Un puzzle foncier pour lutter contre la tuberculose bovine


Face à la tuberculose bovine, il existe des plans de lutte et des protocoles de biosécurité. Un combat difficile, qui encourage les acteurs impliqués à tester de nouveaux dispositifs et à élargir aux partenaires du foncier.

Deux vaches se touchent le museau au dessus d'une clôture abiméeOlive Titus

C'est afin d'éviter les contacts entre animaux de différents troupeaux, qu'une expérimentation de restructuration foncière en complément de mesures de biosécurité, a été menée en Dordogne. Objectif: que les vaches ne se fassent plus la bise au dessus d'une clôture électrique le soir venu

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 19/04/2023 PAR Solène MÉRIC

Sylvie Chevallier, Conseillère départementale de la Dordogne témoigne : « Avec la tuberculose bovine qui nous frappe, ce sont de véritables drames qui sont vécus dans le département ». La Nouvelle-Aquitaine porte en moyenne 80 % des foyers recensés chaque année au niveau national. Deux départements se démarquent : les Pyrénées-Atlantiques et la Dordogne. « Au sein des départements les plus touchées, il y a des micro-zones où plus de 50 % des troupeaux ont été contaminés les 5 dernières années », décrit Françoise Garapin, vétérinaire, chargée de mission tuberculose bovine au sein du service alimentation de la DRAAF Nouvelle-Aquitaine. Autrement dit des zones de circulation du bacille tuberculeux où les divers moyens de biosécurité peinent à faire reculer l’épidémie.

Les contacts entre troupeaux sont un des facteurs principaux de la transmission de la maladie. Or les zones les plus touchées ont souvent un parcellaire très imbriqué. Ce qui augmente le risque de transmission lors du déplacement d’un troupeau d’une parcelle à une autre, ou de contacts entre animaux de parcelles voisines. Regrouper les troupeaux pour amoindrir les risques de contacts, apparaît donc comme une piste complémentaire de lutte contre la maladie.

C’est une innovation car la Safer n’était encore jamais intervenue sur un aspect sanitaire

Afin de confirmer cette intuition, une étude d’opportunité foncière a été réalisée par la Safer en 2021 sur une des micro-zones identifiées par la Draaf, autour des communes de Saint-Sault-la-Coussière, Saint-Martin-de-Fressengeas et Saint-Jory-de-Chalais, au Nord de la Dordogne.
« L’intérêt de proposer une animation foncière visant à mener des restructurations amiables pour lutter contre la tuberculose bovine, a été confirmé par l’enquête, puis validé par nos partenaires », se rappelle Nathalie Perelle coordinatrice de la mission. « Une réelle innovation car la Safer n’était encore jamais intervenue sur un aspect sanitaire ». Une animation à 100 000 € financée par l’État (35 000 €), la Région et le Département (22 500 € chacun) et la Safer NA (20 000€).

A compter de l’été 2022, le conseiller foncier sur place n’a pas chômé. « Je suis allé à la rencontre des 47 exploitants de la zone, pour recenser les échanges qu’ils considéraient comme possible », explique Alain Brun. Désigné comme interlocuteur unique sur le sujet de la biosécurité autour de la tuberculose bovine, les éleveurs lui ont remonté leurs attentes : « des points de contact existants, la mise en sécurité des abreuvements, ou à l’inverse l’absence de point d’eau selon les échanges qui pouvaient être imaginés, le souhait d’implanter une haie entre deux parcelles… » Des éléments qu’il a fait suivre à la Chambre d’agriculture en vue de trouver des subventions pour leur mise en place.


Trois types d’échanges amiables

Après ces discussions, 34 exploitants étaient prêts à de potentiels échanges. Mais sur ce territoire globalement morcelé, sont présents à la fois des exploitants propriétaires de leur foncier et de nombreux propriétaires bailleurs. « Sur des îlots d’un hectare on peut parfois trouver deux à trois propriétaires », souligne-t-il. De quoi compliquer sa tâche de médiateur.

Au total, trois types d’échanges ont été proposés. Premièrement, des échanges de parcelles entre propriétaires exploitants ; « le plus simple, car il y a moins d’interlocuteurs et ils connaissent les risques ». Deuxième proposition : des échanges de parcelles en location. Le propriétaire change de fermier, « par la résiliation d’un bail et la conclusion d’un nouveau bail avec un autre fermier ». Enfin, pour les propriétaires refusant de changer de fermier, des échanges de cultures. Le bail demeure en l’état, mais avec l’accord du propriétaire, le terrain est mis à disposition d’un autre exploitant. « À chaque fois, souligne Alain Brun, l’objectif était de rassembler les parcelles en favorisant les séparations entre les cheptels par des chemins ou des routes, et non plus un simple fil électrique ».

Une démarche au plus près du terrain qui a suscité l’enthousiasme des partenaires et qui en explique, selon eux, un succès « plus important que ce que les chiffres pourraient laisser paraître ». Au final, « 9 exploitants et 19 comptes de propriété ont par leurs échanges, permis de restructurer 29 ha de parcelles. C’est 400 m de fil à fil supprimés », synthétise Nathalie Perelle. Les principaux freins : le sentiment d’inéquité dans certains échanges ou le refus des propriétaires de changer de fermiers.

Une dynamique est créée et des choses continueront à se faire! 

Alain Brun, qui a accompagné les réussites jusque devant le notaire, est plein d’espoir. « On a suscité des évolutions dans la tête des gens sur la question sanitaire. Une dynamique est créée et des choses continueront à se faire! ». L’humain au centre, la démarche amiable et le lancement d’une dynamique, voilà les points forts mis en avant par les partenaires. S’ajoute aussi, insiste Françoise Garapin « l’intérêt technique du dispositif, en complément évidemment des autres mesures de biosécurité ».

1 M€ pour des investissements en biosécurité

Un sentiment d’efficacité partagé par la Région Nouvelle-Aquitaine qui a associé la Safer dans le lancement de diagnostics de biosécurité, auprès de 200 agriculteurs de 26 communes, en partenariat avec les GDS. « Il s’agit de perpétrer cette dynamique autour du foncier », indique Nathalie Perelle. Une enveloppe globale de 250 000 € à laquelle la Région contribue à hauteur de 200 000 €. Si l’on peut parfois regretter que les études soient plus facilement financées que les mesures concrètes qui devraient en découler, les collaborateurs d’Alain Rousset à la Région annoncent que les élus régionaux auront, le 9 mai, à se prononcer sur l’élargissement de ces diagnostics de biosécurité à la Haute-Vienne, aux Landes et aux Pyrénées-Atlantiques, complétés d’un accompagnement à des investissements en biosécurité pour 1 M€ . « Y compris des échanges de parcelles qui ne seraient pas forcément agro-équivalentes », précise la Région.

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