Formation et professionnalisation : « donner les clefs »


Le premier débat du Salon de l'agriculture Nouvelle-Aquitaine s'est tenu ce mardi 18 mai au matin. L'occasion d'un focus sur l'acquisition des compétences en agriculture

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Débat dans le cadre de la Journée Installaiton - Transmission: Agriculteur, ça s'apprend ?

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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 19/05/2021 PAR Solène MÉRIC

Puisque c’est bien par l’installation que tout projet agricole commence, c’est en toute logique la Journée Installation Transmission (4ème édition) qui a ouvert les débats grand public du Salon de l’agriculture Nouvelle-Aquitaine. Ce mardi matin la question posée aux nombreux invités de cette première table ronde tenait en trois mots : « Agriculteur, ça s’apprend ? ». Si la réponse est sans suspense positive, les modalités de cette acquisition des compétences sont quant à elles riches, variées et innovante. Entre théorie et pratique, experts, agriculteurs, acteurs de la formation, apprenants et jeunes installés ont ainsi évoqué différentes voies de formation et de professionnalisation en agriculture. Outre l’enjeu individuel d’une installation réussie pour chaque porteur de projet, c’est en filigrane aussi l’enjeu collectif du renouvellement des générations qui se pose. C’est dire l’importance du sujet !

« On ne naît pas agriculteur, on le devient », estime Aurore Sournac, présidente de la Commission maraîchage à la Chambre d’agriculture de Gironde. Et la maraîchère d’Eysines, pourtant elle-même fille et petite-fille de maraîcher, est donc doublement bien placée pour le savoir. Un constat que ne peut que partager Cécile Gazo, doctorante en sociologie à l’INP ENSAT (Toulouse) qui par ses recherches vient confirmer le sentiment général d’un tendance toujours haussière du nombre des reconversions en agriculture. Une hausse certes légèrement amplifiée par la crise sanitaire, mais qui ne l’a pas attendue pour se mettre en œuvre.

 » Nous voyons les reconversions d’un bon oeil ! « 
Autre constat « l’âge à l’installation moyen augmente petit à petit. Aujourd’hui 25% des nouveaux installés ont plus de 40 ans et les projets sont de plus en plus personnalisés » ; les candidats à l’installation souhaitant en effet articulés vie personnelle et professionnelle y associant aussi conviction politique ou idéologique. Selon la chercheuse, au niveau national environ 30 % des installations se font hors cadre familial.
Des tendances nationales que Julien Rouger, vice président de la Chambre régionale de l’agriculture de Nouvelle-Aquitaine en charge de l’installation confirme au niveau régional et ajoute « ces reconversions, nous les voyons d’un bon œil ! ». Et pour cause avec près de 3000 départs d’agriculteurs à la retraite par an en Nouvelle-Aquitaine, la profession ouvre grand les bras à tous les volontaires. Bien consciente aussi « d’un besoin en accompagnement plus spécifique et plus poussé notamment pour faire mûrir leur projet et les accompagner dans l’enrichissement de leurs compétences », et notamment donc pour ces porteurs de projets en reconversion ».

« Répondre à toutes les exigences des porteurs de projets »
Une formation agricole qui pour beaucoup de ces « convertis » à l’agriculture passe par l’obtention d’un BPREA (Brevet Professionnel Responsable d’Exploitation Agricole), indique Cécile Gazo tout en soulignant « l’existence d’une offre de formation de plus en large » tant au sein des établissements reconnus qu’en termes de formations privées, ou encore via des dispositifs d’incubateurs ou d’espaces test agricoles. Une multiplicité de l’offre qui cherche en réalité à répondre à la multiplicité des profils et à l’individualisation forte des projets pointée par la sociologue. C’est en tout cas ce que confirme Emilie Curial Responsable Pédagogique du CFPPA de Montmorillon.

Celui-ci a initié cette année le développement du tutorat entre stagiaires du BPREA et professionnels via, outre les cours au sein du CFPPA, 3 jours de formation chez un professionnel toutes les 3 ou 4 semaines avec un objectif pédagogique en lien avec le projet porté par le stagiaire. « Cette initiative est née du constat qu’il était pour nous difficile de répondre à toutes les exigences des stagiaires qui ont chacun des projets souvent très différents. Ici le tuteur est choisi pour coller au mieux au projet du stagiaire ». Des agriculteurs qui s’investissent donc aussi dans la formation. Si le bilan de cette expérience innovante ne pourra être fait qu’en fin d’année, « les premiers retours des stagiaires semblent pour l’heure plutôt bons », se satisfait Emilie Curial.

Techniques agricoles et gestion d’une entreprise
Faire de la pratique le support principal de la formation c’est aussi l’idée développée par la Maison Familiale et Rurale de Saint-Loup en Deux-Sèvres avec la création en 2016 d’un titre certifiant de niveau 4 de technicien en maraîchage et arboriculture. Si cette formation est née du constat du manque de surfaces en maraîchage pour pouvoir développer un approvisionnement des cantines en produits locaux, elle répond aussi désormais à l’engouement de plus en plus important des porteurs de projets sur cette activité agricole. « A travers 10 mois de formation dont 14 semaines de stages au sein d’une même structure agricole, l’idée est de pouvoir appuyer à la fois sur la technique mais aussi d’avoir une accent très fort sur la gestion. 14 semaines au sein d’une même structure, ça permet aussi de suivre la comptabilité d’une entreprise tout au long des 10 mois de la formation », précise Rémi Douat, directeur de la MFR.

Cette formation dont les élèves sortent avec une double compétence maraîchage et arboriculture, leur permet, outre l’acquisition de compétences indispensables à leur futur métier, d’affiner leur projet d’installation. Le tout avec un suivi individualisé assuré par la MFR une fois la formation achevée. « On fait un point tous les 3 mois auprès de nos anciens élèves la première année puis tous les 6 mois. Sur les 37 élèves formés en 5 ans, 40% sont installés et 30 % sont en cours d’installation. Certains sont même devenus employeurs de nouveaux élèves ! »

Au-delà des démarches innovantes mises en œuvre par les établissements de la formation, ces deux exemples démontrent aussi le nécessaire engagement des professionnels sur le terrain dans l’acquisition des compétences des agriculteurs de demain. Une solidarité dont dépend, au-delà de la dimension pédagogique, la réussite des projets d’installation en eux-même. C’est l’idée défendue par Aurore Sournac.

« Préparer à la difficulté du métier »
Dans les années 2010, elle a vu un trop grand nombre d’agriculteurs nouvellement installés « et qui avaient pourtant tout pour être de bons professionnels », échouer. « Il y a eu une vague d’échecs car ils n’étaient pas préparés à la difficulté du métier », constate-t-elle. D’où sa volonté de mettre en place en Gironde dans le parcours d’installation en maraîchage, un stage de long terme (6 mois minimum) pour les hors cadre familiaux ayant un diplôme mais aucune expérience agricole.
« Les formations agricoles sont très bien faites, mais il n’y a pas assez de temps pour pouvoir tout expliquer et tout voir. Le but de ce stage de 6 mois sur l’exploitation, c’est de montrer ce qu’est une installation, et ce qu’est réellement la vie d’un agriculteur, les difficultés qu’on peut croiser et que c’est une entreprise à gérer… »

Par l’intermédiaire d’un maître de stage, qui doit lui-même être installé depuis un minimum de 4 ans, il s’agit là « de donner les clefs pour la meilleure installation possible et que le jeune puisse réellement s’épanouir. Et puis qu’est-ce que c’est 6 mois dans une vie ? Ca vaut le coup de prendre le temps avant de se lancer ». Le dispositif qui est dans sa première année d’existence, compte déjà 10 stages mis en œuvre dans le département, à l’image de Thibualt Maury à Capian ou de Denis Cano Gonzales à Saint-Christophe-de-Double.  Si cette innovation, là encore, est propre pour l’heure au département de la Gironde, Aurore Sournac, comme Julien Rouger, appelle à son développement à une plus large échelle. Pour ce dernier, « la formation est importante en agriculture, et les politiques publiques doivent s’adapter aux nouveaux profils et aux nouveaux enjeux, et d’autant plus qu’il y a un défi de renouvellement des générations à relever… » souligne-t-il.

Prendre le temps
Une indispensable découverte du métier en lui-même, sur le terrain, complémentaire à la formation proprement dite, qu’aucun des 13 jeunes installés rencontrés par les journalistes d’Aqui au cours des dernières semaines (voir notre spécial Semaine de l’agriculture) ne renient. Qu’ils soient en reconversion professionnelle ou dans la suite logique d’un parcours agricole emprunté dès l’école dans le cadre de leur formation initiale. Parmi eux Adeline Métayer, diplômée d’un BTS viticulture œnologie, et Sabine Moynac, ingénieure agricole, étaient autour de la table ce mardi.
Elles le confirment toutes deux, les apprentissages théoriques et pratiques sont indispensables, mais l’immersion sur le terrain l’est tout autant quand l’objectif est l’installation. Si Adeline Métayer a complété sa formation auprès de ses parents, Sabine Moynac, a quant à elle choisi la voie du stage de parrainage d’un an auprès de ses futurs associés : « un excellent moyen de s’imprégner de l’exploitation, de faire connaissance avec ses associés et de saisir les enjeux autour de la ferme au sein de laquelle je suis maintenant associée ». Là aussi un temps pris qu’elle ne regrette pas, et qu’ont conseillé avec elle l’ensemble des intervenants de la matinée.
Devenir agriculteur, ça s’apprend, et mieux encore, ça se transmet.


Infos en plus :

– Pour toute information concernant l’installation en agriculture rendez-vous dans les Points Accueil Installation, guichet unique d’information sur l’installation en agriculture, situés au sein des Chambres départementales d’agriculture.

– Pour voir ou revoir l’intégralité du débat rendez-vous sur agriweb.tv

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