« Il faut que les agriculteurs aient gain de cause »


Malgré les annonces de Gabriel Attal hier, Aqui continue à tendre le micro à des acteurs impliqués mais pas forcément très visibles du monde agricole. Pour le directeur de Limousin Promotion l'accumulation des contraintes n'était plus tenable.

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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 02/02/2024 PAR Corinne Merigaud

Jean-Marc Escure est le directeur de Limousin Promotion, l’association qui valorise les viandes limousines sous label. Comme nombre d’observateurs agricoles, la crise selon lui, couvait dans les campagnes depuis bien longtemps.

NOTA: Cette interview a été réalisée la veille des annonces de Gabriel Attal du 1er février.

@qui! : Aviez-vous senti monter ce malaise des agriculteurs ?
Jean-Marc Escure : Ce mouvement n’est pas surprenant, on se demande même pourquoi il n’est pas venu avant. Il y a un ras le bol des producteurs que l’on ressent depuis longtemps chez certains. Ils étaient habitués à faire avec, pas nécessairement à réagir, c’est ce qui surprend aujourd’hui. Si on veut sauver notre agriculture et la qualité des produits, ce mouvement est indispensable. Il faut que les consommateurs en prennent conscience. Les éleveurs et les agriculteurs sont tous d’accord, même s’ils n’ont pas les mêmes problématiques. Ils manifestent tous en disant qu’ils veulent toucher les aides tout en demandant qu’on arrête d’ajouter des normes et contraintes à la production française. Il y a longtemps qu’ils auraient dû le faire sachant les difficultés qu’ils ont à tirer un revenu décent. On peut comprendre cette situation.

@! : Comment faire pour que leur situation change ?
J.-M. E. : Si on veut faire avancer les positions sur la qualité de la production française et si on veut la conserver demain, il faut que cela aille assez loin afin que les consommateurs en prennent conscience. Certes, le gouvernement prend un peu de haut la profession agricole, c’est assez déplorable, mais je martèle que c’est la conscience de chacun. Quand on est citoyen, on fait un choix et le premier de nos engagements, c’est celui d’acheteur. Les viticulteurs, les céréaliers, les maraîchers, les arboriculteurs et les éleveurs veulent vivre de leur métier.

@qui! : Certains secteurs sont-ils plus impactés ?
J.-M. E. : Les pomiculteurs du Limousin arrachent des arbres, les viticulteurs du Bordelais font pareil. Des maraîchers ne savent plus comment produire ou ils produisent trop et arrêtent comme en Bretagne ne sachant plus valoriser leur production. Les producteurs de cerises et de fruits ne peuvent plus traiter certaines maladies car des produits sont interdits en France et ça vient allègrement d’Espagne.

@qui! : Le mouvement peut-il durer ?
J.-M. E. : Je ne sais pas jusqu’où cela peut aller, ils sont très remontés et ont la capacité à bloquer. Ils ont l’habitude de vivre de pas grand chose, ils sont organisés sur leurs exploitations pour s’occuper des animaux. Ce n’est pas une période de grands travaux. Je ne vois pas ce qui pourrait débloquer s’ils n’ont pas de garanties et d’engagements. Il faut qu’ils aient gain de cause sinon ils vont arrêter de produire. Il y a déjà une baisse énorme du nombre d’agriculteurs et de la production.

@qui! : Les annonces du Premier Ministre (en date du 26 et 30 janvier) vous semblent-elles suffisantes ?
J.-M. E. : On dit qu’on va inscrire la souveraineté alimentaire dans la loi. Le ministère de l‘agriculture a changé de nom il y a 3 ans, en ajoutant la souveraineté alimentaire, c’est presque passé inaperçu. On perd de l’autonomie en France sur de nombreuses productions. Aujourd’hui, c’est l’élevage, demain ce sera les céréales et certains fruits parce que ce n’est pas possible de les produire en France à cause des contraintes. Les producteurs de noix, par exemple, n’arrivaient pas à vendre l’an dernier. Des noix importées rentraient car elles étaient moins cher. Cette année, ils n’ont pas guère vendu plus et ils ont eu la maladie faute de produits de remplacement pour traiter. On laisse la place à des noix des Etats-Unis, d’Amérique du sud et de Chine. Il faudrait interdire certains produits importés qui ne répondent pas à la sécurité alimentaire.

@qui! : Certains agriculteurs voudraient se passer de la PAC, qu’en pensez-vous ?
J.-M. E. : On peut critiquer la situation mais la PAC existe et permet de compenser un différentiel de prix, les Français peuvent ainsi acheter moins cher. Les aides ne rentrent pas ou en décalé ce qui est anormal. Tous les ans, des aides importantes arrivaient à 70 % en octobre et le reste en janvier. Cette année, 30 % sont arrivés fin novembre, début décembre et en janvier, on leur en a redonné pour arriver à 70 %. Il manque toujours de la trésorerie. Quelle entreprise accepterait un règlement à 2 ou 3 mois ? Malgré ces aides, il faut que le travail des agriculteurs soit rémunérateur.

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