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GENS D'AQUI !
4 min
PUBLIÉ LE 30/11/2023 PAR Corinne MerigaudIl est des changements de vie qui interpellent, surprennent voire désorientent jusqu’à ses proches. « Ma famille n’a pas compris, reconnait Pascale Vuylsteke, certains sont venus sur l’exploitation, ils ont trouvé ça exotique mais ils pensent que ça va me passer ! » Ses cinq enfants élevés, cette jeune mamie de 56 ans a posé ses valises dans un corps de ferme de 1637, niché à Jabreilles-les-Bordes, au pied des Monts d’Ambazac. Dans cet environnement isolé, elle élève des cochons bio 100 % en plein air, une race rustique locale. Une idée qui a pris forme voilà douze ans.
« Je suis insomniaque, à 3h du matin, je regardais une émission sur les Gascons. Je me suis dit, je vais faire ça » se souvient-elle. Pour l’ex agent immobilier, la reconversion est osée. Le matin même, elle parle de son projet à son époux militaire qui va être muté en Nouvelle-Calédonie. Pascale ne renonce pas. Durant trois ans, elle mène des recherches sur cette race. En 2019, elle décroche un BPREA option porcine au lycée agricole de Montauban. S’en suit une quête pour trouver le lieu idéal pour s’installer. « On ne pensait monter pas si haut avoue-t-elle, Brive c’était la limite ! On a trouvé cette ferme sur Le Bon Coin et on est tombé amoureux de cette région qu’on ne connaissait pas. » Le couple a voyagé, déménagé dix-huit fois et traversé souvent la Haute-Vienne sans s’arrêter. « Cela ne correspondait pas pour les clôtures, les agriculteurs précédents élevaient des agneaux et des brebis. » Qu’importe… Le coup de coeur est là.
Bonaparte, Joséphine, César et Cléopâtre
Le premier Gascon, inscrit au livre généalogique de la race, est arrivé le 22 décembre 2021. En visitant l’exploitation de Nicolas Couderc, un éleveur de porcs Cul noir Limousin, elle craque pour ses porcelets roses et noirs. « J’ai décidé d’élever les deux races, je suis la seule à faire ça lance-t-elle, et hors berceau pour les Gascons. »
Elle démarre avec un verrat et quatre mères de chaque race, affublés de prénoms peu habituels. « Pour les Culs noirs, j’ai choisi la lignée impériale romaine avec César et Cléopâtre et pour les Gascons, c’est la lignée napoléonienne mais je n’ai pas eu le droit de le nommer Napoléon ! Donc il y a Bonaparte, Joséphine, Eugénie, Louison et l’Aiglon. » Un an après, les premiers porcs charcutiers étaient commercialisés. En février, une femelle gestante Cul noir a obtenu le 3ème prix au Salon international de l’agriculture. « J’étais hyper fière, quand j’habitais à Versailles, je suis allée deux fois au Salon » se souvient-elle. Pascale espère à nouveau qu’un de ses reproducteurs sera sélectionné pour le prochain salon. « Tout est allé très vite, on est un peu dépassé » avoue-t-elle.
La Ferme des Chevaliers Noirs Les porcs bio sont élevés 100% en plein air dans des parcs d’un hectare.
Le travail acharné a payé avec des journées de 20h à 22 h deux fois par semaine au moment de la découpe des Culs noirs, de la transformation et de la préparation des commandes. Ses box apéro, colis de viande fraîche et charcuteries sont écoulés en vente directe sur des marchés locaux. Des tournées sont organisées en France, divisée en cinq secteurs, avec deux tournées au nord, au sud, à l’est et à l’ouest et quatre en région parisienne. A cela s’ajoutent trois tournées annuelles à Limoges et des livraisons régulières chez Naturalia, au drive fermier, à La ruche qui doit oui, et dans une épicerie d’Ambazac.
Le meilleur saucisson de Cul noir
Les journées sont bien remplies entre les deux heures de nourrissage le matin, la tournée d’eau, la surveillance des animaux et des clôtures des parcs (3 km par parc d’un hectare), le travail administratif, le suivi des réseaux sociaux, la gestion et la préparation des commandes. Sans compter les imprévus. « Un chêne est tombé sur la cabane des mères sans les blesser, il va falloir reconstruire » raconte l’éleveuse. Une attention particulière est nécessaire lors des mises bas. Chaque année, les truies donnent naissance à environ 130 porcelets à raison de 6 à 7 par portée pour les Culs noirs et de 8 à 10 pour les Gasconnes.
Son objectif est de transformer 80 porcs par an. « On devrait atteindre la vitesse de croisière au 1er trimestre 2024 pour faire face à la demande, soit 7 à 8 porcs par mois contre 6 à 7 aujourd’hui précise-telle, on nous demande beaucoup de salaisons.» Le laboratoire et le séchoir seront opérationnels à cette échéance. Le succès est au rendez-vous, son saucisson de Cul noir a remporté le concours lors du festival de l’agriculture de Panazol en septembre, face à trois autres. « C’est le public qui a voté. Nous voulons faire connaître notre saucisson dans le monde entier !» Et comme dans le cochon tout est bon, deux projets sont dans les cartons pour 2024. Le saindoux sera valorisé en savon artisanal tandis que les queues et les oreilles seront séchées pour les commercialiser. « J’ai testé avec mes chiens, ils adorent ça ! ».
Cette dynamique éleveuse a été primée lors du 1er concours « Initiative au féminin » organisé par réseau Initiative Nouvelle-Aquitaine pour la création de son entreprise agricole « La Ferme des Chevaliers Noirs ».
