Une randonnée entre deux eaux, là où la Garonne flirte avec le canal latéral. Balade en sérénité. Sur le chemin de halageL ‘infini ? C’est ici ! Vous le devinez à l’instant où l’eau impassible du canal, vue du pont Ferrand, rétrécit commela pointe de la lame et s’enfuit sous l’ombre lourde des frondaisons.Depuis le Tertre de Meilhan, d’où la vue est somptueuse, on aperçoit le canal latéral en partie dissimulé par les platanes. La Garonne, qui fait tout pour être remarquée, le coince habilement contre l’escarpement. Résultat, pour l’approcher, il faut prendre sur la gauche du Tertre le sentier de la Margellenne qui dévale jusqu’au pont Ferrand, près de la halte nautique. On imagine les assaillants anglais monter à l’assaut de l’éperon durant la guerre de Cent ans, sous les projections de barres de fer et de seaux de chaux vive, s’attaquant aux maisons de bois et d’osier ! Ils sont toujours là nos amis, mais ils glissent désormais doucement sur le canal, à bord des bateaux de croisière ou de leurs péniches ! La sérénité est au pied du chemin de halage que vous suivrez jusqu’à Fontet, ou Hure si vous flânez trop. Quelle belle idée d’avoir construit ce canal latéral pour prolonger le canal du Midi. Il a tout de même fallu quatre mois en 1841, pour faire sauter le rocher de Meilhan ! Longtemps, le canal a permis sur ses 193 km, jusqu’à Castets en Dorthe, la circulation des marchandises de Toulouse à Bordeaux. Les bateliers professionnels y sont rares désormais, mais vous croiserez des plaisanciers paisibles.Sur la rive gauche du canal, à trois cents mètres du pont, la Font d’Uzas cache bien son eau délicieuse. Les platanes, plantés pour que leurs feuilles et leurs racines tiennent la terre au fond de l’eau, laissent filtrer une lumière douce. Jusqu’à Fontet, vous longerez les belles terres alluviales de la Garonne qui prend un peu ses distances, les champs de maïs et les bois de peupliers, avec lesquels la SEITA fabrique les allumettes. Ici ou là, sur la rive assoupie, vous bavarderez avec un pêcheur. Plus question de taquiner l’anguille, car l’eau n’est plus assez brassée, mais ils se consolent avec gardons, sandres et poissons-chats. Après Hure et une pose pique-nique, vous arrivez tranquillement à l’écluse de L’Auriole. L’endroit a du charme, avec la maison de l’éclusier (un seul surveille trois écluses électriques), et le vieux moulin devant son bief asséché. Plus loin apparaissent les jolies maisons de Tartifume, où la cheminée de l’auberge fumait tard, et les coteaux de La Réole. Le chemin s’étire sous les acacias et les ormeaux. Encore quelques platanes et l’on quitte le sentier pour aller visiter l’étonnant musée de l’artisanat et des monuments en allumettes de Fontet : outils, jougs, maquettes de charrettes, et les superbes reproductions en allumettes de nos monuments historiques. Un peu plus loin, vous serez tentés de voir de plus près les tourelles et le campanile de l’église. Au retour, sautant d’une rive à l’autre, vous reprendrez la route à partir du pont Ferrand. Retournez-vous pour profiter de ce superbe instant où Garonne, comme l’on dit ici, vient provoquer le canal. Parfois leurs eaux se mêlent lors de dramatiques épousailles qui inondent les villages de la plaine. A cet endroit, le méandre, profond de dix mètres, abrite la dernière frayère d’esturgeons. Après une pause rafraîchissement bien méritée « Aux amis de la péniche », vous remonterez vers le beau village par le sentier des Anglais. Après trois siècles de colonisation, on ne leur échappe toujours pas !
Rosalyne Bottrel