« Si on continue sur cette voie, je ne réponds plus de ce qu’il peut arriver ». C’est un message plus désespéré que menaçant, qu’envoie Jonathan Lalondrelle, éleveur de volailles et secrétaire général des Jeunes Agriculteurs de Nouvelle-Aquitaine. L’agriculteur s’est rendu ce mardi 16 février, accompagné du nouveau président des Jeunes Agriculteurs Nouvelle-Aquitaine, Gaëtan Bodin, et du président de la FNSEA de Gironde, Jean-Samuel Eynard, au Tribunal Judiciaire de Bordeaux pour déposer plainte contre la grande distribution. La cause ? « des manquements à une partie de la loi EGAlim du 30 octobre 2018 », lit-on dans leur courrier adressé au Procureur de la République.
Donner les moyens à la hauteur de l’enjeu
En évoquant la loi EGAlim, Jonathan Lalondrelle parle d’une « révolution positive de l’agriculture ». En effet, cette loi cadre les pratiques d’une agriculture plus respectueuse du bien-être animal et de l’environnement et propose que les agriculteurs puissent vivre de leurs métiers, tout en contraignant les distributeurs à proposer des prix décents. « Tous ces engagements ont un coût. Il faut nous donner les moyens de bosser correctement, martèle le secrétaire général des JA. On subit les contraintes d’EGAlim, sans en voir les bénéfices » ajoute l’éleveur.
« La loi EGAlim, en théorie, permet aux agriculteurs et filières agricoles de retrouver de la valeur, et d’arrêter de vendre à perte », précise Jonathan Lalondrelle. En théorie seulement, si l’on en croit les deux syndicats agricoles, puisque dans les faits, les prix proposés par la grande distribution aux agriculteurs ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. « Cette loi avait du sens et aujourd’hui le compte n’y est pas ». Parmi les distributeurs, les Jeunes Agriculteurs Nouvelle-Aquitaine et la FNSEA dénoncent particulièrement le comportement de l’enseigne Leclerc. « Le patron de Leclerc estime que ce n’est pas à lui de fixer le prix d’achat des produits aux agriculteurs, mais à l’État. Du coup on se retrouve à vendre toujours moins cher et ne pas pouvoir vivre de notre métier », regrette Gaëtan Bodin, président des JA.
« L’État n’y peut rien »
Les deux syndicats agricoles ont calculé combien représenterait l’application de la loi EGAlim par la grande distribution. Sur le portefeuille des consommateurs, cela représenterait une hausse de 3,79 euros par an et par habitant pour le lait, et 3,64 euros pour la viande bovine. « C’est un petit effort, qui nous fait vivre », commente Jonathan Lalondrelle. Selon lui, le législateur est impuissant malgré toute sa bonne volonté. « Que voulez-vous que l’État fasse ? On a déjà de la chance d’avoir un ministre de l’agriculture qui se mouille », souligne Jonathan Lalondrelle.
Le secrétaire général des Jeunes Agriculteurs raconte faire face à deux problèmes. « Il n’y a que trois personnes pour toute la France qui contrôlent l’application de la loi EGAlim à la Direction générale de la répression des fraudes (DGCCRF). La deuxième chose, c’est que les distributeurs qui sont hors là loi et qui se font attraper ont largement les moyens de payer l’amende et continuent ensuite comme si de rien était ».
Des actions dans toute la Nouvelle-Aquitaine
C’est pour alerter le grand public et rappeler les distributeurs à leurs obligations que la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs ont déposé plainte ce mardi matin. « La situation est plus que jamais critique pour les agriculteurs. Ça fait des mois, depuis l’arrivée de l’épidémie, qu’on nourrit la France. Demain, si rien ne bouge, on va tous crever », prévient Gaëtan Bodin.
#EGAlim : les #agriculteurs de @FNSEA_Nlle_Aqui @JA_NleAquitaine se mobilisent à la veille du comité de suivi des relations commerciales @Agri_Gouv pr dénoncer le non respect des #EGAlim #revenus #prix pic.twitter.com/aXyGV7TBEG
— Isabelle CAUMET (@IsabelleCaumet) February 16, 2021
Conscients que « cette plainte n’aboutira pas », les JA et la FNSEA organisent des opérations sur terrain dans plusieurs lieux en Nouvelle-Aquitaine, comme à Limoges, où était présente Isabelle Caumet, directrice adjointe de la FNSEA Nouvelle-Aquitaine ce mardi matin. Ils investiront les grandes et moyennes surfaces, afin de vérifier les prix de ventes des produits et d’informer les consommateurs jusqu’au 19 février prochain. Au niveau national, le ministère de l’Agriculture reçoit les syndicats agricoles le 17 février pour le comité de suivi des relations commerciales, où les représentants des agriculteurs comptent « dénoncer le non-respect de la loi EGAlim ».