Hier, la Chambre régionale d’agriculture d’Aquitaine a prix des allures de brainstorming géant. En pleine tourmente des éleveurs, une cinquantaine de professionnels du secteur agricole se sont réunis à Bordeaux (en même temps qu’une autre réunion se déroulait à Poitiers) pour faire le point sur le « contexte économique » et le plan d’urgence annoncé fin juillet par le gouvernement, après de multiples manifestations un peu partout en France et une inquiétude des éleveurs grandissante. Le fameux plan d’urgence est défini en cinq axes : le redressement des prix, la restructuration de la dette des éleveurs en difficulté, l’allègement et le report des charges, une aide pour la promotion à l’exportation, faire participer les exploitants à la « transition énergétique » pour diversifier leurs revenus (le gouvernement prévoit des exonérations pour les y inciter) et améliorer la compétitivité des filières d’élevage françaises.
« Dans chacun des 5 départements se sont réunies les cellules départementales d’urgence sous la présidence des préfets pour définir une méthode de travail et voir comment prendre en compte les dossiers des éleveurs les plus urgents et mettre en oeuvre le plan gouvernemental » confie Pierre Dartout, préfet de la région Aquitaine et de la Gironde. « La réunion de cet après-midi avait pour objet de reprendre en compte tout ce qui avait été dit, faire le point avec les partenaires régionaux sur la mise en oeuvre du dispositif d’aide d’urgence qui se fait au niveau de chaque département. Il y a une urgence à s’occuper de la situation d’un certain nombre d’éleveurs, eût égard à la place économique que ces filières représente et à la place de l’agriculture de nos territoires », ajoute le préfet
« Il y a un rattrapage à faire » »Sur les 10 600 exploitations des filière bovins lait, bovins viande et porcs, plus de 2 000 d’entre-elles sont en retard de paiement de leurs cotisations MSA pour un montant avoisinant les 8 millions d’euros », souligne Dominique Graciet, président de la Chambre d’Agriculture d’Aquitaine. « Mais beaucoup plus d’éleveurs sont concernés », ajoute-t-il. « l’urgence, c’est de tout mettre en oeuvre pour que les prix remontent assez vite. C’est assez difficile, au niveau européen d’avoir ce type de discours. Il faudrait que tous les acteurs de la filière puissent s’impliquer dans cette remontée des prix ». Depuis 20 ans, les prix à la production ont augmenté de 16% tandis que ceux de la consommation ont progressé de 60%. « Il y a un rattrapage à faire très rapidement ». Les mesures structurelles auront la charge d’accompagner, voire de restructurer l’appareil de production, « très en retard dans la région » selon les responsables. La priorité pour la région reste donc l’aide prioritaire aux plus endettés et les achats locaux dans les cantines et restaurants collectifs. En ce sens, Jean-Pierre RAYNAUD, vice-président du Conseil régional chargé de l’agriculture a annoncé qu’une réunion de l’ensemble acteurs de la restauration collective se tiendrait au Conseil régional dès le début du mois de septembre.
La grogne monteEn attendant la mise en place d’autres mesures à plus long terme, la colère des éleveurs ne faiblit pas. A Auch, 150 éleveurs ont arrêté et ouvert des camions, déversant plus de 35 tonnes de viande sur les principaux accès dans la nuit de lundi à mardi. Une opération escargot a été organisée aujourd’hui par un groupe d’agriculteurs de l’Isère, qui sont allés lancer des oeufs sur le siège de la Direction départementale des territoires, à Grenoble. De l’autre côté, certains industriels ont même fait savoir leurs réticences conçernant les prix minimum d’achat du lait fixé le 24 juillet dernier. Le groupe fromager Savencia (Caprice des Dieux, Tartare ou encore Coeur de Lion) a récemment rédigé un courrier dans lequel il affirme qu' »aucun engagement de niveau de prix n’a été pris lors de cette table ronde », et que le groupe échapperait aux accords en raison de sa fabrication de produits transformés. Si le Plan d’urgence prend effectivement un effet immédiat, les principales plaintes des éleveurs semblent bien rester sourdes…
M.A.J : Suite à cette réunion, La FRSEA (Fédération Régionale des Syndicats d’Exploitants Agricoles) d’Aquitaine a vivement réagi dans un communiqué, par l’intermédiaire de sa directrice régionale, Isabelle Caumet. « La FRSEA Aquitaine ne peut que se désoler d’un plan qui n’est pas à la hauteur de la gravité de la situation. Un seul exemple suffit à démontrer le décalage entre les annonces politiques et la réalité de ces mesures dites d’urgence : les MSA d’Aquitaine annoncent près de 8 millions d’euros impayés à ce jour, alors que le plan de soutien propose d’assurer la prise en charge des cotisations sociales à hauteur de 700 000 euros ! », indique ainsi la Fédération, précisant que les manifestations « continueront jusqu’à une prise en compte réelle de la gravité de la situation ».