LGV GPSO : le casse-tête de la compensation environnementale


Alors que les opposants à la LGV GPSO manifestaient une nouvelle fois contre le projet le week-end dernier à Cadaujac (33), SNCF Réseau accélère dans le processus de compensation de ses impacts environnementaux. Comment et pour quel objectif?

Des rails e TGVcanva

Le projet LGV GPSO prend un nouveau virage dans la constitution de réserves foncières afin de permettre la mise en œuvre de mesures écologiques de compensation.

Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 25/04/2024 PAR Solène MÉRIC

Si selon son responsable de l’unité juridique, réglementaire et environnement, Luc Buisson, SNCF Réseau, n’a pas attendu le 8 mars dernier pour se pencher sur la question des compensations environnementales du projet de la LGV GPSO (Bordeaux-Toulouse et Bordeau-Dax), cette date marque tout de même une forme d’accélération dans le processus, par la signature d’une convention avec la SAFER Nouvelle-Aquitaine. Celle-ci vise à la constitution des réserves foncières permettant précisément la mise en place de mesures de compensations des impacts environnementaux liés au projet.

Elle n’est pas pour autant la première du genre. Il y a près de 10 ans une convention avait été actée entre, à l’époque, RFF et la Safer Aquitaine, avec pour objet le lancement d’un processus de constitution de réserves foncières agricoles et forestières dans le cadre, déjà, du GPSO. Son ambition : faciliter, par cette veille foncière, la réalisation du projet mais aussi la restructuration foncière des exploitations agricoles affectées par cet ouvrage.

Compenser la perte de biodiversité, et même à amener un gain net de biodiversité

Au-delà de l’adapation de ses contours à la Safer Nouvelle-Aquitaine, la convention de 2024, vient, donc ensuite et surtout, y ajouter le volet des compensations écologiques. « Depuis la loi biodiversité de décembre 2016, si un projet impacte un milieu humide ou une espèce en particulier, la réglementation impose de mettre en place des mesures de manière à compenser la perte de biodiversité, et même à amener un gain net de biodiversité », explique Edouard Bordelais, Responsable du service régional Environnement et Collectivité de la Safer Nouvelle-Aquitaine.

L’opérateur foncier aura donc pour mission de repérer les opportunités de ventes de terrain pouvant permettre la réalisation des compensations environnementales, dans un périmètre pour l’heure circonscrit à une bande de 20 kilomètres de large centrée sur le tracé du projet.

Environ 3000 ha recherchés

S’il est difficile d’établir précisément le besoin de surfaces de compensation, une estimation est donnée à environ 3 000 ha. « Un ordre de grandeur à manipuler avec précaution, préfère avertir Luc Buisson, d’autant que ça ne prend pas en compte les mutualisations possibles entre compensation liées aux zones humides et celles liés aux protections au titre des espèces protégées ». Même à la louche, la surface estimée de ce besoin de compensation reste donc importante au regard de l’emprise foncière totale du projet d’environ 4 800 ha.

En effet, éclaire Edouard Bordelais, « en matière de compensations écologiques, en fonction des impacts précis subis par tel ou tel milieu ou par telle ou telle espèce protégée ce n’est pas forcément du 1 pour 1 entre hectare impacté et surface compensée. En fonction de différents critères, on compense généralement plus que ce qu’impacte le projet en réel ». Les besoins précis, ne seront en vérité connus qu’au fil des autorisations environnementales obtenues durant l’avancement du projet, ajoute le représentant de SNCF Réseaux.

La gestion de ces mesures est dés le départ prévue sur des durées de 50 ou 60 ans

Ces compensations écologiques peuvent être mises en œuvre de deux manières, souligne Luc Buisson : « Soit par l’acquisition de sites par SNCF Réseau (via ici la safer, ndlr) que l’on rétrocède à des acteurs du territoires qui auront à assurer la mise en place du programme de compensation SNCF Réseaux tel que validé par les services de l’État. Soit par le conventionnement avec des agriculteurs sur un cahier des charges concernant l’exploitation de la parcelle, et qui vient poser des contraintes d’ordre environnementales dans les pratiques agricoles. » 

Ces mesures de compensation sont donc des projets de très long terme. « La gestion de ces mesures est dés le départ prévue sur des durées de 50 ou 60 ans », pointent Edouard Bordelais. Il en va de la pérennité de la compensation. Par exemple, s’il ne faut que quelques les mois pour concevoir et créer ou recréer une simple mare, il faudra compter minimum une décennie avant que sa richesse biologique soit comparable à une mare pré-existente impactée par le projet, peut-on lire dans les documents fournis par SNCF Réseau dans le cadre de l’enquête de déclaration d’utilité publique.

Donner la main aux acteurs de terrain

Coté calendrier, la compensation est due avant l’impact résiduel, qui correspondra au moment de la phase de construction. « Ça nous laisse trois ou quatre ans devant nous. Nous ne sommes pas en retard, on prend le sujet à bras le corps en cherchant à construire ces mesures avec les opérateurs du terrain tels que le Conservatoire des espaces naturels, les fédérations de chasse ou de pêche, les syndicats de cours d’eau, les établissements publics de bassin, ou encore des associations environnementales comme la LPO. Des acteurs aux près desquels SNCF Réseau souhaite déléguer les choses et leur donner la main sur le sujet « plutôt que d’imposer un opérateur national de compensation. On veut travailler finement, et échanger au plus près du terrain », promet Luc Buisson.

Le défi ça va être de susciter l’intérêt de certains de vendre, tout en restant au prix du marché foncier

Pour l’aspect anticipation foncière, il y a quand même du travail « Sur un territoire comme la Nouvelle-Aquitaine il y a entre 1,5 et 2% du territoire qui change de main chaque année, mais là dedans, il y en a peut-être que la moitié qui nous est accessible et sur lequel on peut intervenir à l’amiable ou en préemption. » Le terrain de jeu pour trouver les opportunités foncières n’est donc pas très important, d’autant qu’il est limité aussi aux espaces proches de la ligne. « Le défi ça va être de susciter l’intérêt de certains de vendre du foncier sur des zones stratégiques ou interessantes à mobiliser parce qu’il y a par exemple des milieux dégradés », explique Edouard Bordelais.

Le tout « en respectant évidemment les prix du marché foncier », c’est la vocation même de la Safer, mais aussi « en maintenant ou en créant, chaque fois que c’est possible, une activité agricole sur ces surfaces qui soit compatible avec les différents enjeux en jeu », telles que la protection d’une espèce, la renaturation, etc.

Animation territoriale à partir de juin

Sur ce dossier, la Safer prend aussi sa part dans la mise en œuvre d’une animation foncière de terrain qui corresponde au besoin. Pour ce faire l’opérateur foncier s’est depuis décembre 2023 lancé dans une étude exploratoire consistant à analyser les enjeux fonciers, agricoles et forestiers avant d’identifier les terrains, propriétaires et ou exploitants susceptibles d’accueillir des mesures environnementales. La Safer va devoir prendre son bâton de pélerin pour tenter de les convaincre, le tout en lien avec les 290 communes situées sur le tracé (coté Nouvelle-Aquitaine) et acteurs du territoire que SNCF Réseau veut voir entrer dans la boucle de ces mesures de compensation. Acteurs dont un certain nombre fréquentent plutôt pour l’heure les premiers rangs des opposants…

Pas de quoi remettre en cause l’optimisme du côté de SNCF Réseau « nous avons su le faire pour la LGV SEA, nous y arriverons pour le GPSO. Avec bien sûr derrière des observatoires et comités de suivi de ces mesures, quitte à les adapter si nécessaire ».

Ce dispositif territorial va se déployer à partir de juin en Nouvelle-Aquitaine, mais aussi coté Occitanie du projet. La signature de la convention du même type avec la SAFER Occitanie est quant à elle prévue aussi pour le mois de juin.


Eviter Réduire Compenser

Pour Luc Buisson, « il faut bien comprendre qu’il s’agit là de compenser l’impact résiduel du projet, c’est à dire les impacts sur les zones humides ou sur les espèces qui n’auront pu être ni évités ni réduits, lors des différentes étapes ». Selon la doctrine, la priorité est d’abord d’éviter qu’il y ait des impacts de nature environnementale, puis, s’ils ne peuvent être évités, de faire en sorte qu’ils soient le moins marquants possible. « C’est la démarche ERC (Eviter Réduire Compenser) qui prévaut de la conception du projet jusqu’à son exploitation. La compensation est le dernier recours par rapport à ces impacts résiduels » appuie-t-il.

Cet article fait partie du dossier
Ça vous intéresse ?
Partagez l'article !
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
2 Comentaires

2 commentaires

  • tchoo, le 26/4/2024 à 11h17

    compensation environnementale qui n’est pas vraiment une compensation: on détruit une mare, on va acheter un terrain, ou louer ou demander à un propriétaire de recréer une mare de la même surface, à proximité si possible du bien détruit. Résultat, on détruit un lieu existant (prairie, champ, bosquet) pour créer un milieu que l’on a détruit ailleurs.
    On ne créer jamais, par compensation environnementale, de lieu par ailleurs détruit à partir de rien, on sanctuarise tout au plus des lieux déjà existant équivalent aux lieux détruit: résultat final= destruction de lieu naturel ou cultivé. on soustrait donc au « stock » initial de lieu naturel ou cultivé des surfaces utilisés pour cette infrastructure (hautement inutile, juste pour quelques précieuses minutes sur un parcours de plusieurs heures) quelques soit la compensation, le stock diminue


  • RECARTE, le 25/4/2024 à 10h10

    Effectivement un sacré casse-tête. Le projet est mis sur les rails alors qu’on n’a pas le début d’une solution pour les mesures compensatoires. Faut-il rappeler que pour la seule section Dax-Espagne non soumise encore à l’enquête publique les mesures compensatoires sont du même ordre de grandeur que Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax ( Source autorité environnementale). On ne sait à ce jour comment s’y prendre SNCF Réseau affirme on n’y est bien arrivé pour la LGV SEA n y arrivera bien pour le GPSO aussi et Alain Rousset avec un culot monstre affirme « l’environnement ne sera pas perdant ». On nage en plein délire!


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

On en parle ! Nouvelle-Aquitaine
À lire ! ENVIRONNEMENT > Nos derniers articles