Mardi 22 octobre, en ce jour de mobilisation nationale, de nombreux agriculteurs, manifestent leur ras le bol, leur exaspération quant à leurs revenus trop bas, leur sentiment d’être les mal aimés de la société, devant de nombreuses préfecture de l’Hexagone et de villes de la Nouvelle-Aquitaine. En Dordogne, aucune action syndicale n’était prévue. Le CrDA du Périgord noir ( (Création dynamique agricole), association dont le but est de favoriser le développement agricole et rural avait convié le préfet de la Dordogne à un après-midi d’échanges : l’occasion d’évoquer les initiatives menées sur le territoire et d’aborder aussi dans un climat courtois, les dossiers qui font débat. « Notre territoire reste très agricole avec de nombreux actifs. Nous avons des nouveaux venus non issus du milieu agricole qui parviennent à s’installer grâce à l’accompagnement de la chambre d’agriculture. Nous avons encore la chance d’avoir une soixantaine d’installations par an en Dordogne, mais aujourd’hui, la moitié vient d’un autre milieu professionnel et souvent d’un autre département. Sur ce territoire, en dehors de toute considération syndicale, nous menons des initiatives avec les élus, les collectivités afin de favoriser le maintien d’une dynamique, explique Yannick Frances
Pastoralisme en Périgord noir
La première partie de la visite a donc débuté par une rencontre avec Christelle Régnier, qui est installée depuis décembre 2018 et son mari Stéphane Zègre, en cours d’installation. Christelle Régnier est ce qu’on appelle une éleveuse de brebis sans terre. « Actuellement, j’ai un troupeau de 200 brebis. J’ai pu m’installer grâce à l’expérience de pastoralisme menée depuis 2011, en Périgord. Mes brebis vont de parcelle en parcelle grâce à l’association foncière pastorale libre le Randal. Je débute actuellement la phase de commercialisation d’agneaux que je vends en direct. Ils sont abattus et découpés à Thiviers. L’objectif est de monter le cheptel à 500 têtes d’ici quatre ans, explique l’agricultrice. Depuis 2011, pour revaloriser des zones en déprises agricole, rouvrir des paysages, et relancer la production ovine, éleveurs, collectivités, CRDA et chambre d’agriculture travaillent à une expérimentation de pastoralisme. Aujourd’hui 181 communes de Dordogne sont concernées par le pastoralisme par arrêté préfectoral. L’enjeu pour le territoire est à la fois économique, environnemental et social. Ce travail a permis la création de 4 associations foncières pastorales libres en Dordogne dont l’association foncière pastorale libre le Randal. Elle dispose actuellement de 500 ha de terrain sur les communes de Condat-sur-Vézère et Coly Saint Amand. Ce qui a permis l’installation de deux couples de bergers dont l’un sur Coly-Saint Amand. La municipalité a mis à disposition un logement moyennant un loyer pour que le couple puisse s’installer. « La contractualisation se fait non pas avec chaque propriétaire mais avec l’association foncière pastorale. Ce projet crée du lien entre agriculteurs et propriétaires non agriculteurs, » précise Christelle Régnier.
Innovation pour pérenniser les exploitations
Connaissez vous le Miscanthus ou le Switch Grass ? Pourtant, ces deux plantes pourraient bien sauver les agriculteurs, en pleine crise liée à la sécheresse ou aux pesticides. Le miscanthus et le Switch Grass ont séduit une douzaine d’agriculteurs de Dordogne, dont Pierre-Henri Chanquoi, éleveur, de bovins, poulets et noix, à Terrasson, installé à proximité d’une zone pavillonnaire. C’était l’objet de la deuxième visite. « Elles présentent l’énorme avantage de s’adapter à tout type de sols et d’absorber l’eau, ce qui est en période de sécheresse, s’avère très utile. Elles n’ont pas de mycotoxines, donc un pouvoir absorbant important, donc ce qui permet de pailler moins. Souvent nous manquons de paille, elle vient d’ailleurs, parfois d’Espagne avec les coûts que cela engendre et le bilan carbone défavorable, cela peut se révéler très intéressant », explique Pierre Henri Chanquoi. La suite de la description de ces cultures est détaillée par Laura Dupuy, technicienne à la Chambre d’agriculture. « Ce sont des plantes pérennes : elles sont implantées pendant 15 à 20 ans, il faut donc mieux être propriétaire des terrains. Le principal inconvénient, c’est le coût de l’implantation : environ 700 euros par hectares pour le switch grass, entre 2 500 et 2700 euros par hectare pour le miscanthus. C’est un pari sur l’avenir. » C’est pourquoi la Chambre d’Agriculture a décidé de lancer un projet nommé Perspective Périgord Miscanthus Switch Grass. Ce projet financé par le Département va permettre d’implanter 10 hectares par an de Miscanthus et 30 hectares de Switch Grass par an, soit un maximum de 120 hectares de cultures ligno-cellulosiques sur 3 ans en Dordogne afin d’étudier la faisabilité technique et financière de ces cultures sur le territoire.
et les sujets qui font débat
Au cours de cet après midi d’échanges avec le préfet, l’actualité agricole n’était jamais très loin. De nombreux sujets ont été abordés, la prédation des troupeaux, le manque de vétérinaires ruraux dans le département, les zones de non traitement, l’agribashing permanent dont est victime la profession agricole. Actuellement deux projets d’élevage de veaux sont contestés par des associations environnementales et de riverains, le premier à Saint Mesmin où le plan d’épandage est mis en cause et le second au Change. Le préfet a rappelé que « son devoir était de veiller à l’application stricte des lois de la République. Ce qui oblige chaque porteur de projet et chaque service de l’Etat à être exemplaire dans la façon de conduire les dossiers. Aujourd’hui, il y a un mouvement chez nos concitoyens qui consiste à ne plus avoir confiance en les services de l’Etat, aux experts indépendants, en aucune institution. Le dialogue, la concertation et la communication doivent être encouragés en amont des projets. » Le projet d’abattoir de volailles grasses en Périgord noir a largement été abordé, notamment sur les aspects environnementaux et sur le volet assainissement : les partenaires du dossier veulent « border » tous les aspects du dossier pour éviter des recours éventuels. En revanche, la profession n’a pas obtenu d’avancées sur la taxe de défrichement : douze agriculteurs ont reçu des avis de paiement. Dossier à suivre.