L’objectif a été explosé dès la première année. « Nous avions prévu de passer 24 vaches indique Julien, on en a fait 32 en un an ! » Il a dû embaucher un second boucher il y a un mois en CDD saisonnier. « Avant je passais 5 h par semaine à enfiler les saucisses pour aider Damien, cela m’a libéré du temps. » Tout a été très vite pour ce jeune papa revenu sur l’exploitation familiale. Il incarne désormais la cinquième génération.
Son parcours scolaire n’est pas ordinaire. Après un Bac S, ses parents enseignants (son père était prof de maths) l’ont incité à « voir autre chose ». Un DUT génie biologique, option agronomie, à Angers en 2018, une licence en agriculture bio l’année suivante mais il abandonne pour un poste de commercial en nutrition animale. « Je n’ai jamais renoncé à l’idée de m’installer se souvient-il, mon père Jacques a fait comme moi, en 1996 il a repris la ferme familiale. Je n’arrivais plus à me concentrer, je n’avais qu’une envie, revenir à la ferme. » Il fait deux saisons chez un céréalier de Saclay, qui est aussi maraîcher sur 18 ha avec vente directe. « C’était en décembre 2020, ils m’ont proposé de vendre notre viande dans leur magasin après la fin des travaux en mai 2021. Et là, j’ai rencontré Damien qui ne voulait plus travailler comme boucher en grande surface. » Les planètes étaient alignées. « Un débouché assuré chaque semaine avec un contrat à prix fixe, ça valait vraiment le coup. »
C’est le déclic qu’il fallait à Julien pour franchir le pas. La banque le suit sans hésitation pour aménager un laboratoire de découpe de 100 m² sur la ferme, un investissement de 150 000 € HT, pour valoriser une partie de ses animaux. Une course contre la montre est lancée pour tenir le délai de livraison imposé par la Ferme Trubuil-Bot à Saclay. Il sollicite l’aide de la Région via un PCAE et obtient 24 000 euros auxquels s’ajoute la DJA de 46 000 euros en zone montagne. « Le labo était terminé le 24 avril et le 2 mai, je livrais ma première vache à Paris raconte-t-il, on a l’agrément CE ce qui permet de vendre partout en France, pas uniquement sur la ferme. »
Une marque « Le Boeuf d’Alicia et Julien »
En quelques mois, il diversifie son réseau de distribution pour valoriser au maximum ses carcasses. « Une conseillère de la Chambre d’agriculture nous a mis dans le réseau ce qui nous a permis de démarcher des collèges et lycées du département. Nous livrons aussi Intermarché Aubusson, une épicerie de Felletin, l’école du village et, depuis février, un second magasin en région parisienne qui nous prend du boeuf au détail sous vide. » Des particuliers viennent aussi s’approvisionner à la ferme. Les deux tiers des ventes de viande sous leur marque « Le bœuf d’Alicia et Julien » se font grâce à ses contrats parisiens. En plus, ils écoulent une vingtaine de broutards et reproducteurs par an via la coopérative FEDER.
L’exploitation de 130 ha compte 100 mères, inscrites au Herd Book Charolais. Dix hectares sont en céréales, quatre hectares en maïs pour l’ensilage et le reste en prairies. « Sans le maïs, culture qu’on fait depuis quatre ans seulement, il n’y aurait pas autant de vaches » reconnaît-il. Une partie des céréales est revendue et les associés ont choisi de complémenter la ration. « La performance est meilleure avec l’alimentation animale » dixit l’ancien commercial.
« Retenir mieux l’eau dans les sols »
Durant ses études, Julien avait fait un stage de quatre mois au Groupement de développement agricole d’Aubusson pour se former à l’engraissement à l’herbe . « J’étais très bio à l’époque mais une expérience malheureuse m’y a fait renoncer confie-t-il, et en bio, on produit deux fois moins. »
Quant à la prise en compte de l’environnement, cela reste une variable avec laquelle il compose. Grâce à la Chambre d’agriculture, il a établi un diagnostic CAP’2ER® (Calcul automatisé des performances environnementales en élevage de ruminants) pour évaluer les impacts environnementaux de son exploitation. « On a pu voir comment on peut produire plus de viande sur les mêmes surfaces sans polluer plus. Sur notre exploitation, l’indicateur de fréquence de traitements phytos est faible. Les doses sont minimes sur les céréales. »
Ils sont en phase de réflexion quant aux effets du changement climatique et cherchent une solution pour stocker plus de carbone dans les sols. « Cela améliorerait leur structure et leur fertilité si on arrivait à retenir mieux l’eau au lieu d’arroser estime-t-il, j’aimerais rencontrer des agriculteurs qui l’ont expérimenté en Bretagne ou en Sologne. » Les associés ont fait des essais avec de la luzerne, du plantain et de la chicorée mais ils « n’ont pas encore trouvé le truc miraculeux. » Depuis six ans, ils ont renouvelé les prairies temporaires. « J’essaie de trouver des prairies naturelles qui n’ont jamais été plantées pour améliorer la fertilité et augmenter la production.»
Julien et son père misent aussi sur la production d’énergie solaire avec la construction d’une stabulation de 1 000 m² et d’un hangar de stockage de 450 m² en service d’ici la fin de l’année. Cette opération de 450 000 € a bénéficié d’un PCAE, la Région leur accordant 112 000 €. Enfin, le jeune agriculteur s’accorde du temps libre dès qu’il le peut pour concilier vie de famille et vie professionnelle. « Et on part car si on reste, on n’arrête jamais de travailler » lance-t-il avec un large sourire.
Le rendez-vous de l’installation et de la transmission est organisé au cours du Salon de l’Agriculture Nouvelle-Aquitaine de Bordeaux, le 16 mai 2023.
Cette journée sur le thème « Agriculture: à chacun son installation » est une réalisation partenariale entre Aqui.fr, le Salon de l’Agriculture Nouvelle-Aquitaine, la Chambre d’agriculture de Nouvelle-Aquitaine, le Crédit Agricole, Jeunes agriculteurs Nouvelle-Aquitaine, La Coopération agricole, les CUMA, la SAFER, la Région Nouvelle-Aquitaine, la DRAAF et le réseau RÉANA.