Elles étaient journalières dans les carrières de kaolin comme à Saint-Yrieix-la-Perche, où cet or blanc fut découvert par hasard… par une femme justement. Elles étaient également ouvrières dans les manufactures, décoratrices ou décalqueuses sur porcelaine. Une main d’oeuvre bon marché, deux fois moins payée que les hommes, à laquelle les propriétaires de carrières recourait massivement pour « éplucher » le kaolin.
Plus tard, quelques unes se feront un nom comme artisane ou artiste après avoir suivi les cours de l’Ecole Nationale des Arts Décoratifs à Limoges à partir de 1880. Une école d’art qui fut l’une des premières au monde à ouvrir ses portes aux femmes. Elle accueillait en son sein des jeunes filles issues de la bourgeoisie dont les créations, parfois primées, enrichirent les collections privées, échappant à jamais au regard du public. Chacune d’entre elle a, à sa manière, laissé une empreinte dans l’histoire de l’industrie porcelainière qui a forgé la réputation de Limoges.
Un pont entre les époques
Dans le four des Casseaux, témoin d’un âge d’or révolu, les visiteurs peuvent découvrir des photographies rappelant le rôle de ces femmes. Autant de petites mains qui ont su perpétuer un savoir-faire ancestral qui se transmet aujourd’hui à la jeune génération. L’exposition a été mise en scène par Mylène Garcin, qui a opté pour une présentation didactique, en créant un pont entre les différentes époques.
En plus des photos d’archives, inédites pour certaines, de nombreuses créations originales sont présentées à commencer par les premières belles pièces de porcelaine réalisées par des femmes au XIXème siècle formées aux « Arts déco » dont celles de Marie Bracquemond et de Suzanne Lalique Haviland avec la présentation de son service en porcelaine. En écho au travail de ces pionnières, neuf artistes contemporaines les rejoignent avec des pièces originales réalisées par Juli About, Matali Crasset, Julie Decubber, Lorraine Garnier, Anna Haillot, Kamila Majcher, Jessica Lajard, Mathilde Sauce et Kartini Thomas.
Une pièce conçue par Anna Haillot, ancienne élève de l’ENSA de Limoges intitulée « Will you marry me ? » a trouvé son écrin au premier étage du four. Cette œuvre sombre, constituée de cendres et de libellules en porcelaine brisées, pourrait symboliser la première révolte des ouvrières: en 1905, elles dénoncèrent les abus sexuels perpétrés par un contre-maître de l’ancienne manufacture Haviland. Une révolution féministe bien antérieure au mouvement MeToo pour libérer la parole des femmes.