Ferme-usine de saumons : le face-à-face se poursuit


Le projet de ferme-usine de saumons au Verdon-sur-Mer, dans l'estuaire de la Gironde, continue de faire couler beaucoup d'encre. La provenance de l'eau, la protection de l'environnement et le bien-être animal sont au coeur de la polémique.

Sepanso

Le site du projet, le 11 mars 2024.

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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 02/05/2024 PAR Manon Gazin

Le duel autour de la ferme-usine du Verdon-sur-mer est loin d’être terminé. Dans l’estuaire de la Gironde, le groupe Pure Salmon veut implanter une gigantesque ferme aquacole, capable de produire 10 000 tonnes de saumon par an. Mais les collectifs et élus locaux dénoncent un projet dangereux pour l’environnement et le bien-être animal. À l’origine prévue pour fin 2026, cet élevage gigantesque ne devrait pas voir le jour avant 2027, suite à un avis défavorable de la Commission locale de l’eau (CLE). La Sepanso, fédération de plusieurs associations de protection de l’environnement, organisait récemment une réunion « d’informations et d’échanges » avec les habitants du Verdon-sur-Mer.

La demande des habitants

L’expérience de Pure Salmon France dans le cycle de production de saumons adultes est-elle avérée ? Que savons-nous de l’impact économique et social du projet ? Est-il compatible avec le cadre légal et réglementaire visant à protéger l’environnement ? Telles sont les questions qui ont été abordées lors de cette réunion, en présence de 150 riverains et de divers experts : scientifiques, élus locaux responsables de l’environnement, docteurs en droit…. Mais en l’absence de Pure Salmon, pourtant invité au débat, selon Alain Durand-Lasserve, membre de la Sepanso. « Je précise que c’était à la demande des habitants que cette réunion a eu lieu, glisse-t-il. Beaucoup ont estimé qu’il n’y pas d’informations crédibles, indépendantes, avérées ou vérifiables concernant ce projet »

Il faut dire que depuis mars 2022, c’est un véritable feuilleton qui se déroule dans l’estuaire de la Gironde. Avec 10 000 tonnes de saumons produits par an, Pure Salmon veut répondre à 5% de la consommation française, grâce à un investissement de 275 millions d’euros. Sans oublier la promesse la création de 250 nouveaux emplois, sur un territoire qui souffre d’un fort taux de chômage. Le tout dans une zone Natura 2000. Les collectifs ne sont donc pas prêts à lâcher l’affaire pour mettre fin à ce projet, « qui nous semble toujours très artificiel dans sa conception et son fonctionnement », lance Alain Durand-Lasserve. 

D’où proviendra l’eau nécessaire à cet élevage ?

Pure Salmon souhaitait initialement puiser directement l’eau nécessaire à sa production dans les nappes profondes. Mais ces dernières renferment les réserves d’eau douce du département, d’ores et déjà menacées par le stress hydrique. Dès septembre 2023, Pure Salmon a dû retravailler sa demande d’autorisation environnementale concernant les études sur le prélèvement d’eau, suite à une demande de l’État, et avant de déposer son dossier le 13 octobre à travers un document ICPE (Installations classées protection de l’environnement). Mais le 20 novembre, la Commission locale de l’eau (CLE) du Schéma d’aménagement et de gestion des eaux (Sage) des nappes profondes de Gironde rend son verdict à l’entreprise : il est négatif en l’état, les études apportées étant considérées comme insuffisantes. 

La problématique de l’eau est d’autant plus importante que « les besoins en eau dans le cadre de ce projet ont considérablement augmenté depuis le début », explique Alain Durand-Lasserve. « On était au début du projet à une consommation de 2 200 m3 par jour. Ce qui voulait dire quelque chose comme 600 ou 800 000 m3 par an. On est maintenant passé à 2 300 000 m3 par an ».

Beaucoup de questions en suspens

D’autres préoccupations autour du projet concernent l’environnement et la question du bien-être animal. « Il faut considérer l’estuaire de la Gironde comme le dernier naturel d’Europe. C’est un estuaire encore très sauvage et très bien préservé, souligne Alain Durand-Lasserve. Et le projet industriel est implanté au milieu de cette zone […] Il est clair que même le chantier va apporter une atteinte gravissime à son fonctionnement »

Sans compter le manque de transparence de l’entreprise, selon les associations. « Les données qu’ils nous fournissaient étaient très souvent inexactes », affirme Maÿlis Durand-Lasserve, également membre la Sepanso Gironde. « Ils affirment qu’ils ont des fermes aux Etats-Unis et au Japon qui produisent 10 000 tonnes de saumon par an. Après vérification, elles sont pour l’une au stade du début de construction et pour l’autre en chantier ». L’ancienne professeure agrégée en sciences sociales questionne aussi la possible création de 250 emplois. « Pour l’instant, il est très difficile de répondre à cette question. Mais nous savons que les prévisions pour les autres fermes de Pure Salmon aux États-Unis et au Japon ont de moins de 250 emplois », soutient-elle. 

Reste à savoir quelles pourraient être les mesures prises par les collectifs, une fois que la ferme-usine verra le jour. « Il y aurait vraisemblablement de très nombreux recours », affirme Alain Durand-Lasserve. « Les démarches sont complexes, c’est très long. Mais il y a des recours pour contester les conditions dans lesquelles ce projet a été conçu, et la décision a finalement été prise ». Maÿlis Durand-Lasserve, de son côté, pointe « l’enquête publique qui aura lieu avant l’autorisation« . « Évidemment, nous participerons à l’enquête publique avec les autres associations qui s’opposent au projet ».

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