Bras de fer autour d’un projet de méga-ferme de saumons


Au Verdon-sur-mer, un projet de ferme-usine de saumons fait grincer des dents. Un collectif, soutenu par des élus écologistes, compte bien faire avorter ce projet. Joint par Aqui!, le PDG de Pure Salmon, qui porte le projet, réfute leurs arguments.

Eaux Secours Agissons !

Esther Dufaure, militante au sein du collectif "Eaux Secours Agissons !", sur le site du projet, le 27 janvier dernier.

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 13/02/2023 PAR Manon Gazin

10 000 tonnes de saumon par an : voilà ce que compte produire le groupe Pure Salmon, avec son projet de ferme aquacole géante. Cet élevage, qui deviendrait le plus grand d’Europe, prendrait place au Verdon-sur-Mer, à la pointe du Médoc. Un investissement 275 millions d’euros selon le groupe. Le début des travaux est prévu pour 2023, et les commercialisations pour 2026, dans le cas où Pure Salmon obtiendrait l’autorisation de construire son projet. Malgré les arguments sociaux et écologiques avancés par l’entreprise, les opposants à ce projets se font nombreux et ils comptent bien réussir à obtenir son abandon. Parmi eux, des élus écologistes européens et aquitains, et le collectif Eaux Secours Agissons !. 

« La consommation d’eau de l’usine est astronomique« , avance en premier argument Esther Dufaur, membre du collectif d’opposants au projet. « Elle impactera les nappes phréatiques, qui sont déjà en stress hydrique, et qui sont à risque de salinisation. Il s’agit de remplir 27 bassins d’eau, soit l’équivalent de 80 piscines olympiques! ». Un dimensionnement que Xavier Govare, président de Pure Salmon, réfute. Selon lui, le projet représentera « 24 piscines d’une taille d’une piscine municipale, et aucun litre d’eau ne sera prélevé de nappe phréatique […] 100% de l’eau que nous allons utiliser sera de l’eau salée qui provient de la mer et de l’estuaire de la Gironde », affirme-t-il.

Des risques de pollution ?

Le président de Pure Salmon soutient également que le site sera « totalement bio-sécurisé ». « Nos saumons ne sont même pas vaccinés. Il n’y a aucun traitement antibiotique, puisqu’il n’y a pas de maladies, étant donné qu’il s’agit d’un circuit fermé« . Les détracteurs du projet n’y croient pas et disent craindre un risque de contamination des zones alentours. « Des ostréiculteurs pourraient se trouver menacés par d’éventuelles pollutions liées à cette méga usine« , veut alerter Laure Curvale, vice-présidente EELV du département de la Gironde.

Eaux Secours Agissons souligne également la dépense énergétique « astronomique » engendrée par cet élevage. « Pure Salmon avance que la consommation énergétique sera couverte par une partie d’un parc photovoltaïque qui couvrira 30% des besoins. Mais le reste sera tiré sur le réseau« , affirme Esther Dufaur.  Xavier Govare confirme le caractère énergivore, mais nuance « c’est le prix à payer pour ne pas avoir de rejets dans le milieu ambiant », et précise que l’énergie utilisée sur place sera « verte ».

Quelle considération du bien-être animal ?

Le bien-être animal est sans surprise une question centrale du projet. Selon le collectif, la ferme prévoit une densité de 70 kg de saumon par m3 d’eau. Alors que le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche recommanderait des densités maximales de 25 kg de saumon par m3 d’eau. « Cinq millions de saumons seront agglutinés dans des bassins de 15 mètres de haut. Chacun bénéficiera du volume des dimensions d’une page A4« , dénonce Esther Dufaur. 

Des chiffres que Xavier Govare dément, ou qu’il pointe du doigt comme mal interprétés. Si la statistique de la densité de biomasse avancée par le collectif est bien réelle, elle implique cependant qu' »il y aura 93% d’eau pour 7% de biomasse. […] Ce sont des chiffres dans la norme », selon le PDG de l’entreprise. Concernant la quantité de saumons élevés sur place, il n’y en n’aurait pas 5 millions, mais 2 millions.

Aucune souffrance animale, selon Pure Salmon

Il affirme également que le service vétérinaire, rattaché au département, fera preuve d’un contrôle permanent. « Ces vétérinaires peuvent débarquer quand ils veulent pour vérifier comment l’installation fonctionne et si le bien-être et la sécurité des animaux sont respectés », explique-t-il.

Sur les conditions d’abatage, qui questionnent aussi dans les rangs des opposants, Xavier Govare, précise : « Les poissons sont électronarcosés sous contrôle vétérinaire. Il y a un courant électrique qui passe dans l’eau et qui les endort. Ils sont saignés une fois qu’ils sont endormis, sans souffrance « , explique-t-il.

Quelle nourriture pour les saumons ?

Autre sujet soumis à polémique, la nourriture des saumons. « Pure Salmon a plusieurs options« , affirme Esther Dufaur. « Soit du soja qui provient de la déforestation qui a lieu en Amérique du Sud. Soit de la farine de poisson, issue de poissons pêchés principalement dans les eaux africaines, détruisant ainsi les premières ressources alimentaires locales« .

Là encore, Xavier Govare conteste ces allégations. « Nous allons choisir du végétal qui est sous haut contrôle, c’est-à-dire du soja qui ne provient pas de la déforestation. Et pour la farine de poisson, ce sont des poissons qui sont pêchés industriellement, et absolument pas issus de pêches locales », explique-t-il.

Une promesse d’emplois discutée

Quant à l’argument social du port autonome de Bordeaux et Pure Salmon promettant la création de 250 emplois, c’est encore une source de méfiance pour le collectif. « Smart Salmon, qui porte un projet de taille similaire en Bretagne, propose et indique la création de 100 emplois. Et de quel type d’emploi parlons-nous ? D’emplois pénibles, peu rémunérateurs ? Sous quel type de contrat ? » questionne Esther Dufaur.

Des affirmations que le PDG de Pure Salmon réfute, affirmant que de nombreux postes qualifiés seront à pourvoir parmi les emplois proposés, comme ingénieurs ou techniciens. Sans oublier les emplois liés à la sous-traitance. Que ce soit pour fabriquer et nettoyer les vêtements de travail, fournir un service de restauration aux employés, ou encore entretenir les espaces verts qui prendront place autour de l’installation.


Une pétition auprès du Parlement européen

Le collectif, qui affirme que le projet va à l’encontre de 18 directives européennes, a déposé une requête, déclarée recevable, auprès de la commission des pétitions du Parlement européen. Une recevabilité qui pourrait amener les membres du collectif à être auditionnés par ladite commission du Parlement européen, afin que cette dernière décide des suites à donner à cette pétition.
Parmi les attentes des opposants aux projets : que la Commission européenne finisse par se saisir de ce dossier (à l’invitation du Parlement), afin qu’à son tour elle saisisse la Cour de Justice de l’Union Européenne pour une éventuelle condamnation de la France pour avoir autoriser le projet. Autant dire un chemin encore long et incertain.

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