« Ce numéro de l’Echo est le dernier. Adieu aux lecteurs », c’est par ce titre couvrant toute la Une de ce mercredi 6 novembre, que le quotidien d’information régionale de gauche a annoncé la fin prévisible d’une histoire débutée, il y a 76 ans, au sein des mouvements de Résistance. L’annonce du probable liquidation judiciaire au vu du passif, par le Tribunal de commerce de Limoges sera finalement rendue le 8 novembre. Entre deux et trois cents personnes, amis, salariés, militants, se sont réunis devant le tribunal en soutien à ce journal.
Le titre a longtemps était attaché au Parti communiste, il s’en était émancipé lors d’une précédente crise dans les années 90 en devenant l’organe de toute la gauche antilibérale. Présent en Haute-Vienne dont le siège est à Limoges, dans l’Indre, en Creuse, en Corrèze et en Dordogne, il tirait à quelque 40 000 exemplaires et employait 42 salariés, dont sept en Dordogne. A Périgueux, ce mercredi matin, l’esprit n’est plus au travail. Les membres de la petite équipe périgourdine achèvent, le cœur serré, de ranger les dossiers, de trier leurs affaires personnelles. Ils doivent rendre les clefs de l’agence du 17, rue Antoine-Gadaud au liquidateur avant 17 h 30. Ils ne sont pas seuls : Julien Chouet, secrétaire départemental du Parti communiste est présent par amitié. Il propose aux salariés de l’agence périgourdine de les emmener à Limoges pour le rassemblement de soutien prévu avant l’audience. Du moins ceux qu’ils le souhaitent. Plusieurs confrères des autres médias sont là, exprimer un soutien, faire un geste amical en offrant quelques viennoiseries, et aussi recueillir leurs témoignages.
Des difficultés anciennes mais une annonce violente
Les difficultés de l’Echo étaient connues de tous et anciennes : depuis le dernier dépot de bilan du 7 décembre 2012, le titre était dans une grande fragilité financière, comme le souligne dans son éditorial Frédéric Sénamaud, le président de l’association des abonnés. A chaque fois, l’Echo s’était redressé, à coup de souscriptions volontaires et en raison de l’attachement viscéral de ses lecteurs. Mais voilà au fil des ans, le lectorat a diminué. « Notre journal n’avait malheureusement plus assez de lecteurs, plus assez de publicités, plus assez d’annonces légales pour garantir la prochaine paie des 42 salariés de »L’Écho » et assurer sa propre pérennité, « poursuit Frédéric Sénamaud dans son éditorial. Ces derniers temps, la direction du journal avait la volonté de s’orienter vers une nouvelle formule, impliquant une rédéfinition du contenu éditorial. Une formule hebdomadaire était à l’étude. « Une nouvelle souscription avait été lancée l’été dernier, mais malheureusement seulement 15 000 euros ont été récoltés. Il en aurait fallu 80 000 euros, indique Isabelle Vitté, journaliste à l’Echo Dordogne depuis 1998 et responsable de l’agence depuis quelques mois. Elle poursuit : « Depuis mardi 29 octobre, où nous avons appris à la fois l’annulation du rendez vous concernant la nouvelle formule, et l’audience au tribunal, nous n’avions plus beaucoup d’espoir. Ce fut d’une grande violence pour l’équipe. » Depuis l’annonce probable de cette disparition, les réactions de politiques, de tous bords, de militants associatifs, d’anciens collaborateurs, correspondants, fusent des cinq départements. Le numéro du 6 novembre en est le reflet.
Un relais sans faille des luttes sociales
Dans le paysage de la presse française, l’Echo faisait partie des exceptions car c’est l’ un des derniers quotidien régional d’opinion, ancré à gauche et dans son territoire. « Notre ADN, comme le confirme Isabelle Vitté, c’était d’être un relais sans faille des combats pour la défense des services publics, des acquis sociaux. Notre rôle était de mettre en lumière les inégalités, sous toutes ses formes, les luttes sociales. Nous donnions une tonalité différente, non formatée, nous étions le porte parole de ceux qui sont en souffrance.. » Isabelle Vitté cite quelques exemples de dossiers chauds les GM&S à la Souterraine, les papeteries de Condat (24), les établissements Gaye à Terrasson, la Poudrerie à Bergerac qui ont fait la Une.
Comme le souligne le club de la presse du Périgord dans un communiqué : « La disparition d’un journal est une mauvaise nouvelle, tant pour les professionnels de la presse que pour les citoyens, qui perdent ainsi un peu du pluralisme de l’information nécessaire au bon fonctionnement d’une démocratie. » La décision du tribunal de Commerce de Limoges sera connue après demain, soit le 8 novembre, avec l’espoir très faible d’une renaissance.