Pour aider le consommateur à s’y retrouver et soutenir ses producteurs de fraises, le Lot-et-Garonne voyait naître, il y a 15 ans, un label. “On a commencé à 7, maintenant on est plus d’une centaine de producteurs”. Felix Pizon, jeune directeur de l’association qui gère le Label rouge, est plutôt fier de l’évolution de ces 15 années de labellisation qui prouve que les producteurs y trouvent leur compte. Le label, en venant certifier les meilleures fraises de chaque pied, permet en effet de mieux valoriser le meilleur de ce qui se fait dans la région, et permettre au producteur un revenu supplémentaire.
Savoir traquer la meilleure fraise
Mais cette labellisation a des revers : le Label rouge n’étant pas attribué avec un cahier des charges spécifique pour la culture des plants, toutes les fraises sont éligibles au label, à condition de respecter des critères de forme, de couleur, et de taux de sucre. Les meilleures fraises peuvent donc être sur n’importe quel plant. Il faut savoir les reconnaître parmi les
autres, les traquer, pour les cueillir parfaitement à maturité. Ce travail de sélection nécessite un véritable savoir-faire, rare, et forcément plus cher que la main d’œuvre agricole classique, déjà difficile à localiser et à fidéliser. Cette saison débute donc sans surprise avec de grosses inquiétudes quant à la disponibilité de cette main d’œuvre spécifique : sans elle, les fraises sont classées en catégories 1 ou 2, finie la catégorie Label rouge et sa valorisation stratégique.
La demande pour la fraise Label rouge n’a pas du tout diminué dans ce contexte de difficultés financières
Les fraises Label rouge sont en effet mieux rémunérées au producteur, 1 euro de plus minimum au kilo. Une marge qui vient mettre un peu de beurre dans le fraisier au moment où l’hectare de serre affiche un prix de construction d’un million d’euros, un nombre conséquent de petites barquettes à 3,5 euros. Une fois les marges de distribution passées par là, le prix final pour le consommateur s’en trouve gonflé de manière exponentielle, et la fraise classée dans les produits de luxe.
“Dans un contexte d’inflation, c’est compliqué, on sait que toutes les familles ne peuvent pas se payer des fraises à 20 euros le kilo”, reconnaît Félix Pizon. Pourtant, surprise, “la demande pour la fraise Label rouge n’a pas du tout diminué dans ce contexte de difficultés financières, alors que la fraise de catégorie 2, qui a un visuel moins parfait mais un prix beaucoup plus bas, ne se vend pas. Le consommateur dit être prêt à acheter des fruits déclassés, mais dans les faits, cela ne se retrouve pas.”
Sans la grande distribution, pas d’équilibre financier
La fraise Label rouge fait aussi sa belle dans les assiettes gastronomiques des grands chefs, comme ici avec cette langoustine… de Roxana Cretu, la cheffe bordelaise qui attire tous les regards en ce moment, et risque des alliances qui dépassent l’habituel cercle de confiance de la fraise. Mais ce positionnement de raffinement ne suffit pas au modèle économique des producteurs obligés de reconnaître, bien qu’à regret, que sans la grande distribution, l’équilibre financier ne serait pas tenable.
Sur les 60 000 tonnes de fraises produites en France chaque année, 20 000 le sont en Lot-et-Garonne, dont 447 tonnes en Label rouge. Cela ne semble pas énorme, mais à écouler c’est plus que les besoins des grands chefs français. Avec chaque saison intervient une inconnue supplémentaire, la météo qui fait la pluie et le beau temps de la consommation des particuliers : un printemps maussade nous découragerait de la consommation des fraises et ferait baisser considérablement la demande. On peut donc avoir sa production sous une serre dernier cri et garder l’œil rivé sur le ciel, en espérant la véritable arrivée d’un printemps ensoleillé.