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Né peintre, Serge Labégorre en rétrospective à Pau
Grand nom de la peinture figurative contemporaine, il reste assez peu connu du grand public. Grâce à une exposition qui démarre aujourd'hui jusqu'à fin septembre, le Musée des beaux-arts de Pau participe à la (re)découverte de cet artiste de 92 ans.
Un homme dans une atelier de peinture entouré de toiles peintes, de pots de peinture, de papier et image en tout genre.Musée des Beaux Arts de Pau

Serge Labégorre dans son atelier à Fronsac en Gironde

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 07/06/2024 PAR Solène MÉRIC

C’est une forme de bizarrerie. Serge Labégorre, peintre aquitain s’il en est, avec une mère Girondine, un père Béarnais, et des lieux repères comme Libourne, Biarritz, Aramits, Langon, Seignosse, Pau où il a enseigné au lycée Louis Barthou, Fronsac où il vit, mais aussi Talence, où il a vu le jour, reste assez peu connu en son pays.

Exposé dans le monde entier

S’il a commencé à se faire connaître, dans les années 50, soit assez tôt dans son histoire artistique, via les Salons parisiens, c’est un galeriste londonien qui le premier et avec fidélité, lui ouvre les portes à l’international au milieu des années 60. Le succès de Serge Labégorre a ainsi grandi au Royaume-Unis, aux Etats-Unis, en Asie avec le Japon en tête, sans oublier le reste de l’Europe et particulièrement en Allemagne. Pure produit aquitain, le peintre est ainsi désormais exposé dans le monde entier.

La France, tout de même n’est pas en reste, mais, s’il est considéré comme l’un des plus grands, si ce n’est « le plus grand peintre expressionniste contemporain » dans les milieux autorisés, force est de constater qu’à Pau en tout cas, il est resté longtemps anonyme.

Il ne peut pas vivre sans peindre

C’est une découverte hasardeuse de son travail, à Seignosse, par Jean Lacoste, l’adjoint au maire de Pau en charge de la culture (qui justement ne connaissait pas son œuvre), qui a permis cette exposition retrospective du peintre né en 1932. Le désormais vieil homme, ne lâche toujours pas le pinceau. « Il ne peut pas vivre sans peindre. C’est à cela que l’on reconnaît les artistes », commente Muriel Fourcade directrice par interim du Musée des beaux arts de Pau et commissaire de l’exposition. Comme l’élu palois, elle l’a rencontré à Fronsac, dans sa maison au milieu du vignoble.

Une peinture qui tend du singulier à l’universel

C’est là, dans son atelier girondin foisonnant, une ancienne grange totalement occultée de la lumière du jour, « une véritable grotte », décrit même Jean Lacoste, que Serge Labégorre poursuit son travail à la lumière vive d’un spot électrique. L’âge avançant, les formats de ses œuvres ont changé. Les portraits souvent en pied ou à mi-corps, de tout temps représentés quasiment à taille réelle, parfois un peu plus, parfois un peu moins, ont désormais laissé place à des peintures de visages sans corps, sur des formats proches du A4.

Un visage de femme par Serge LabégorreMusée des beaux arts de Pau

Figure n°10 est une peinture de 25×25 cm réalisée par Serge Labegorre en 2024

Pour autant, si l’homme se ménage sans doute ainsi un peu d’énergie, il y a bien toujours une même fougue dans ses coups de pinceaux et dans les traits de ces visages, souvent émaciés et toujours un peu graves et énigmatiques. Des visages dont on ne sait, à force de les regarder, si c’est le visiteur qui les observe ou si c’est eux qui vous auscultent. Des premières oeuvres aux toutes dernières, c’est, à travers ses personnages, une série de miroirs que tend le peintre à son spectateur. Tout le génie d’une peinture qui « du singulier tend à l’universel », résume la directrice par intérim.

Des portraits pour beaucoup anonymes, mais pas tous. Le Général de Gaulle, Alain Finkielkault ou encore Van Gogh, pour les plus connus, témoignent de ses sensibilités et se baladent dans son oeuvre. Beaucoup aussi sont des hommes en soutanes… Celui qui « continue à penser que le ciel n’est pas vide », reconnaît volontiers qu’« on n’échappe pas à son milieu » surtout quand il est très pieux.

Le peintre de l’humanité

Autre point commun encore à toutes ses œuvres, y compris les paysages ou les vanités qui sont des thèmes assez réguliers de son oeuvre, c’est son travail de coloriste. Des couleurs franches et tranchées. Il n’y a pas vraiment de demi-mesure dans la peinture de Serge Labégorre. Une profondeur de la couleur, marquée par les fonds souvent monochromes (noir principalement) de ses tableaux, et par les corps de ses personnages qui se résument souvent en de grands aplats de couleurs fortes et sans nuances tracés à grands coups de brosse, dont on devine la fougue.

musée des beaux arts de Pau

Autoportrait de l’artiste : Quand j’étais vieux, Serge Labégorre, 2014

N’y cherchons pas de détails. Pieds, mains, jambes intéressent peu l’artiste. Cette couleur, vive, qui accentue plus encore la mise en perspective d’une tête pensante voire tourmentée, posée sur un corps de fait, plein et entier dans la vie de par les organes et entrailles qu’il abrite. Il l’avoue dans plusieurs témoignages, ce qui le fascine, depuis très jeune, ce sont les visages mais aussi, en vieillissant, le corps, le tronc jusqu’au haut des cuisses, qui « seul vit tout puissant, et ne pense pas ». Beaucoup auront dit de lui qu’il est « Le peintre de l’humanité », reprend à son compte Muriel Fourcade.

Une maladie salutaire

Cette gravité dans le regard de beaucoup de ses modèles, c’est peut être en partie, celle qu’il a perçue à 13 ans dans celui de son père, quand jeune adolescent, il est atteint de tuberculose. « Il confie qu’il n’a lui-même jamais eu peur de mourir, ni même eu l’impression qu’il allait mourir. Mais que c’est dans le regard de son père qu’il a perçu ce risque. Pourtant homme sévère et autoritaire, c’est là qu’il a lu le désespoir et une tendresse insoupçonnée », rapporte la commissaire de l’exposition.

Votre enfant est né peintre, comme on né brun ou blond 

Si Serge Labégorre finit par se débarrasser de sa maladie, treize années de convalescence auront été nécessaires. Sorti de la vie sociale normale des garçons de son âge, ce long épisode de repos contraint lui permit de découvrir la musique, de dévorer la littérature et la poésie française et surtout de consacrer une grande part de son temps à la peinture et au dessin, face à un père, commerçant quincaillier, qui jusque-là croyait peu en ses perspectives de carrière artistique.

musée des beaux arts de pau

Pape aux chaussures noires, réalisé en 2016 par Serge Labégorre

« Votre enfant est né peintre, comme on né brun ou blond », lui avait pourtant confié un critique d’art bordelais. Face à la maladie, le père laissa faire. Il fallait bien que son fils s’occupe. Et le critique d’art, dont l’histoire ici a oublié le nom, s’est révélé semble-t-il excellent dans son métier.

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