Edouard Bergeon, réalisateur qui filme l’amour des vaches


Pour réaliser "L'Amour vache", Edouard Bergeon a suivi un élevage béarnais frappé par la tuberculose bovine. Le cinéaste, fils de paysan lui-même, répond aux questions d'Aqui.fr sur cette aventure cinématographique au long cours et inédite.

L'éleveur béarnais, Bernard Dahetze (au premier plan) avec le réalisateur, Edouard Bergeon.© Bien Media

L'éleveur béarnais, Bernard Dahetze (au premier plan) avec le réalisateur, Edouard Bergeon.

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 03/03/2023 PAR Cyrille Pitois

Aqui! : Votre film « L’amour vache » est diffusé dimanche soir sur France5. Que retenez-vous de ces trois années de tournage ?

Édouard Bergeon : C’est rare de pouvoir diffuser un documentaire de ce format sur une chaine nationale. On peut trouver ce type de rencontres sur le réseau France3 en format plus court, mais ça ne dépasse pas les limites d’une région ou d’un territoire. C’est un tour d’horizon sur la vie rurale qui ne parle pas que d’agriculture. On y voit la vie à la ferme mais aussi les déplacements, la culture avec le théâtre des enfants, la grande distribution qui emploie Sylvie, la prise en charge du grand âge, les difficultés bien sûr, mais aussi des moments de bonheur, d’échanges au sein d’une famille ou avec des voisins. Sylvie, la mère touche le SMIC après 32 ans de grande distribution et se réjouit de gagner 180 euros de plus quand elle change de job, même si elle doit travailler le week-end. Ce documentaire montre tout ça. Et puis il y a Gisèle, la grand-mère pour qui j’ai une tendresse particulière. Elle porte le même prénom que ma grand-mère. Elle est témoin de toute cette histoire. Elle dit peu mais n’en pense pas moins.

Des vaches plutôt heureuses dans un pré, des vaches qui sont considérées, qui suivent leur destin.

@! : Il y a aussi cette relation très particulière avec des animaux d’élevage. C’est un sujet rare, un peu tabou même ?

E.B. : Le film montre l’amour des vaches, l’amour des éleveurs au moment d’un épisode très difficile de la vie d’un élevage. A l’heure où certains idéologues parisiens ne voudraient plus d’animaux, on découvre des vaches plutôt heureuses dans un pré, des vaches qui sont considérées, qui suivent leur destin. Bien sûr elles finissent toujours par être abattues. Mais ça n’exclut pas l’amour. Je suis fils d’agriculteur, ce qui m’a sans doute permis de comprendre ce temps long de l’élevage et de décoder la pudeur qui l’entoure.

© Bien Media

@! : Vous avez décidé de tourner ce film après un appel au secours de Sylvie. Vous vous doutiez de ce qui vous attendait ?

E.B. : Quand j’ai tourné Fils de la terre dans le Lot, il y a douze ans, j’ai passé 80 jours sur place. Donc le temps long ne me fait pas peur. Quand je commence, je sais à quoi m’attendre. Je ne sais pas ce que je vais en faire mais je mets le doigt dedans. Et ça peut aller loin: à la suite de mon film Au nom de la terre, j’ai accompagné la mission parlementaire sur le mal-être agricole et le suicide, qui est devenue un plan interministériel.

@! : Dans le documentaire, vous êtes d’ailleurs reçu par le ministre de l’époque, Julien Denormandie, qui semble touché par le sort de la famille Dahetze ?  

E.B. : Oui il est touché. C’était important pour moi d’aller au-delà de la chronique, d’interpeller un ministre comme d’interroger la vétérinaire du groupement de défense sanitaire (GDS) et de tenter d’apporter des réponses. Pour tourner un documentaire, il faut s’ancrer dans les bonnes raisons. Ici j’ai voulu remettre de l’humanité dans un process qui est monopolisé par l’administration et les banques.

Entre acheter des smartphones ou se nourrir avec de bons produits alimentaires d’ici, il faut choisir vers quel monde on préfère aller.   

@! : Et le point d’orgue c’est la rencontre entre les époux Dahetze et le Président de la République ?

E.B. : Pour la première fois, ils sont montés à Paris pour le Salon de l’agriculture. Ils étaient là samedi, en même temps qu’Emmanuel Macron. Ça s’est improvisé. Je suis content pour eux: leurs préoccupations ont pu être portées au plus haut niveau. Car l’Etat joue plusieurs rôles dans ce scénario. Aujourd’hui encore, la famille est imposée sur les indemnités perçues au titre du dédommagement. Sylvie a très bien expliqué les choses au Président. C’est bien que cette rencontre ait eu lieu, pour eux, mais surtout pour tous les autres. Aujourd’hui je reçois des centaines de messages d’agriculteurs désespérés. Je ne peux même plus tous les lire et y répondre. Ça me rend triste.  

@! : Avec ce film, vous avez le sentiment d’avoir fait œuvre utile ?

E.B. : Je n’ai pas besoin de ça pour me sentir utile (Rires). Je suis un homme libre et heureux et je fais plein de choses qui m’éclatent. Mais ce que j’ai compris c’est qu’il y a beaucoup à faire au niveau éducatif sur l’agriculture, un métier essentiel s’il en est, qui touche à l’alimentation, à l’eau, au goût… L’avenir est sur la terre. Il y a une différence entre faire des discours sur le sujet et y aller chaque jour. Si ça peut nous faire réfléchir sur nos modes de consommation, tant mieux. Quand c’est fait, mal fait, loin d’ici et pour pas cher, il faut s’inquiéter. Soit on continue de se fournir comme ça, soit on préserve nos producteurs. Entre acheter des smartphones ou se nourrir avec de bons produits alimentaires d’ici, il faut choisir vers quel monde on préfère aller.

Infos pratiques !

L’amour Vache, documentaire réalisé par Edouard Bergeon, réalisateur du film aux deux millions d’entrées: Au nom de la terre, (2019). Il a suivi, pendant près de trois ans, un couple d’éleveurs à Ozenx-Montestrucq dans le Béarn. 

Diffusion dimanche 5 mars, à 20 h 55 sur France 5 dans Le monde en face présenté par Mélanie Taravant. Disponible sur la plateforme France TV  jusqu’au 12 juillet.

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