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René Knégévitch, un appelé meurtri par la guerre d’Algérie
Le musée de la résistance de Limoges présente, jusqu’au 20 février 2023, l’exposition « Partir en Algérie, partir d’Algérie 1954-1962 ». Des objets donnés ou prêtés sont à découvrir ainsi que le parcours d’appelés comme René Knégévitch.
René Knégévitch, appelé lors de la guerre d'AlgérieRené Knégévitch

René Knégévitch, appelé lors de la guerre d'Algérie

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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 07/12/2022 PAR Corinne Mérigaud

Ils furent 1 179 523 appelés à servir en Algérie entre 1954 et 1962. Les parcours de seize appelés ou rappelés sont présentés dans cette exposition qui nous renvoie aux heures les plus sombres de notre histoire. Le destin de pieds-noirs et harkis est également abordé pour ne pas éluder ces hommes et ces femmes qui ont dû fuir leur pays.
René Knégévitch a fait partie de ses appelés, envoyés en Algérie pour effectuer leur 24 mois de service militaire, voire 27 et même trente.

Étudiant en lettres à Caen, il avait bénéficié d’un sursis de quatre ans. Il est mobilisé à 24 ans, le 3 septembre 1958. En poste à Aflou, au Djebel, il rentrera le 22 décembre 1960. « Adhérent au Mouvement de la paix et au PCF, j’ai subi des brimades durant mes classes au 403ème Régiment anti-aérien de Bordeaux raconte-t-il, je n’ai pas pu passer le concours d’officier. » Il sera secrétaire comptable, affecté à l’Office des détails, et distribuera les primes d’alimentation et la solde de 450 F aux appelés et harkis. Il acheminait aussi des colis, mandats et matériaux sur sept postes isolés. « J’y suis resté deux ans, l’Etat Major était chargé de me mater mais comme je faisais mon travail… J’étais rarement en première ligne, cependant, j’ai vu des exactions, de la barbarie, des choses très dures. Quand des fellaghas étaient dénoncés, il fallait partir à leur recherche dans les montagnes, marcher 30 à 40 km, chercher de l’eau. »

René appelé avec le maire d'AflouRené Knégévitch

René Knégévitch (à gauche) avec le maire d’Aflou en attendant le thé.

Par deux fois, il a assisté à des séances de torture. Il n’a rien oublié de ces moments qu’il évoque avec une émotion intacte, entrecoupés de silences. « On n’oublie rien, cette jeune fille et ce jeune homme électrocutés qui se tordaient de douleur sous la gégène se remémore-t-il, ils sont morts le lendemain. Un colonel devenu général a commis des crimes d’État. Je l’ai vu tirer avec des tenailles sur les testicules d’un jeune homme qui est tombé évanoui. Dans le meilleur des cas, il leur tirait une balle dans la tête. Quand la prison était pleine, il faisait monter dans un hélico dix à quinze suspects, les plus dangereux. La porte s’ouvrait et ils étaient jetés sur les barres rocheuses. Aujourd’hui, il reste des traumatismes profonds. Je tombe du lit en criant sans savoir où je suis. »

Se taire et vivre avec ces images

A leur retour, les appelés n’ont bénéficié d’aucun soutien psychologique, livrés à leurs tourments. Il fallait se taire et vivre avec ces images terribles. René a repris son poste de professeur de français le 3 janvier 1961, deux semaines après sa démobilisation. « J’ai retrouvé en 3ème les élèves que j’avais eus en 6ème et cela m’a beaucoup aidé, me servant d’exutoire pour évacuer ces horreurs et mes peurs. »

A Aflou, il a pris une centaine de diapositives, certaines figurant dans l’exposition. « J’ai sillonné les cantons pour les diffuser en 1961, j’ai ainsi pu parler de ça, exprimer mon émotion et ma souffrance alors que de nombreux copains sont restés muets. » En 2020, il a publié le récit de cette période trouble Quand il neigeait sur le Djebel amour. Des enfants de dix ans qu’il avait photographiés, devenus des personnalités, l’ont contacté pour créer un musée à Aflou pour retracer ces années, les archives ayant disparues. « C’est une satisfaction, je n’ai pas perdu ma vie » conclut-il.


Info en + :
L’exposition « Partir en Algérie, partir d’Algérie 1954-1962 » est ouverte tous les jours sauf le mardi et dimanche matin
de 9h30 à 17h et de 13h30 à 17h le dimanche.
Musée de la résistance de Limoges : 7 Rue Neuve Saint-Étienne, 87000 Limoges

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1 Commentaire

Un commentaire

  • Cros Jacques, le 19/12/2022 à 20h24

    Oui, c’est un témoignage précieux. Je me suis trouvé quelque temps dans ce secteur : Géryville, Les Arbaouet. Et plus longtemps à Bou-Ktoub. Mais c’était après René Knégévicht de mars 1960 à avril 1962. J’ai comme lui subi l’interdiction de suivre une quelconque formation pour être gradé, je suis resté deuxième classe jusqu’à la fin. Je n’ai entendu que quatre fois des coups de feu mais c’était loin de moi et je n’ai jamais eu à me servir de mon arme. J’ai vécu quelques événements exceptionnel, le putsch des généraux notamment, la fusillade dans Géryville le 19 mars 1962 et le passage à Oran les 21 et 22 avril 1962 alors que la ville était aux mains de l’OAS.


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