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L'ÉDITO

 par Cyrille Pitois Cyrille Pitois
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02/02/2024

Les agriculteurs devenus enfin visibles?

Pendant une dizaine de jours, les agriculteurs ont réussi à capter l’attention des médias et donc à obtenir des avancées du gouvernement. La prime à celui qui gueule le plus fort a encore fonctionné. Renforçant ce constat récurrent que depuis les hautes sphères, les lambris des ministères et la tour d’ivoire de l’Elysée, on ne saurait pas les vérités du terrain, ni comprendre les demandes sans un coup de pression, voire une démonstration de force.

C’est évidemment faux. Il y a suffisamment de techniciens et de représentants de l’administration dans nos départements, des élus de terrain et bien des notes qui remontent des préfectures pour que ceux et celles qui sont aux commandes puissent comprendre les évolutions, anticiper les crises et désamorcer les tensions. Sauf que ça ne fonctionne pas. Parce que les agriculteurs sont des taiseux. Que leurs organisations représentatives sont trop globales au regard de la multiplicité des profils de ceux et celles qu’elles sont censées représenter. Donc il ne se passe rien tant que le dépit ne fait pas exploser la colère. Le gouvernement fait celui qui ne voit pas.

Quand on s’équipe d’une loi Egalim en 2021, pour rééquilibrer les rapports de force entre producteurs, transformateurs et grande distribution, on se rend compte en 2023 qu’il manque des décrets pour la faire appliquer et en 2024 qu’il faudrait des contrôleurs pour la faire respecter. Quel mépris pour les acteurs de la filière.

Pendant les pandémies Covid 19, on a bien su révéler au grand jour, et même rendre hommage par des salves d’applaudissement aux personnels dits essentiels, soignants, agents des services publics, commerces alimentaires, etc. Ces invisibles qui sont indispensables à la marche minimale de nos sociétés modernes.

En 2024, on découvrirait un monde paysan qui nous nourrit en dépit des trop maigres revenus qu’il en tire ? Les invisibles ne le sont qu’aux yeux de ceux qui ne veulent pas les voir. Au vingtième siècle, chacun avait un grand-parent, un oncle ou un proche qui vivait de l’agriculture ou au moins en prise directe avec le monde rural. Au fil des générations ce lien s’est considérablement effrité, sous l’effet croisé de l’urbanisation galopante et de l’effondrement des effectifs de la population agricole (2,3 millions d’exploitants agricoles en 1955 en France métropolitaine contre 380 000 en 2020). Le monde agricole a perdu de son incarnation dans nos vies quotidiennes. Pas de son importance dans nos assiettes.

Les subsides de la politique agricole commune laborieusement négociée à Bruxelles soutiennent cette production alimentaire. Mais il est aussi de la responsabilité de chaque citoyen de faire sa part de colibri pour favoriser le circuit court, la démarche qualité, la défense d’une nature qui nous est précieuse.

Depuis 1981, une loi impose aux éditeurs et aux importateurs de livres de fixer un prix de vente au public pour garantir l’égalité d'accès à la lecture sur tout le territoire. Pourquoi ne pas envisager des mesures comparables pour certains produits essentiels avec un prix minimum pour le litre de lait ou le kilo de poulet ?

Trop dirigiste ? Anti-libéral ? Non conforme aux règles du libre échange ? Au moment où certains rentrent dans leurs fermes après avoir tenu courageusement des barrages et sans beaucoup plus de perspectives de survie qu’une semaine plus tôt, il y a plus qu'urgence à bousculer certaines lignes.

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