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Julie Beaupoux, de la psychologie à la Cochonnerie
Passer de l'univers aseptisé du CHU de Poitiers, aux parcours boueux des cochons charcutiers, voilà le parcours de Julie Beaupoux. Ex psychologue c'est désormais le bien-être de ses animaux et les papilles de ses clients qu'elle priorise.
Julien PRIVAT | Aqui

Julie Beaupoux, ex psychologue s'est reconvertie dans l'élevage de porcs charcutiers. Une nouvelle vie sans regret pour la jeune femme.

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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 10/05/2021 PAR Solène MERIC et Julien PRIVAT

Sur son quad, Julie Beaupoux, s’approche de ses parcours à cochons. L’arrivée de ce petit bout de femme à la chevelure dorée et bouclée, met les animaux dans un bel état d’excitation. Ils le savent, elle apporte leur première ration de céréales du jour. La scène, quotidienne, se passe à Liniers, dans la Vienne à moins de 20 km de Poitiers. Un trajet qu’il y a deux ans encore, Julie faisait régulièrement, pour aller travailler dans un univers tout autre. En effet, avant de se lancer dans l’élevage plein air, elle était psychologue clinicienne au CHU de Poitiers. Après avoir pris soin des autres, elle a pensé à elle. L’installation agricole, « au contact de la nature et des animaux » a été la voie de son épanouissement.

Rainette, Paillette, Clara… A Linier, les truies reproductrices de Julie ont des prénoms. Signe qu’elle les bichonne ses cinq « filles »… à tel point qu’en cas de difficultés lors des mises bas, elle n’hésite pas à dormir à leurs côtés, « pliée en quatre », dans leurs petites cabanes de tôle, chauffées à la lampe pour un meilleur accueil des porcelets nouveaux nés. Si ça n’est pas (et heureusement !) une habitude, le sac de couchage reste à portée de main.
Car il faut dire que ces cabanes de maternité sont en plein air, chose assez rare de nos jours pour être soulignée. Le « 100% plein air », c’est en effet le mode d’élevage qu’elle a choisi pour les 50 à 70 cochons charcutiers qu’elle élève désormais, au fil des départs à l’abattoir et des naissances données par ses cinq truies. Inséminées par ses soins, Julie fait ses « petits mélanges » entre ses femelles Large White et des semences de races Duroc ou Pietrain, venues d’un centre génétique à Niort.

Qualité de vie

Quatre ans après son installation, Julie Beaupoux estime avoir trouvé son « rythme de croisière », entre naissances, élevage, et vente directe de la viande à la ferme. Elle n’a pas la volonté d’augmenter le cheptel. « J’ai envie de rester sur une production de qualité et que j’arrive à gérer seule. Avoir entre 50 et 70 animaux, c’est bien pour ça, et ça m’apporte une qualité de vie aussi parce que ce n’est pas trop contraignant. Je peux être partout à la fois, dans la vie de famille et dans la vie professionnelle ».
« Qualité de vie », le mot est lâché pour cette reconvertie à l’élevage qui se sentait un peu trop « enfermée » entre les 4 murs de son cabinet de psychologue, et sous le poids, lourd, de la souffrance des autres. Si elle l’avait un peu perdu, elle a visiblement retrouvé son sourire. « Ca faisait un moment que j’avais envie d’une reconversion. Pouvoir travailler à l’extérieur et être au contact de la nature, des animaux », reconnaît bien volontiers celle qui dès l’enfance a attrapé le virus de la passion paternelle pour les chevaux. « Depuis petite, j’ai toujours un lien particulier avec les animaux, mais aussi la nature, et la terre, confie-t-elle. C’était de l’ordre de la passion, mais je sentais qu’il fallait que ça devienne quelque chose qui prenne plus de place dans ma vie. »
Après un bilan de compétence et deux ans de réflexion, elle passe le cap. Elle choisit de commencer « petit », sans lâcher son travail à l’hôpital ; « le temps de monter le cheptel, d’avoir un nombre d’animaux suffisant et une stabilité financière pour la famille », explique-t-elle.

Solène MÉRIC

Les porcs charcutiers de Julie Beaupoux élevés en plein air

Sans OGM, sans antibiotique, 100% plein air

Avec l’avantage d’habiter déjà à la campagne, et avec du terrain, elle commence fin 2017 avec trois truies, sur les 2 ha de prairies situés 200 mètres en amont de sa maison. Depuis, pour le confort de son élevage, elle a racheté 3 autres hectares dont 1 ha de bois, pour y aménager de nouveaux parcours et faciliter ainsi leur rotation. « Les cochons à force de fouiner et gratter la terre, ont tendance a bien abîmé le sol, surtout quand il pleut… Il faut souvent ressemer derrière eux ». D’où la nécessaire rotation des animaux sur les parcelles.
Quant à l’hectare de bois, dont l’installation des clôtures pour le nouveau parcours s’achève juste, il donnera de l’ombre cet été aux animaux et permettra la saison venue qu’ils se régalent des glands tombés au sol. « Ce sera un bon apport pour leur alimentation », précise Julie qui veille au grain quant à la qualité de leur nourriture. « Je ne suis pas en bio, car il faudrait que l’aliment que j’achète soit bio. Ça ferait un coût supplémentaire pour mon élevage qu’il faudrait répercuter sur mes clients… Cela dit, et j’y tiens, j’achète un aliment sans OGM, mon élevage est sans antibiotique, 100% plein air et je garde les cochons charcutiers 10 à 12 mois. Je pense qu’il y a des élevages certifiés bio, mais qui n’ont pas autant de gages de qualité que ce que je mets en place ici ». Voilà qui est dit. Et les clients de la « Cochonnerie de Julie », le nom de son élevage et de sa boutique sur la ferme, ne s’y trompent pas. Elle le reconnaît dans un sourire, de Liniers à Poitiers, « le bouche à oreille fonctionne bien » autour des colis de viande fraîche et des charcuteries qu’elle propose à la vente en pré-commande.

Autodidacte

Le bouche à oreille et les recommandations sur le réseau social Facebook aussi. Car en effet, l’éleveuse communique naturellement, mais efficacement, sur l’actualité de son élevage, sur les prochaines disponibilités de colis, sur les animaux. En rendez-vous réguliers, elle donne des nouvelles des mises bas, photos et vidéos à l’appui de petits cochons juste nés tout roses et tout mignons. Un marketing spontané mais sans doute efficace !
Présent aussi sur sa page Facebook, son allié du quotidien pour la manipulation des cochons : son chien Popeye, avec qui elle suit en ce moment une formation de chien de troupeau, histoire de parfaire ses qualités naturelles de chien de travail. Quant à sa propre formation… Julie, est en réalité plutôt du genre autodidacte, et ça depuis le lancement de son projet agricole. « J’ai suivi une formation à la Chambre d’agriculture de la Vienne sur l’installation agricole avec une dimension plutôt administrative, mais c’est à peu près tout », reconnaît-elle. A cela s’ajoute aussi des visites d’élevages qui s’inscrivaient dans les mêmes principes que ce qu’elle voulait faire.
« J’ai été bien accueillie, les gens m’ont bien conseillée, ils m’ont fait voir leur manière de travailler. Je me suis donc inspirée d’eux, et j’ai aussi regardé pas mal de choses sur internet et puis j’ai fait mes armes avec mes premiers animaux. Pas toujours facile, c’est vrai. Mais je me suis laissée le temps d’apprendre en faisant. » Des compétences acquises sur le terrain avec le soutien précieux de son mari, salarié agricole désormais aussi en cours d’installation à la suite de son père en grandes cultures.

Julien PRIVAT | Aqui

Julie Beaupoux élève entre 50 et 70 cochons simultanément. Une taille qui lui permet de pouvoir mener vie de famille et vie professionnelle sans trop de débordements.

Observer et s’adapter

Apprendre sur le terrain c’est aussi apprendre à observer ses animaux et savoir s’adapter. « Quand on a mis en place des choses qui ne fonctionnaient pas ou mal, on a réfléchi à trouver ou à inventer des solutions. On a adapté au plein air des pratiques ou du matériel qui servaient dans les élevages en bâtiment. Les cages de contention par exemple : ça me permet de pouvoir contenir l’animal quand il faut faire un prélèvement sanguins ou un soin particulier. Comme ils sont en liberté totale et on ne fait pas le poids quand ils ont décidé de partir ! » s’amuse l’éleveuse de 33 ans au gabarit plutôt léger.
Mais s’adapter, quand on vend à la ferme c’est aussi prendre en considération les goûts et les couleurs de ses clients. Elle a par exemple arrêté la production de Culs noirs, pourtant viande renommée s’il en est. « Certains de mes clients adoraient mais d’autres trouvaient que la viande était trop grasse… alors j’ai décidé d’arrêter, Pourtant c’était du bon gras !», lâche-t-elle dans un rire, mais sans regret. « J’ai concentré l’élevage sur des races charcutières plus classiques et le mode d’élevage fini tout de même par sublimer ces races classiques ». A la Cochonnerie de Julie, le client est roi. Et son passé de psy fait qu’elle les écoute. « Ce sont des clients qui sont fidélisés, ils prennent leurs colis tous les deux ou trois mois, ils me parlent de ma viande, ils se régalent. C’est chouette d’aller du départ jusqu’au produit fini. C’est super gratifiant et c’est plaisant. C’est du concret ! ». En d’autres termes, Julie a quitté le CHU mais elle continue autrement de prendre soin de ses congénères. Une reconversion sans l’ombre d’un regret : « Si c’était à refaire je le referai, et même peut-être plus tôt ! » .

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