icone gens d\Aqui
icone points exclamationsGENS D'AQUI !
Rodolphe Urbs, l’homme qui ne voulait pas s’ennuyer
Rodolphe Urbs, le dessinateur de presse bordelais, a aussi monté il y a plus de 20 ans La Mauvaise réputation, une librairie comme on n’en a pas l’habitude. Ses projets désormais, un documentaire et un label de disques. Rien que ça.
Autoportrait de Rodolphe Urbs, dessinateur de presse et libraire La Mauvaise réputationRodolphe Urbs

Rodolphe Urbs par Urbs

Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 31/03/2023 PAR Juliette Huard

Béret vissé sur la tête, cigarette au bec et café fumant, Urbs se souvient d’une enfance ennuyante et d’un parcours scolaire chaotique. « Je me suis profondément ennuyé dans ma jeunesse. J’ai fait le choix d’aller à l’usine car à force d’être de gauche, il fallait bien mettre les mains dans le cambouis », affirme-t-il. En parallèle de l’usine, Urbs commence à dessiner sans imaginer une seule seconde que le dessin de presse deviendrait son métier principal. « J’ai 52 ans et je ne sais toujours pas ce que je veux faire plus tard. Je ne sais toujours pas ce que je veux faire quand je serai grand », s’amuse-t-il.

Biberonné à la presse

Né à Limoges, puis Charentais, pas loin d’Angoulême et de son festival, Urbs a été élevé en lisant la presse. Il est donc rapidement confronté à l’analyse des faits, mais aussi à leur commentaire. « Mes parents étaient politisés. J’ai ainsi eu une culture politique très jeune. Et puis je fais partie de la génération des enfants de soixante-huitards. À l’époque, les gens de gauche étaient beaucoup plus virulents qu’ils le sont aujourd’hui… », explique Urbs. À côté de cette presse traditionnelle qu’il côtoie au quotidien, il fait aussi connaissance avec quelques numéros de Charlie Hebdo et d’Hara-Kiri, à l’ancienne « dans les toilettes ». Un choc graphique, et l’humour ne gâche rien.

Urbs continue dans cette dynamique, découvrant l’univers du fanzine. « Je vais très vite mordre à cela, c’est quelque chose dans lequel il y a du dessin de presse, qui parle du milieu de la musique, un milieu dans lequel je traîne », indique-t-il. Dès lors, il se construit une culture « très anarchisante et fanzinarde ». C’est à la fin des années 1990, à Bordeaux, dans le journal satirique, Nouvelle vague, qu’il fait ses premiers pas. Puis, Clubs et Concerts lui offre la possibilité de faire un dessin de presse, ou plutôt une pub déguisée, tous les quinze jours, pour un bar. Cela dure quelques années, c’est le début de sa carrière.

Dessin de presse de Rodolphe Urbs sur la sécurité des conducteurs de trottinetteRodolphe Urbs

Urbs apprécie avoir le retour des lecteurs sur ses dessins de presse : « Parfois il y a débat. Je trouve ça très intéressant. »

Le Canard Enchaîné, Le Monde, Siné Mensuel

Il y a près de dix ans, Urbs découvre que Sud Ouest lit la presse parallèle. Ambitieux et audacieux, il s’y rend avec ses dessins à la main. Trois mois plus tard, on le rappelle pour illustrer un article. Une rubrique locale lui est ensuite confiée.

Aujourd’hui, il fait régulièrement des reportages en bande-dessinée et la Une du journal. Il fait aussi partie des 22 dessinateurs de presse du Canard Enchaîné et de l’association Cartooning for Peace, un réseau international de 60 dessinateurs de presse concourant à la Une du Monde. Il travaille également au sein de La Revue des deux mondes, Siné mensuel, une newsletter médicale… Pour couronner le tout, le livre, Urbs : l’année 2022 en dessins, rassemblant plusieurs de ses nombreux dessins de presse réalisés ces derniers mois, a récemment été publié aux éditions Sud Ouest. Véritable ascension pour quelqu’un qui ne sait toujours pas quoi faire lorsqu’il sera grand…

Ce qui inquiète les rédacteurs en chef, ce n’est pas le dessin de presse lui-même, c’est l’idée qu’il y a derrière et ce que ça peut engendrer

En ce qui concerne l’image des dessinateurs de presse dans la société, Urbs assure que, depuis les attentats de Charlie Hebdo en 2015, c’est compliqué, du moins délicat. Il a lui-même été menacé.  « Il faudrait qu’on se remette en cause parce que deux décérébrés mentaux ont pris des armes de guerre ? En revenant de l’enterrement de Charb, j’ai reçu une menace. Le gars avait mis son adresse et son nom sur l’enveloppe. Ça m’a vexé… », plaisante-t-il. Quant au métier, Urbs reste ferme : les dessinateurs de presse doivent intégrer les journaux.

Inspiré par Cabu, Pétillon, Wolinsky ou encore Lefèvre et Sanaga, le bordelais voit dans le dessin de presse une vraie façon de dire les choses : « Il y a une vraie phonétique. Quand je regarde les dessins de mes collègues, j’ai l’impression de les entendre parler. » Avant de poursuivre : « Ce qui inquiète les rédacteurs en chef, ce n’est pas le dessin de presse lui-même, c’est l’idée qu’il y a derrière et ce que ça peut engendrer. Il faut être en mesure d’argumenter face aux lecteurs. »

Érotisme, graffiti, pin-up, polar, skateboard

Pour travailler ses dessins, Urbs a élu bureau dans sa librairie, La Mauvaise réputation, quartier Saint-Pierre. Après l’usine qu’il s’amuse à qualifier comme « l’une des plus grosses erreurs » de sa vie, il reprend ses études à Bordeaux pour faire un IUT Métiers du livre édition librairie. À la fin de la première année, Urbs se décide à monter sa propre librairie. En deuxième année, il médite vraiment le projet, jusqu’au jour où il rencontre Franck, devenu son ami et collègue, lui aussi motivé par le projet.

Animé par les cultures dites « en marge » ou « underground », telles que le cinéma bis, le porno ou encore le punk, c’est aussi son stage à la Musardine, librairie et maison d’édition proposant une littérature érotique, qui confirme son ambition. En 2002, La Mauvaise réputation naît et perdure toujours. L’identité de la librairie s’ancre ainsi dans ces cultures underground. « En 2002, quand la librairie ouvre, le graffiti n’est pas aussi populaire qu’aujourd’hui, le tatouage non plus. Je n’ai pas le nez creux, je n’imagine pas que ces cultures-là vont exploser auprès grand public ! », explique Urbs. La Mauvaise réputation est, au niveau local, la première librairie à proposer un rayon de livres érotisme, graffiti, pin-up, polar, skateboard…

On a trouvé un public qui n’allait pas en librairie

Installer une librairie indépendante à quelques encablures de Mollat, la grande librairie indépendante bordelaise, a permis à Franck et Urbs de développer des choses que l’historique librairie locale ne proposait pas. « Quand les gens vont chez Mollat, ils n’ont pas envie d’être surpris. C’est une librairie classique, généraliste qui n’a pas envie de remuer ses clients. Chez nous, les gens de Charlie Hebdo étaient les premiers conquis. En fait, on a trouvé un public qui n’allait pas en librairie », précise-t-il.

Une galerie d’art contemporain vient en complément de cette librairie, où souvent les mêmes artistes présentent de nouvelles expositions.

Franck et Urbs effectuent leurs sélections littéraires par le traditionnel biais des représentants des diffuseurs de maisons d’édition, par leurs propres découvertes, et enfin par les lecteurs de la librairie eux-mêmes. Ils les informent de la sortie d’un livre, partagent leur avis sur un autre livre… Résultat, la clientèle est à la fois fidèle et nouvelle, particulièrement extra-régionale : « On a une clientèle fidèle. Mais beaucoup de gens viennent pour la première fois, et beaucoup de gens hors région ! Les Bretons, les gens de l’Est, les Parisiens débarquent l’été. Il y a aussi ceux que l’on voit une fois par an car ils sont en vacances dans le coin. »

Large culture graphique, littéraire, musicale ou encore politique, Urbs s’apprête maintenant à monter un label de disques. Il fait également ses premiers pas dans le monde de l’audiovisuel. Il travaille notamment en duo avec une amie sur un documentaire portant sur le rock alternatif, qu’ils essayent « de refourguer à un producteur ». Urbs aime autant sortir de sa zone de confort qu’il en déteste l’expression. Mais c’est bien cela, il est en perpétuelle quête de nouveautés qui secouent ses habitudes.

En quelques mots...

Rodolphe Urbsdessinateur de presse et libraire La Mauvaise réputation

Urbs, libraire, est un habitué de l’Escale du Livre, un des plus grands évènements littéraires de la région. Alors comme tous les ans depuis plusieurs années, il y sera ce week-end du 31 mars.

Ça vous intéresse ?
Partagez l'article !
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
Laissez vos commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Découvrez plus de GENS d'AQUI