Quand Manon Bras parle de vin et de spiritueux de sa voix fluette, son visage, encore un peu enfantin est animé par la passion, son regard s’illumine. Elle sait trouver des mots simples, expressifs, évocateurs, concrets, gourmands qui donnent une envie instantanée d’écouter ses préconisations et de goûter les nectars qu’elle conseille. Avec Manon, pas de condescendance, pas de snobisme, pas de langage trop savant : elle défend comme personne la simplicité d’un cépage, la spécificité d’un terroir et le savoir-faire d’un vigneron. Elle n’a pas son pareil pour parler de vin avec coeur.
C’est sans-doute cela qui a séduit les jurés du prix de meilleur(e) sommelier(e). Une consécration pour cette jeune charentaise maritime qui ne semble pas lui monter à la tête. Il en faut plus pour enivrer Manon.
Manon Bras n’a pas encore dix ans d’expérience que, déjà, sa maîtrise est reconnue par ses pairs. A la mi-septembre, elle a été choisie par les éditeurs de la revue Le Chef, la revue professionnelle de référence comme Sommelière de l’année lors d’un concours où sont récompensés également le meilleur chef, le meilleur chef pâtissier… Ce faisant, elle coiffait au poteau des sommeliers plus aguerris qu’elle, puisqu’ils étaient six à être nommés, mais qu’elle était bien la benjamine du concours.
Le fruit d’un travail assidu
Modeste et passionnée, Manon Bras elle est consciente que cette gratification est le fruit d’un travail assidu et elle y associe également toute l’équipe du restaurant de Christopher Coutanceau et notamment l’associé du chef Christopher : Nicolas Brossard, lui-même sommelier de formation.
Manon Bras est née à Pons et a grandi dans une famille qui cultive le goût du terroir charentais et de la bonne chère. Elle s’oriente vers un BTS hôtellerie -restauration au lycée hôtelier de Saint-Yrieix sur Charente (près d’Angoulême) et choisit la mention sommellerie en seconde année. C’est une révélation. Une fois diplômée, elle enchaîne les expériences prestigieuses qui renforcent sa passion et ses compétences : deux ans et demi chez Hélène Darroze à Paris en tant que commis sommelière. Puis, elle confirme chez Pierre Vila-Palleja, finaliste du Meilleur sommelier de France et du meilleur ouvrier de France, « j’y ai beaucoup appris » dit-elle.
Elle s’épanouit chez Christopher Coutanceau
En mai 2021, alors que le secteur de la restauration reprend un peu son souffle après les confinements, elle ose postuler chez Christopher Coutanceau, un restaurant dont elle entend parler depuis qu’elle est toute petite. Nicolas Brossard la recrute et la nomme chef sommelière du restaurant aux trois étoiles. Ensemble dorénavant, ils dégustent deux ou trois fois par semaine, font rentrer de nouveaux vins dans la cave, réfléchissent aux meilleurs accompagnements mets-vins pour magnifier la cuisine de poissons et de fruits de mer du chef. Manon y apporte sa touche personnelle, avec douceur mais avec caractère. Elle sait affirmer ses choix : les vins de la vallée du Rhône, le cépage Syrah, mais aussi l’Anjou, le Touraine, le cépage chenin, « tout est une question d’humeur ».
Dans un restaurant qui ne sert que des poissons et des fruits de mer, est-ce facile de conseiller du vin rouge ? « Nous avons une magnifique carte de Bordeaux, de par notre proximité géographique, alors oui, le vin rouge est aussi à l’honneur à La Rochelle » et Manon de mentionner des plats de poissons cuisinés avec des jus de volaille, des jus concentrés, corsés auxquels elle associe volontiers un pinot noir de Bourgogne ou de grenache de la Vallée du Rhône. Elle défend l’association d’un vieux pineau pour accompagner un dessert très chocolaté et pourquoi pas une bière artisanale pour déguster le plat signature de la maison « La sardine de la tête à la queue » ?
20 000 bouteilles dans la cave
75% du travail de sommelier s’effectue dans la cave. Le service en salle avec la tenue impeccable et le sourire accroché au visage n’est que la partie visible de l’iceberg. Manon s’épanouit dans une cave aux 20 000 bouteilles soigneusement rangées, répertoriées, inventoriées par casiers et par colonnes. Un obscur labyrinthe pour un néophyte. Chaque semaine, il faut trouver de la place pour une ou deux livraisons, parfois de plusieurs palettes. Il ne s’agit pas de manquer d’une bouteille à la carte et il s’agit aussi de faire de la place aux nouveaux vins. Manon Bras adore ça. C’est sa passion, son métier, elle y excelle.