« État Limite » : la détresse de l’hôpital aussi en région


Manque de personnel, mal-être de l'institution... "Etat Limite" suit le seul psychiatre de l'hôpital Beaujon, à Clichy. Sorti au cinéma le 1er mai, il a été vu par des personnels de santé de la région qui ont reconnu leurs problématiques.

Gogogo Films

Pendant deux ans, Nicolas Peduzzi a suivi le quotidien de Jamal Abdel-Kader, seul psychiatre de l'hôpital Beaujon, à Clichy.

Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 07/05/2024 PAR Manon Gazin

Un psychiatre face au manque de moyens, de lits, de personnel. Le documentaire « État Limite », réalisé par Nicolas Peduzzi, suit Jamal Abdel-Kader, le seul psychiatre de l’hôpital Beaujon, à Clichy (Hauts-de-Seine). Et ses patients, atteints de troubles mentaux ou en grande détresse médicale ou sociale. Troisième long-métrage du réalisateur, le film a bénéficié d’une subvention de la Région Nouvelle-Aquitaine de 50 000 euros au titre de l’aide à la post-production, et a été accompagné par ALCA (Agence Livre, Cinéma et Audiovisuel en Nouvelle-Aquitaine). Après avoir obtenu plusieurs prix au cours de l’année 2023, il est sorti en salles ce mercredi 1er mai.

Pendant deux ans, en 2020 et 2021, Nicolas Peduzzi a suivi le quotidien de Jamal Abdel-Kader. Une façon de rendre hommage à cet hôpital, où son père avait été transplanté dans les années 1990. « C’est un hôpital que je connaissais. J’y suis d’abord retourné pour entreprendre un travail plus global sur les soignants », raconte le réalisateur. « Je me suis rendu compte qu’il y avait une part de souffrance et de manque de sens énorme ». Au bout de deux mois à arpenter l’hôpital, équipé de son Alpha 7, il rencontre Jamal Abdel-Kader. « À travers lui, je me suis dit : ça peut être ça, un portrait de l’hôpital public aujourd’hui. Et directement ou indirectement, de l’état de la psychiatrie dans notre société. »

Gogogo Films

Le documentaire est sorti ce mercredi 1er mai au cinéma.

Avec ce tournage, Nicolas Peduzzi prend conscience des difficultés auxquelles fait face aujourd’hui l’hôpital public en France, en particulier la médecine psychiatrique. « Où est l’endroit de la psychiatrie aujourd’hui ? […] Le seul psychiatre que je trouve, qui est vraiment dévoué, et en plus très jeune, se retrouve à faire un burn-out. Je me dis : Mais comment c’est possible qu’on en soit arrivés là ? », se remémore-t-il. « Il y a un décalage entre les gens qui prennent les décisions et ceux qui sont sur le terrain, et ça c’est hallucinant »

« Le mal-être est partout »

Si le décor du documentaire prend place en région parisienne, la détresse qui y est mise en lumière concerne tout le pays. « Tous les territoires sont touchés à plus ou moins grande échelle. Le mal-être est partout », se désole Yannick Jacobson, secrétaire général de l’Union Syndicale Départementale CGT de la Santé et de l’Action Sociale des Landes. « L’état de l’hôpital public, et de la santé en général, est délabré, avec des restrictions budgétaires et des plans de limitation de dépenses en cours de route », explique-t-il.

« On accompagne beaucoup de personnel sur des burn-out, qui sont en détresse, perdus, qui ont un mal-être au travail », explique le représentant de la CGT. Ce dernier pointe du doigt les conditions de travail, les horaires et journées à rallonge, « les douze heures de travail par jour qui sont jamais respectées », ou encore le non-respect des jours de repos. 

« Psychiatrie : l’oubliée de la santé publique »

Conséquence : moins de personnel, moins d’embauches, davantage d’arrêts de travail, et une fuite en avant des professionnels, qui changent de métier ou démissionnent de l’hôpital public. Au-delà d’un accès aux soins restreint, c’est aussi la sécurité des patients qui finit par être atteinte. « Avec des effectifs réduits et épuisés, automatiquement, on institue une maltraitance non volontaire », regrette Yannick Jacobson. 

Et en première ligne de ces défaillance : la médecine psychiatrique. « C’est un peu l’oubliée de la santé publique en France », regrette le secrétaire général. « On est en manque cruel de psychiatres. Il n’y en a quasiment plus dans les établissements. Ça aboutit à des fermetures de services, parce qu’on ne peut plus accueillir les patients dans des conditions optimales »

Un documentaire postproduit en région Nouvelle-Aquitaine

Une fois le tournage fini, « État Limite » a bénéficié d’une subvention de la Région Nouvelle-Aquitaine de 50 000 euros au titre de l’aide à la post-production. « On a envoyé un gros brouillon du montage au FIFIB [Festival international du film indépendant de Bordeaux, ndlr] », raconte Nicolas Peduzzi. « Ils ont un programme génial qui s’appelle le Work in Progress, pour des films qui peuvent être envoyés en post-production ». Après avoir été visionné par un comité de réalisateurs et réalisatrices, il est sélectionné pour que sa post-production, qui représente « ce qui coûte le plus cher dans le documentaire », soit financée. « On a fait toute la post-prod dans la région », raconte le réalisateur. Les studios de montage l’Alhambra Studios à Rochefort (Charente Maritime) et Lily Post-Prod à Bordeaux y ont ainsi participé.






Infos pratiques !

 

« État Limite » – Réalisé par Nicolas Peduzzi

Produit par Gogogo Films et Arte France et distribué par Les Alchimistes. 

Actuellement au cinéma

Durée : 1h42

Synopsis : Hôpital Beaujon, Clichy. Au mépris des impératifs de rendement et du manque de moyens qui rongent l’hôpital public, Jamal Abdel-Kader, seul psychiatre de l’établissement, s’efforce de rendre à ses patients l’humanité qu’on leur refuse. Mais comment bien soigner dans une institution malade ?

Ça vous intéresse ?
Partagez l'article !
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
Laissez vos commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

On en parle ! France
À lire ! CULTURE > Nos derniers articles