Pascal Paoli plante le décor du mal logement en région: « A l’échelle de l’Aquitaine, dans le parc privé, 100 000 logements sont considérés comme habitats indignes et 17 000 sont sans confort (manque ou délabrement des équipements sanitaires). On estime que ces logements concernent environ 180 000 personnes dans la région ». Pour souligner une tension toujours plus réelles entre l’offre et la demande de logements, le responsable régional de la Fondation Abbé Pierre cite plusieurs indicateurs pour le moins alarmants dont celui du taux des demandes de logement via le 115 en augmentation de 60% pour un taux d’attribution durant l’hiver de 59%.
L’Aquitaine « très mal placée »« Ce qui nous inquiète c’est que 84% des réponses négatives révèlent un manque de places disponibles et surtout pas adaptées aux nouveaux visages de la pauvreté ». C’est à dire des familles, des personnes vieillissantes ou encore des jeunes de moins de 25 ans, « qui représentent le quart des usagers du 115 », précise Pascal Paoli, particulièrement inquiet de ce constat. Autre indicateur, « au 31 décembre 2014, 73 297 ménages sont en attente d’un logement social sur l’ensemble de l’Aquitaine ».
Et pour cause, l’Aquitaine reste en la matière « très mal placée (20ème sur 22) malgré le fait qu’elle enregistre une des plus fortes progressions de production de logements sociaux (2ème sur 22) ». La dynamique pourtant réelle en la matière, ne parvient donc pas à combler ce retard historique, d’autant que le nombre de demandeurs ne diminue pas… Un volume important doublé du caractère « très social » des demandes, souligne Pascal Paoli, qui pointe deux territoires en particulier, la Dordogne et le Lot-et-Garonne, ainsi que les sept zones intégrées aux politiques de la ville, dont Bergerac, le Val de Garonne, le Villeneuvois, le Grand Dax ou encore Libourne.
Promoteurs privés et logements sociaux, un risque ?Dans ce contexte de pénurie, les nouvelles offres de logement sont le fruit pour 78% d’entre elles de la rotation des logements. Un constat qui inquiète le responsable « Les personnes étant plus pauvres, elles ont moins de possibilités de sortir d’un logement social… Il y a donc un vrai risque de gripper le système des rotations, et donc le principal moteur de l’offre nouvelle.» Autre chiffre qui fonde cette inquiétude : pour une offre nouvelle en T1, ce sont 70 demandes qui sont en face.
Sur cette offre nouvelle justement, Pascal Paoli, s’arrête un instant sur la place des promoteurs privés dans la production des logements sociaux, avant qu’il ne les vendent aux bailleurs sociaux. En Aquitaine, ces ventes en Etat Futur d’Achèvement (VEFA), représentent 20% de la production régionale. Sur des zones foncièrement tendues, comme le Pays Basque, le sud des Landes ou encore le Bassin d’Arcachon, les VEFA peuvent représenter jusqu’à 60% de la production. Si Pascal Paoli reconnaît volontiers que « tout est bon à prendre, compte tenu de la crise », il n’approuve cependant pas la tendance à laisser développer ce type de montage, là où il faudrait davantage selon lui « mettre le paquet sur l’aide à la pierre », d’autant qu’une fois produits par les promoteurs, ces logements vont être entretenus et gérés par les bailleurs sociaux. Autrement dit l’intérêt patrimonial des uns et des autres est pour le coup assez divergeant, pointe Pascal Paoli…
Enfin, troisième raison de garder selon lui, un œil critique, sur ces VEFA : « elles n’encouragent pas les territoires à entrer dans des stratégies de réserves foncières qui permettraient, via notamment des Etablisseent Publics Fonciers, de ne pas laisser les prix devenir inaccessibles.»
Plus de transparence dans les stratégies d’attributionOutre cette alerte sur la politique de production de logement, la Fondation Abbé Pierre en Aquitaine, attire également l’attention des responsables politiques et opérationnels sur trois questions à ne pas négliger sur le territoire. D’abord, les jeunes et l’accès au logement, sur lequel l’effort doit être constant, la stratégie de l’attribution des logements ensuite, « qui doit être rendue transparente pour les demandeurs et davantage mutualisée et partagée entre bailleurs sociaux eux-même », et enfin la mixité sociale et les solidarités territoriales notamment en portant davantage attention sur le secteur rural, « plein d’atouts et qui peut être un appui des grands centres urbains » relève Pascal Paoli.
Et pour conclure, tout en soulignant l’état d’esprit de cette journée, il cite celui qu’il appelle « le patron » : « Si demain on nous décarait la guerre au sens militaire du terme, on n’aurait aucune difficulté pour trouver l’argent pour la faire. Or la situation du logement en France, c’est la guerre ».