, les banques et les notaires. Cela a été très vite, 3 mois seulement. La Creuse est un petit département, tout le monde se connaît. » A titre d’exemple, la fiscaliste de la SAFER a accompagné les repreneurs chez le juriste pour la création du GAEC. « Le travail a été très poussé car toutes les fermes ne sont pas comme celle-ci » constate-t-il.

Diversifier les grandes cultures et les légumes

La ferme de lou Arban est répartie sur 3 communes, dont plus de 200 ha à Augères d’un seul tenant. Le système broutard, en place depuis 10 ans avec 130 vêlages de limousines par an, va disparaître. « L’objectif est d’arrêter les broutards en 2025, de produire des veaux de boucherie pour la restauration collective et des génisses de reproduction dont une partie sera vendue et valorisée qualitativement » indique Jean-Baptiste. Des débouchés ont été trouvés auprès de la coopérative bio du Sud-Ouest Le Pré Vert.

Quelque 250 ha sont affectés aux grandes cultures pour l’alimentation humaine (blé, blés anciens, seigle, sarrasin, tournesol colza, orge de brasserie). Des pommes de terre et légumes de plein champ ont été plantés l’an dernier sur un demi hectare complétés, cette année, par de l’épeautre, de l’avoine, du maïs, du lin et du petit épeautre en grain. Une expérimentation est menée avec la Chambre d’agriculture sur du blé dur (2 ha) pour faire des pâtes. « L’objectif est de diversifier les légumes avec des poireaux, choux et oignons et les cultures avec soja, lentilles, pois chiche et haricots secs pour augmenter la production » ajoute Lucas.

Un projet d’agroforesterie est aussi envisagé avec plantation d’arbres fruitiers, de chênes, de hêtres… sur les 110 ha d’herbe pour favoriser la biodiversité. Un magasin doit ouvrir sur la ferme en 2025. Enfin, les 7 000 m² de toitures seront couvertes de panneaux photovoltaïques, un projet sur 6 ans .

Fermes En Vie se développe en France

Créé en septembre 2020, la société Fermes En Vie basée à Bordeaux œuvre dans le champ de l’économie sociale et solidaire en aidant des porteurs de projet à accéder au foncier. Après avoir démarré en Nouvelle-Aquitaine, son activité gagne d’autres régions. « Le but est d’installer des jeunes ayant des pratiques en agroécologie explique Simon Bestel, cofondateur. Via notre foncière, nous achetons des exploitations qu’on met en portage avec location et option d’achat. Nous en avons acheté une vingtaine d’au moins 30 ha un peu partout en France, majoritairement en Nouvelle-Aquitaine, qui font en moyenne 50 à 100 ha avec polyculture, élevage, grandes cultures, verger, maraîchage, sauf de la vigne. Une trentaine de jeunes ont pu s’installer. A Augères, FEVE porte 180 ha. Pour le rachat, on préconise 10 à 15 ans, le temps que l’exploitation fonctionne bien. A Augères, c’est la première fois que nous sommes associés avec la SAFER. C’est vraiment innovant cette multiplicité de financeurs et c’est notre première double installation. » 

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