Ce malaise agricole, poudrière de nos campagnes


Les Rencontres de l’économie agricole sont un rendez-vous annuel de prospective agricole organisé par la Chambre d’agriculture 64. Avec au coeur des interventions cette année, l’élevage. Mais l’actualité agricole est venue télescoper ce programme.

Tracteur de manifestation agricoleSolène MÉRIC | Aqui

De nombreux jeunes agriculteurs mobilisés dans les manifestations sont venus en tracteurs assister aux Rencontres de l'économie agricoles 64.

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 26/01/2024 PAR Solène MÉRIC

Il a bel et bien été question d’élevage, jeudi matin à Montardon. Mais aussi de la mobilisation agricole en cours. Cent trente Jeunes agriculteurs venus avec une quarantaine de tracteurs espéraient trouver là quelques élus avec qui échanger autour des enjeux et perspectives de l’agriculture locale et nationale.

Les élus n’ont que le courage de fuir

Désillusion. Aucun élu, ni européen, ni national, ni régional n’était de la partie. Trois niveaux politiques pourtant plus qu’impliqués dans les orientations et dans la mise en oeuvre de ces politiques. Coincïdence ? Peut-être, mais l’évènement était prévu « depuis 3 mois, bien avant les mobilisations actuelles » précise l’organisateur Pierre Moureu, président du Comité d’orientation économie de la Chambre d’agriculture 64. C’est donc plutôt « une épidémie de peur des élus » qu’ont volontiers pointée du doigt les participants à cette matinée.

« Aujourd’hui, il y a mobilisation agricole car on est dans la trahison, on subit des décisions politiques qui ont été validées par les élus. On aurait aimé qu’ils soient là pour assumer et expliquer ces choix. Ils n’ont que le courage de fuir », intervient dans la salle un jeune agriculteur désabusé, porte-voix de l’ensemble de ses collègues.

« Réarmer » l’agriculture et protéger les territoires

Maryvonne Lagaronne, vice-présidente de la chambre d’agriculture en charge de la filière bovine, le confirme, « si l’évènement du jour était prévu depuis longtemps, il y a aussi une réalité actuelle qu’il faut arriver à apaiser ». Au-delà de l’actualité du moment, elle regrette globalement que « lors de ces temps de réflexions sur l’avenir de l’agriculture, le politique disparaît chaque année un peu plus ». Pourtant, selon elle,  « on ne peut pas faire des politiques économiques déconnectées du sol. L’agriculture, ce sont des investissements en capital, c’est un tissu social. Un éleveur, c’est 7 emplois indirects… On a besoin de réinvestissement des politiques sur les territoires pour « réarmer » l’agriculture et protéger nos territoires ».

Pourtant, il y avait bien des élus dans l’amphithéâtre du lycée agricole de Montardon jeudi matin. Bousculant le programme de la matinée, des maires et deux élus départementaux, sont montés sur scène pour répondre à la demande d’échange de la salle. Chacun a exprimé soutien et compréhension au mouvement agricole en cours.

Pour répondre à la demande d' »échange concret » avec des élus, les maires et conseillers départementaux du département sont montés sur la scène pour donner leur regard et leur analyse sur les réalités agricoles aujourd’hui.

Alain Sanz, maire de Rébénacq, président de l’association des maires de Nouvelle-Aquitaine le confie volontiers : « Il m’arrive d’avoir parfois très peur pour certains agriculteurs, quand je viens en soutien, le soir ou la nuit ». Thierry Carrère, déléguée à l’agriculture au Conseil départemental, également maire de Buros, témoigne aussi de sa « grosse inquiétude » sur l’agriculture et l’économie rurale qui va avec. « Dans mon village, il y avait 23 agriculteurs, je n’ai plus que trois sièges d’entreprises agricoles pour lesquels je ne vois pas de succession… que vont devenir ces espaces ? »

Pourtant, guidée par la colère, la question revient comme un boomerang de la salle : « vous dites que vous nous comprenez, mais que faites-vous vraiment pour nous aider ? Vous faites quoi à part vous faire prendre pour des cons par les élus au dessus de vous ?» Un flagrant délit du quotidien de ces élus ruraux, punching ball de première ligne de toutes les tensions de la société, y compris agricole.

Je refuse que mon mandat de maire puisse être vu comme un mandat épouvantail ! Il faut garder espoir, et croire à la rencontre des énergies humaines sur le territoire pour repenser des modèles économiques.

De quoi déplaire à ces maires de villages, dont certains sont agriculteurs eux-même. « Bien sûr que nous agissons à la hauteur de nos moyens!  Dans mon rôle de représentant des maires de la région, j’alerte le ministère de l’agriculture à Paris, je me confronte aux administrations en région, à la DREAL, qui représente le ministère de l’environnement, avec qui je me bats en ce moment même ! », s’agace Alain Sanz.

Autre réaction, de Jean-Claude Coste, maire d’Ance-Féas. « Nous sommes dans l’action. Chez moi, nous mettons en place un projet d’unité de transformation, c’est un investissement d’1,6 M€. Nous allons avoir besoin de producteurs. On sait que s’il n’y a plus d’agriculteurs, nous pouvons fermer nos écoles. Je refuse que mon mandat de maire puisse être vu comme un mandat épouvantail ! Il faut garder espoir, et croire à la rencontre des énergies humaines sur le territoire pour repenser des modèles économiques ». 

Des appels à ne pas se diviser

Se rassembler à l’échelle locale, trouver de nouvelles synergies et, surtout, ne pas créer de scission dans le mariage du monde agricole et rural, si dépendants l’un de l’autre, voici les appels qui auront finalement été lancés de part et d’autre. Mais la nécessité « de ne pas se tromper d’ennemi », souligne une forme de mal être généralisé de ces territoires qui se disent volontiers un peu oubliés.

Du côté du Département aussi la salle n’est pas tendre avec son délégué à l’agriculture plaidant pour sa part un budget de 4M€ maintenu cette année, dans un contexte où la collectivité départementale diminue son budget global de 80M€ pour 2024. « Depuis la loi NotRe le Département n’a plus la compétence agricole, seule la Région l’a. Nous pouvons y mettre un pied, grâce à une convention avec la Région sur une entrée qui est principalement d’ordre social », explique Thierry Carrère.

Une Région qui aura décidément bien manqué dans les échanges du jour. Des nouvelles aides à l’installation jusqu’à la feuille de route Néo terra, à la fois totem et objectif de la transition écologique et environnementale de la Nouvelle-Aquitaine, sans oublier le développement économique et l’aménagement du territoire ou bien les lycées agricoles, indispensables atouts des stratégies de réarmement démographique de la profession, la Région apparaît partout. Toutes les réponses aux nombreux sujets portés par le public n’auraient peut être pas été appréciées mais au moins les questions n’auraient pas eu pour seul écho le silence.

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