Le cimetière de Louyat présente un patrimoine unique au monde avec des centaines de plaques funéraires en porcelaine qui interpellent les vivants. Si c’est loin d’être le plus grand de France comme on le pense (Pantin fait 107 ha), le cimetière, qui se visite, est vaste pour une ville moyenne avec 40 000 sépultures et 200 000 défunts.
La partie la plus ancienne, qui longe le boulevard des Arcades, recèle de belles plaques en porcelaine. Elles rappellent l’histoire de cette industrie qui a fait la renommée de Limoges et rend hommage à ces ouvriers et peintres qui se spécialisèrent dans l’art funéraire. Ces objets démontrent un savoir-faire technique et artistique d’exception.
En vogue durant un siècle
Qu’elles soient rondes, rectangulaires, carrées ou en forme de coeur, ces
plaques racontent l’histoire des défunts. Les premières sont apparues en 1820 et elles perdureront un siècle. « Les plus anciennes sont rectangulaires souligne Anne-Claire Dubreuil guide-conférencière à l’office de tourisme de Limoges Métropole. Avec l’invention de la calibreuse par l’ingénieur Faure elles deviennent rondes. »
En 1840, elles se diffusent à toutes les classes sociales grâce aux ouvriers porcelainiers, leur prix étant plus accessible. Au fil du temps, certaines ont gardé leur éclat, d’autres sont tombées, ont été brisées ou volées. Chacune exprime un sentiment, une émotion et une représentation de l’au-delà avec des thématiques et des symboles qui ont évolué au fil des ans.
La visite de deux heures permet aux participants de remonter le temps. Au fil des allées et sections, les plaques dévoilent des décors romantiques mêlant jardin, saule pleureur et pensées. Des scènes sont plus tragiques avec le défunt sur son lit de mort entouré des siens. Des anges accompagnent les plus jeunes comme la plaque de Marie Ranty, décédée en 1864 à 10 ans, ornée de couronnes en perles de porcelaine. Le petit Henry Roche, enfant de choeur à la cathédrale décédé à 12 ans, est accompagné par ses camarades en aube. La mort prend aussi la forme de crânes ou de squelettes fauchant le destin d’un être cher.
La plaque n’est parfois pas assez grande pour rédiger l’épitaphe. On jongle avec la typographie pour laisser un message éternel. L’épouse éplorée de Jacques Bathias, ex employé des postes décédé en 1862, a laissé un message personnalisé, confiante dans leurs retrouvailles. La plaque rappelle aussi un acte héroïque comme celui de ce sergent-chef des sapeurs-pompiers « mort victime de son courage et dévouement » lors de l’incendie du quartier de La Motte en 1864.
« Joli et relaxant »
La sépulture des soeurs Catel, Jeanne-Eugénie décédée à 19 ans et Léona à 24 ans, est touchante avec ces pavots et pensées telles une estampe japonaise. Le portrait ivoire, teinte difficile à reproduire, montre la maîtrise de leur père qui était du métier. La mémoire de Justin, jeune porcelainier, a été honorée par ses collègues. « Ils se sont cotisés et ont fabriqué sa plaque avec un décor petit feu de roses et pensées qui a demandé beaucoup de travail » précise la guide.
Des membres de la famille Haviland qui ont permis l’essor de la porcelaine aux Etats-Unis sont inhumés dans un carré où aucune plaque en porcelaine ne rappelle leur parcours industriel. Ces protestants reposent sous de simples pierres tombales sans représentation, en accord avec leur appartenance religieuse.
La visite a particulièrement intéressé les deux plus jeunes Charline 12 ans et sa sœur Lily 14 ans, originaires de l’Ardèche. « J’aime bien visiter les cimetières avoue la cadette, je ne savais pas qu’il y avait ces plaques, c’est très joli et relaxant. » L’aînée est repartie avec une idée en tête « C’est très beau surtout les allées avec la végétation et cela me donne envie de rechercher ma famille pour faire mon arbre généalogique. »