Le Forum Santé et Avenir 2020, le néolibéralisme mis en cause par Barbara Stiegler


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Le Forum Santé et Avenir 2020, le néolibéralisme mis en cause par Barbara Stiegler

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 17/02/2020 PAR Clément Bordenave

Ce sont près de 200 personnes qui se sont réunis à la Cité mondiale de Bordeaux pour écouter avec attention la prise de parole de Barbara Stiegler lors de la conférence d’ouverture du Forum Santé et Avenir 2020. Devant le parvis de la cité, le collectif militant « La santé un droit pour tous » distribue des tracts informatifs sur les dépassements d’honoraires. De quoi annoncer le ton pour le reste de la soirée puisque l’allocution se veut résolument politisée et engagée.

C’est d’ailleurs la posture qu’adopte en préambule Barbara Stiegler, « Je suis actuellement très mobilisée sur le plan politique, si j’ai accepté d’être présente ce soir c’est pour rappeler que le néolibéralisme c’est une chose qui existe, ce n’est pas un fantasme, et je suis donc engagée depuis le 5 décembre dernier dans la mobilisation sociale, contre les réformes néolibérales en cours (…) mon intervention ne sera pas celle d’une experte désengagée ». Le néolibéralisme va rester le thème central de cette soirée, au point que certains dans la salle se questionnent sur le rapport avec la santé. Mais la philosophe, prenant le temps de construire son discours, commence par brosser un tableau du climat social actuel, entre réforme des retraites, réforme dite Blanquer et crise hospitalière.

Du Plan Juppé de 1996 à MaSanté2022, les réformes qui redéfinissent notre modèle de santé.

« Du coté de la santé, dans un contexte néolibéral, il va falloir produire une augmentation indéfinie des performances avec une reprise du programme biopolitique d’une optimisation sans fin. » s’alarme la philosophe. L’arrivée de la performance au sein de l’hôpital avec toutes les difficultés que cela sous-entend pour les soignants, était d’ailleurs en partie la cause de la colère des soignants de l’hôpital au mois de novembre dernier. Les grandes idées du plan MaSanté 2022 allant vers de plus en plus de médecine en ambulatoire et avec la mise en place de l’ONDAM (Objectif national des dépenses d’assurance maladie) en 1996 par le Plan Juppé, ainsi que les nombreuses autres réformes en santé, l’idée de la rentabilité ou tout du moins de la compétitivité s’est installée dans l’hôpital public.

Autant d’inquiétudes et de questions sur le modèle de santé pour l’avenir, avenir qui pour beaucoup rime avec innovation alors que pour Barbara Stiegler, l’innovation peut par certains points représenter un danger lorsqu’elle va dans le sens d’une plus grande autonomie des patients.

Le danger de la médecine « pro active »

« L’innovation comme vecteur d’optimisation et de performance, ça a un cout considérable puisque cela se fait au détriment d’une autre conception du soin », déplore Barbara Stiegler.  « La prévention et la modification des comportements, c’est un appel à l’autonomie du patient. Tout ceci peut sembler en soi plutôt positif, qui peut être contre l’innovation ? Qui peut être contre l’amélioration ? Qui peut être contre la prévention ? Comment ne pas relier ces notions intrinsèquement positives à la notion positive de santé ? Le problème c’est que ce modèle a une série de conséquences destructrices au nom de l’autonomie », se désole la conférencière.

C’est d’ailleurs contre cette nouvelle conception de la médecine qu’elle nomme médecine « pro active » qu’elle met en garde les professionnels présents ce mercredi 12 février. « L’hyper-responsabilisation des patients » inquiète cette professionnelle du monde médical qui craint de voir débarquer en France une mise en compétition des malades sur la base de leur mode de vie. Cette remarque fait bondir de colère certains médecins présents dans la salle qui n’hésitent pas à couper Barbara Stiegler pour lui faire entendre que « ils n’ont jamais mis en compétition leurs patients ». Barbara Stiegler affirme pourtant sans en démordre que « la logique du capital santé peut être le prélude à une logique de point qu’on retrouve dans la réforme des retraites par points. Cette notion est fondamentale, c’est une logique de bonus/malus qui vient bouleverser la politique assurancielle et notre modèle fondé sur la solidarité. (…) Avec l’idée que la santé est la base du capital, il va y avoir une évaluation continue des soignants et des patients eux-mêmes, on va pouvoir évaluer dans les programmes d’éducation thérapeutique des patients, s’ils ont augmenté leurs performances ».

Sur la base de ce constat négatif voire alarmiste, dressé par Barbara Stiegler, elle lance tout de même un appel à la remise en question aux professionnels présents dans la salle, « je pense que tout cela doit nous interroger et qu’il est temps de faire ensemble un diagnostic, que l’on soit professionnels de l’éducation ou professionnels de la santé sur la manière dont le néolibéralisme nous a d’ores et déjà transformés ».

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