« Nous l’avons constaté au printemps dernier, suite aux conséquences des intempéries sur les cultures et la vigne : très peu de producteurs sont assurés », s’alarme encore le président de la Chambre d’agriculture Luc Servant. Une enquête post-dégâts menée par la Chambre auprès de ses adhérents sinistrés et de plusieurs assureurs a démontré que seules 40 à 45% des exploitations ayant déjà été sinistrées par des intempéries étaient assurées en 2018, « et on tombe à 20% en comptant les exploitations ayant été touchées pour la première fois », poursuit Luc Servant. Et ce malgré une communication renforcée de la part de la Chambre depuis 2013, après un épisode de fortes intempéries ayant eu des conséquences catastrophiques sur les récoltes. Si les 9 coopératives de l’Entente céréalière ont depuis fait en sorte de proposer des contrats d’assurance négociées par groupements pour la grêle, tous les agriculteurs n’ont pas fait la démarche. « N’ayant jamais été touchés, certains font le pari que cela ne leur arrivera jamais », se désole Luc Servant.
Ne plus compter sur les aides institutionnelles
Résultat : certains agriculteurs ont tout perdu ou presque au printemps 2018. Pour éviter ce genre de déconvenues à l’avenir, la Chambre et la préfecture ont décidé d’insister sur la prévention. Les deux institutions avaient donc convié banques et assurances pour pouvoir porter à la connaissance des exploitants les différents dispositifs existants. « Souvent, les exploitants ne s’assurent pas simplement par méconnaissance, ou alors parce qu’ils partent du principe que ça va être cher mais il existe par exemple une assurance contre la grêle à 10€/hectare », explique Luc Servant. Une broutille rapportée à la perte que peut représenter la perte totale d’une récolte. Même les aides européennes en cas de « calamités agricoles » ont leur limite. « Il faut déposer un dossier, c’est long et lourd à mettre en place, les sommes arrivent longtemps après et elles représentent en général un tiers maximum de la perte », rappelle Luc Servant. Pas de quoi sauver une exploitation de la faillite. Pour ne pas avoir l’impression de mettre un pansement sur une jambe de bois, le Département de Charente-Martime a décidé de mettre ses aides agricoles liées aux intempéries sous condition : « les sinistrés qui peuvent y prétendre devront souscrire obligatoirement à une assurance », prévient la vice-présidente en charge de l’agriculture Françoise de Roffignac. Le Département a voté en juin une enveloppe de 100 000 € pour les sinistrés, qui viendra en complément d’une aide bientôt votée par la Région.
La Chambre attend également beaucoup d’un projet de création d’une épargne de précaution simplifiée pour le monde agricole. Actuellement en débat au Sénat dans le cadre de la Loi de finances, ce type de compte bancaire qui existe déjà permettrait de bloquer de l’argent sur un livret dédié et de s’en servir en cas de coup dur. Cette version « simplifiée » permettrait de défiscaliser la somme déposée, jusqu’à 100 000 €. Elle devrait également faciliter la modulation des remboursements d’emprunts.
Repenser la production et l’aménagement du territoire
Au-delà des assurances, il existe différents moyens de se prémunir contre les intempéries. « Pour commencer, il faut diversifier ses cultures, jouer sur les différents types de productions », explique Luc Servant, citant en exemple l’irrigation comme une des solutions d’anticipation de la sécheresse, ou de constitution de réserves de stockage. Et il y a urgence à trouver des solutions contre la sécheresse : « sur les 1 à 3 milliards de pertes globales annuelles en France, 150 millions sont liées à la sécheresse », note Luc Servant.
Quant aux orages entrainant inondations et coulées de boue comme le sud Charente-Maritime en a connues à la fin du printemps, « il faut repenser l’aménagement du territoire », admet Françoise de Roffignac. Planter des haies pourrait faire partie des solutions pour drainer l’eau et stabiliser les sols.
Concernant la grêle, dont les épisodes sont de plus en plus fréquents et violents, la meilleure solution semble pour l’instant d’augmenter le nombre de canons anti-grêle. La Charente-Maritime en compte 50, servant également à protéger une partie des cultures proches de Gironde et de Charente, et inversement. L’association en charge de la gestion des canons, l’Association Départementale d’Étude et de Lutte contre les Fléaux Atmosphériques (Adelfa), en prévoit 13 supplémentaires en Charente-Maritime, 1 en Charente et 4 en Gironde, soit 18 nouvelles pour protéger les champs du territoire. Budget à prévoir : 30 000 € apportés par la Région et l’Union Générale des Viticulteurs pour l’AOC Cognac (UGVC) pour l’installation. Et 50 000 euros annuels pour assurer leur fonctionnement, financés par la Région, le Département 17, le Crédit Agricole et les communes concernées, en fonction du nombre d’habitants et de la surface de cultures.