Mourir écolo, ça sera bientôt possible ?


Comment améliorer l’impact environnemental des défunts? C'est la question à laquelle veut répondre le projet F-Compost, porté entre autres par l’université de Bordeaux. En se concentrant sur la terramation, autrement dit le compostage des corps.

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La terramation, ou humusation, consiste à laisser le corps des défunts être décomposé par les bactéries, jusqu’à former un terreau.

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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 29/04/2024 PAR Manon Gazin

Et si on vous proposait de transformer votre corps en humus ? La terramation, aussi appelée compostage funéraire, consiste à placer le corps du défunt sur un lit de broyats végétaux, puis à le recouvrir de ce même matériau, afin que l’ensemble se transforme ensuite en humus. L’avantage de cette méthode ? Une empreinte environnementale plus faible qu’avec une inhumation ou une crémation.

La terramation n’est pas légalisée en France, faute notamment de données scientifiques suffisantes. Afin d’accompagner les décisions publiques sur le sujet et de récolter des éléments scientifiques concrets, le projet F-Compost a été lancé début avril 2024 pour une durée de deux ans. Ce dernier est porté par le CNRS avec l’université de Lille, de Bordeaux, l’association Humo Sapiens et est financé par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR).

 « L’inhumation et la crémation sont deux pratiques funéraires qui ont un impact écologique fort, et un impact fort sur l’occupation des sols », explique Sacha Kacki, chargé de recherche au CNRS au laboratoire PACEA, l’institut bordelais en charge du projet. Étape obligatoire dans la vie de chacun, le décès entraîne en effet une empreinte environnementale importante. Que ce soit par « les matériaux que l’on va utiliser dans le cadre de l’inhumation », mais aussi par « les terrains utilisés dans les cimetières », qui entraînent des « risques de pollution des sols ». « L’inhumation représente entre 800 et 1000 kg d’émissions de CO2 , principalement liées aux matériaux », explique le chargé de recherche. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, « la crémation à un impact environnemental moindre, de l’ordre de 200 à 250 kg de CO2″

La terramation est une pratique d’autant plus écologique que le humus peut ensuite servir à amender les sols, ou à faire pousser un arbre dessus. « C‘est quelque chose qui permet de replacer l’organisme humain, après son décès, dans un cycle naturel », souligne Sacha Kacki. « Il y a toute une réflexion de la part de la population pour faire quelque chose qui soit plus en relation avec la nature ». Si cette méthode reste peu connue des Français, 49% d’entre eux déclarent être prêts à y recourir pour eux ou leurs proches, une fois ce concept présenté (selon le sondage OpinionWay « Les Français et la terramation » pour MAIF et l’association Humo Sapiens). 

Tester pour approuver

Autorisée dans sept états aux Etats-Unis, la terramation est toujours officiellement interdite en France, malgré deux demandes portées auprès des pouvoirs publics, d’abord en 2016 puis en 2021. « C’est un peu le point de départ de ce projet : créer une collaboration entre des acteurs de la société civile », explique le chercheur. Le but ? Permettre l’acquisition de données scientifiques qui serviront de base aux discussions avec les pouvoirs politiques, pour éventuellement légiférer en faveur de cette pratique.

Et pour obtenir ces données, rien de mieux que la pratique. Si pour l’instant le projet est en phase de « co-conception » de protocoles entre ses différents acteurs, le but est de lancer des expérimentations concrètes à partir de la rentrée 2024. Des cadavres d’animaux, de plus en plus gros, seront ainsi traités selon le principe de la terramation, afin d’y collecter dans un second temps un ensemble de données qui fourniront des informations scientifiques. Ces expérimentations seront effectuées à Bordeaux et à Lille. « Le but est aussi de pouvoir tester ce protocole dans des environnements différents », soutient Sacha Kacki. « Pour évaluer le fait qu’il soit bien transposable à l’ensemble du territoire, indépendamment des conditions météorologiques, des températures, des latitudes »

Légaliser, oui, mais après ?

Malgré les avantages de cette méthode, la question du devenir du humus se pose. « Des choses très variables sont imaginables » pour les proches qui souhaiteraient se recueillir, selon Sacha Kacki. Ce dernier évoque par exemple la création de « jardins du souvenir », où un arbre pourrait être planté. Reste aussi la question des os, qui restent intacts après la terramation. Mais Sacha Kacki le précise : « Le projet F-Compost ne s’intéresse pas au devenir après la terramation. On s’intéresse dans ce projet à produire de la donnée scientifique […] et on s’arrête à ça »

Si cette méthode venait à être légalisée, difficile d’imaginer pour l’instant dans quels endroits elle pourrait être pratiquée. « On peut très bien imaginer une évolution où des surfaces actuellement occupées par des cimetières seraient réinvesties avec des règles particulières », soutient le chercheur. « Tout comme aujourd’hui on peut avoir des colombariums, des types de bâtis qu’il n’y avait pas quand la crémation était minoritaire ». Affaire à suivre, donc, pour savoir si l’on aura droit à « une alternative supplémentaire » et « une plus grande diversité de choix offertes » pour notre sépulture. 

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