En Nouvelle-Aquitaine, 38% des jeunes déclarent avoir déjà subi au moins une violence sexuelle de la part d’autres jeunes. Le chiffre s’envole à 57% s’agissant des jeunes femmes. 9% des jeunes déclarent avoir subi un viol. Et 60% des victimes ne se sont pas senties soutenues lorsqu’elles en ont parlé ou n’ont pas trouvé à qui en parler.
Les chiffres que révèle le baromètre 2023 des Apprentis d’Auteuil, acteur de l’éducation dont les 400 salariés accompagnent 2 000 jeunes et 400 familles de la région, interrogent sur la prise en compte de l’éducation affective relationnelle et sexuelle dont chaque jeune doit pourtant bénéficier pendant son parcours scolaire.
Formés à la sexualité… grâce au porno!
« Nous avons été surpris nous-mêmes par ces chiffres, » reconnaît Bruno Galy, responsable des Apprentis d’Auteuil pour la Nouvelle-Aquitaine . « C’est un enjeu éducatif majeur porté par notre fondation depuis près de quinze ans. »
Bruno Galy, direction régionale des Apprentis d’Auteuil de Nouvelle-Aquitaine.
En marge de la supposée formation, 1/3 des jeunes de moins de 12 ans dit avoir déjà vu un film porno et s’estime donc formé à la sexualité. Et 29 % des jeunes filles craignent « de ne pas être à la hauteur » lors de leur premier rapport sexuel. « Comme quoi les espaces de parole en confiance sont insuffisants. On ne peut pas aborder ces questions en trois séances, il faut aller plus loin » déduit Bruno Galy.
Il ne veut pas parler de rendez-vous manqué et préfère envisager que l’éducation affective relationnelle et sexuelle prenne davantage de place sur la scène de l’éducation des jeunes. « Pour se construire, un jeune doit connaître ses droits, l’impact de ses choix sur les autres et sur lui-même, comprendre la portée du consentement. A nous aussi, les éducateurs de prendre en compte l’impact de la pornographie en libre service. Il faut partir de leurs sujets et pas des nôtres, les équiper pour faire des choix éclairés. Nous ne sommes pas là pour juger mais pour comprendre où sont les freins. C’est un sujet qui concerne tous les professionnels de l’éducation comme les parents. »
Dès le primaire on peut déjà travailler sur le consentement, le respect et la connaissance de soi-même.
En dézoomant de la relation sexuelle, Bruno Galy interroge plutôt la question de la relation quelle qu’elle soit. « Dès le primaire on peut déjà travailler sur le consentement, le respect et la connaissance de soi-même. C’est là qu’est l’enjeu sociétal majeur. L’autre est-il celui qui impose un câlin ou qui demande à l’enfant s’il est ok pour un câlin ? »
Mais pour aborder ces questions, encore faut-il être à l’aise avec ces sujets. « A nous de nous aguerrir en combattant nos propres peurs, nos schémas. En tant que parents ce n’est pas toujours facile. Pour les professionnels de l’éducation, une formation spécifique est fondamentale. »
La fondation des Apprentis d’Auteuil dispense déjà deux formations. L’une proposée en quatre jours à tous les personnels de l’institution ; l’autre de 160 heures validée par une attestation d’État d’éducateur à la vie. « Il faudrait au moins une personne formée dans chaque établissement scolaire de France. Elle pourrait prendre le relais de ses collègues sur ces questions ou créer un espace de parole, » préconise Bruno Galy, pour qui le plus préoccupant aujourd’hui « est de ne pas avoir de visibilité sur ce que vit notre jeunesse. Pour en parler il faut déjà connaître leur vécu sur ces sujets. »
La fidèlité garde la cote
Dans un livre blanc remis aux candidats à l’élection présidentielle, la fondation d’Auteuil évoquait déjà la systématisation de la formation des enseignants et des éducateurs à ces sujets. « Plutôt que de nous positionner comme des sachants, nous préférons le rôle d’apprenants auprès de ceux que nous accompagnons.»
Les résultats du baromètre révèlent aussi un signal positif. 89% des jeunes considèrent qu’une relation amoureuse est épanouissante lorsqu’elle repose sur la fidélité. Mais cette confiance passe, paradoxalement, par un besoin de contrôle sur l’autre : 53% des jeunes considèrent que la jalousie dans un couple est une preuve d’amour et 54% estiment normal d’avoir les codes de téléphone de sa ou son partenaire, sans son autorisation.
Plus inquiétant, les jeunes expriment un sentiment d’obligation vis-à-vis de leurs partenaires sexuels : 43% des jeunes ont déjà accepté une relation sexuelle pour faire plaisir à leur partenaire, alors qu’ils n’en avaient pas envie. 31% parce qu’ils n’ont pas réussi à dire « non ».
Verbatim
Parmi les témoignages recueillis dans le cadre de l’enquête qui a nourri le baromètre, quelques phrases disent l’urgence à prendre l’éducation affective, relationnelle et sexuelle en compte : « J’aurais aimé qu’on nous parle de sujets comme ça à l’école (même au lycée); peut être ça m’aurait sauvé plus tôt. » Ou encore « Pourquoi pas un forum ou une possibilité de faire des FAQ pour que les élèves puissent poser toutes les questions qu’ils se posent. » « J’ai bien aimé répondre à cette enquête, ça m’a soulagé .»