Tricoter un avenir pour les laines régionales


Le nouveau cluster régional ResoLAINE a été officiellement lancé, à Limoges à la Maison de la Région. Ses membres souhaitent trouver de nouveaux débouchés pour les laines de Nouvelle-Aquitaine.

Six moutons dans les pyrénéescanva

Avec un cheptel de plus d’un million de brebis et 2 300 tonnes collectées, la laine de Nouvelle-Aquitaine, jusque-là sous valorisée, a un fort potentiel à faire valoir

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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 08/04/2024 PAR Corinne Merigaud

Le béret basque (ou béarnais), la charentaise, le tapis et la tapisserie d’Aubusson, quatre produits emblématiques, fabriqués dans la région ont un point en commun, la laine. En Nouvelle-Aquitaine, la ressource est bien présente avec un cheptel de plus d’un million de brebis et 2 300 tonnes collectées mais la laine est largement sous-valorisée. Longtemps considérée comme un déchet, les éleveurs, les artisans et les industriels du textile s’intéressent à nouveau à ce produit naturel, abondant et renouvelable doté de nombreuses propriétés.

Pour fédérer les acteurs de la filière néo-aquitaine, l’association Lainamac et la CCI de Bayonne Pays Basque soutenues par la Région ont lancé le cluster ResoLAINE qui s’est donné pour missions de redorer le blason d’un produit trop longtemps délaissé. Ils étaient nombreux à se retrouver, le 4 avril, pour échanger et débattre afin de trouver des solutions pour reconnecter la filière textile régionale à ses ressources locales. L’objectif est de booster des entreprises qui ont chacune intérêt à voir se développer cette matière pour relocaliser leurs approvisionnements, pérenniser leurs savoir-faire, attirer des talents et concevoir de nouveaux produits.

Référencer les races et les matières à base de laine

Dès cette année, les membres du cluster travailleront sur quatre projets phares avec la montée en puissance de la plateforme nationale lanatheque.fr pour référencer la vingtaine de races ovines élevées en Nouvelle-Aquitaine, de même que les matières produites sur le territoire à base de laines régionales ou françaises et les entreprises proposant des services. Celle-ci permettra de promouvoir également les métiers et les actions de formation à venir.

Autre chantier important en matière de recherche et développement, il est envisagé de produire un fil peigné de haute qualité à base de laines régionales qui sera destiné au secteur textile. Concernant la promotion, il est envisagé de participer au salon annuel les « Rendez-vous de la matière », les 15 et 16 octobre à Paris, qui s’adresse aux professionnels de l’architecture, du design et de l’aménagement intérieur pour promouvoir les matières d’exception et solutions industrielles proposées dans la région. Des études techniques seront réalisées dans le but d’ouvrir de nouveaux débouchés massifs à la laine. D’ici à 2026, une plateforme adhérents sera mise en place afin de créer des synergies.

Six chefs d’entreprises de la région ont exprimé leurs attentes en termes d’approvisionnements en laines locales.

L’association Lainamac va coordonner le cluster ResoLAINE et piloter les actions en lien avec le secteur textile. Quant à la CCI Bayonne Pays Basque, elle pilotera les actions du secteur non textile (produits agricoles et techniques) et recherchera de nouveaux débouchés. « Nous avons une chaîne de valeur à reconstruire de la brebis au consommateur et cela prendra du temps jusqu’au pull créé en Nouvelle-Aquitaine » estime Alain Rousset, président de la Région.

« Relancer les laines locales passera par la communication »

Ces projets intéressent en premier lieu les entreprises qui valorisent le fil de laine dans leur produit à l’instar de la société C2S basée dans les Deux-Sèvres (200 salariés). Héritier d‘un savoir-faire depuis 1935, le fabricant de chemises et vêtements de travail a relancé sa marque historique Kidur en 2018 après l’âge d’or de la confection française des années 60 et 70.

Leader européen du sur-mesure, le dernier fabricant français voudrait croire à un avenir pour les laines locales. « On a cherché des matières, des tisseurs et des savoir-faire correspondant à nos valeurs pour ne pas abîmer la planète et les gens, indique Alexandre Clary, directeur. On s’est orienté vers le luxe avec des chemises sur mesure et des accessoires.» Ses collaborateurs testent des manteaux en laine et coton, les portent pour les user dans l‘objectif de sortir un modèle en 2025. « Relancer les laines locales passera par la communication avance-t-il, et la région est la bonne dimension pour commencer.»

« Je rêve demain d’avoir une charentaise 100 % française »

Produit phare de la région, la charentaise fabriquée à Thiviers par Fargeot et Cie depuis 1930, surfe sur les tendances. La reprise de la société en 2016 a permis d’impulser une dynamique nouvelle. « Nous avons décidé de vendre nos charentaises sur le web sous la marque Chausse Mouton et sur des marketplace explique Lionel Renault, directeur industriel. Je rêve demain d’avoir une charentaise 100 % française. »

La charentaise, le béret, les tapis et tapisseries qui sont fabriqués à base de laine et incarnent l’histoire de cette région.

Il voit dans ce cluster l’opportunité de structurer la filière. « Pour mieux valoriser la filière française, il faut davantage la marketer et que le marché soit présent. Nous devons trouver d’autres modèles économiques. » Un produit toujours plébiscité et qui était en rupture de stock durant le confinement.

Emblème par excellence de la France, le béret est encore produit par trois entreprises dont deux situées dans les Pyrénées-Atlantiques comme La Manufacture de bérets à Orthez (2 salariés). La gérante Sara Goupy a repris la manufacture depuis sept ans. « Je suis restée enfermée cinq ans à l’atelier à travailler raconte-t-elle, il y a deux ans, je suis allée à Felletin, c’est magique de parler de laine avec des gens intéressés. On trouve des pépites dans les territoires, là où elles sont nés et où elles ont du sens comme le béret dans le Béarn. Ces rencontres et échanges donnent des perspectives. »

« Un fil de France coûte plus cher qu’un fil d’Argentine »

La formation et la transmission des savoir-faire restent au coeur des préoccupations des acteurs de la filière. Des métiers qui, pour certains, ne s’apprennent que sur le tas. « Il n’y a plus de formation en France dans notre domaine signale Benoît de Larouzière directeur de la filature Fonty à Rougnat (Creuse). Il faut 10 à 15 ans pour former un teinturier, on a envie que les gens restent après mais ceux qui viennent au fin fond de nos vallées sont des sédentaires. J’ai trois générations qui sont passées sur un même poste de travail.» Le vice-président de Lainamac valorise des laines françaises et étrangères mais assure qu’il « fait l’effort d’acheter aux éleveurs 1,80 € à 2 € le kilo » pour en garder 600 g une fois nettoyée. « Un fil de France coûte plus cher qu’un fil d’Argentine précise-t-il, on paye 12 € la matière rendue chez nous, cela comprend le prix de trois transports, du peigneur et du laveur auquel il faut ajouter beaucoup de perte de matière. »

Le fabricant de matelas Laine et Cie installé à Château-Chervix a investi dans des équipements pour réduire la pénibilité d’un métier dont les gestes se transmettent en interne. « Nous avons des tables élévatrices, des postes ergonomiques et une presse à capitonner ce qui a amélioré les conditions de travail » souligne Sarah Cainaud, co-dirigeante. Elle voit aussi dans ce cluster une opportunité pour « communiquer sur les propriétés de la laine que ne connaît pas le grand public.»

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