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L'ÉDITO

 par Cyrille Pitois Cyrille Pitois
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03/11/2023

Se protéger contre le cyber « viol »

C’est l’histoire d’un homme d’une soixantaine d’années, pourtant éduqué et informé, qui n’est pas assez méfiant d’une première prise de contact bien tournée sur un réseau social et qui se fait piéger en quelques clics. Il raconte sa vie et dévoile pas mal d’aspects de sa vie privée. Quelques posts plus tard, le ton change : son interlocuteur bienveillant se transforme en harceleur et le voilà embarqué dans un chantage qui le contraint à verser de l’argent à un inconnu, pour éviter de retrouver sa vie privée étalée sur les écrans de tout son réseau professionnel et personnel.

Comme il aurait confié ses états d’âme au zinc d’un bistrot, il a ouvert un peu trop largement le livre de sa vie et laissé un bidouilleur exotique mal intentionné s’en emparer à des fins crapuleuses. La puissance du web a fait le reste.

Notre homme s’en est sorti par quelques nuits d’insomnies, une plainte dans un commissariat, une écoute attentive de la part d'une unité de victimologie, la fermeture de ses réseaux sociaux et le changement de son 06. Son expérience de la vie lui a permis de surmonter cette agression sans agresseur connu et l’incite désormais à se méfier davantage. Quand il s’agit d’un ado en pleine construction, l’amputation et la convalescence peuvent s’avérer bien plus difficiles.

Le smartphone que la plupart d’entre nous sortons plusieurs dizaines de fois par jour de notre poche, est un formidable outil pour interagir avec le reste du monde, répondre à toutes nos curiosités, et découvrir les informations sur Aqui.fr et d’autres médias bien sourcés.

Mais cette fenêtre ouverte est aussi une large brèche, une vitrine impudique sur ce que nous sommes, ce que nous pensons, ce que nous aimons.

Notre comportement sur ces outils est analysé, compilé en data et passé au crible de l’intelligence artificielle, pour finalement nous renvoyer des messages hyper ciblés porteurs de propositions de consommation. Dans son épicerie de Landerneau, le père de Michel-Edouard Leclerc, alors apprenti sorcier de la grande distribution, ne parvenait même pas à rêver d’une telle machine de guerre du marketing qui décrypte la pensée du consommateur pour lui adresser ensuite la publicité qui va viser dans le mille de ses envies du moment. On a pulvérisé quelques années lumière depuis le prospectus déposé dans la boîte à lettres.

En nous rendant dépendants de leur utilisation quotidienne, les réseaux sociaux ont bâti un empire de la connaissance la plus fine du genre humain, sur lequel ils espèrent bien maintenant se rémunérer. Elon Musc et son X, ex Twitter, poussent encore le bouchon avec une politique de péages. Pour accéder aux informations que nous avons nous-mêmes collectivement déposés sur cette plateforme, il faut désormais payer, du moins en Nouvelle Zélande et aux Philippines (1 dollar par an pour les nouveaux utilisateurs). C’est officiellement un test pour l’instant, mais le hold-up sent bon la préméditation : vendre un accès aux contenus déposés gratuitement par d’autres. Pour l’instant les abonnés payants échapperaient aux coupures pub, en échange de cette contribution financière. Mais qui sait combien de temps durera ce privilège ?

Les réseaux sociaux, icônes du web 2, celui qui permet d’interagir sur la toile par des achats ou des échanges dits sociaux, est déjà une mine pour tous les petits arnaqueurs et un levier démultiplicateur à toutes les formes de harcèlements et autres chantages. Le web3 frappe déjà au hublot de nos écrans en ouvrant des perspectives décuplées aux domaines de la science, de la médecine ou de l’art. Mais les pervers suivent aussi le développement de ces innovations. Le mouvement ne s’arrêtera pas de sitôt.

Avec ses marges de progrès exponentiels, inutile de chercher à arrêter le bolide. Il ne reste qu’à se prémunir et s’équiper contre les intrusions et agressions mises au point par les bandits de la toile. L’éducation et la formation aux bons comportements contre les cyber « viols » ne peuvent attendre. Le harcèlement et le chantage ne datent pas d’hier. Mais les dégâts causés par la dimension universelle que leur donnent le web sont trop lourds de conséquences pour les victimes.

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