« Régions : faut-il tout changer? » le débat s’invite à La Rochelle


Anne-Lise Durif

"Régions : faut-il tout changer?" le débat s'invite à La Rochelle

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 12/02/2017 PAR Anne-Lise Durif

Certes, le débat n’aura rien changé concrètement, mais aura permis de soulever les contradictions d’une réforme qui laisse perplexe aussi bien la population que les élus locaux, comme l’a souligné Jean-François Kahn. « Les gens n’y comprennent rien, à cette réforme. Allez leur demander s’ils savent la différence entre un Pays, une métropole, une intercommunalité, un EPCI… On n’avait rien changé pendant près de deux siècles, et en vingt ans, on a tout chamboulé. Il faudrait qu’on réunisse un consortium avec des gens simples, pour voir s’ils ont en compris le sens, puis voter un texte interdisant de changer la réforme pendant 50 ans, le temps de pouvoir la mettre en place et de voir si ça marche. […] Parce que, pour les trois dernières, on avait à peine eu le temps de comprendre qu’il fallait déjà tout changer.»

Un appel à la stabilisation que souhaite également Dominique Bussereau : « L’Etat a eu raison de changer : 13 régions, c’est mieux que 22, mais […] aujourd’hui, je pense qu’il faut une pause dans tout ça : laisser aux communes le temps de se rassembler, les départements de retrouver leur vie, les régions de s’organiser… Et peut-être que demain on pourra réfléchir à une organisation territoriale. […] Ca n’a pas été très bien fait, mais il faut maintenant travailler avec les lois actuelles. »

Les zones rurales grandes perdantes

Mais pour la sénatrice de l’Orne Nathalie Goulet et l’universitaire Sylvie Brunel, les conséquences de cette réforme vont avant tout peser sur les épaules des élus locaux, qui devront assumer la disparition de certains services territoriaux ou les prendre en charge, sans en avoir forcément les moyens. « Encore une fois, on a pris les choses à l’envers : on a regroupé d’abord, et ensuite on s’est dit, qu’est-ce qu’on fait des services ? », estime la sénatrice normande. « Ce qui compte dans la réforme des collectivités, ce n’est est pas comment on distribue les vice-présidences, mais quel service on apporte au citoyen. En renvoyant aux collectivités locales l’administration territoriale, on a paupérisé cette dernière, le tout sans service ajouté […] au détriment des populations. Je crains que tout ce découpage non accompagné n’entraîne à terme une démobilisation des élus et ne mette en grande difficulté les populations, en particulier les zones rurales. Je ne suis pas très optimiste pour la suite, sauf si, et après évaluation, on arrive à mettre en place entre les régions, les départements et les collectivités, voire l’Etat, des fonds de concours adaptés au territoire en fonction des besoins, pour combler les services qui auront disparu. » 

Pour elles, les territoires ruraux, et en particulier les agriculteurs, sont les grands oubliés de cette dernière réforme. « Le monde rural se trouve écartelé entre la Région, qui est le chef de file du développement durable et de l’aménagement, et la commune qui aménage l’espace. La loi de 2014 sur l’avenir et la réglementation de l’agriculture et des forêts est censée mettre en place des programmes régionaux de développement agricoles, mais on se rend compte que les campagnes sont de moins en moins perçues comme des espaces de production, mais de « péri-urbanisation », de loisirs ou de protection de l’environnement […] avec un millefeuille de statuts, de Natura 2000 à Espace Naturel Sensible, et dans ce contexte, produire, transmettre et trouver du foncier, pour les agriculteurs, est de plus en plus compliqué.»

Retrouver du sens collectif

Pour le journaliste Périco Légasse, c’est carrément le découpage, « réalisé sur un coin de table », des nouvelles régions, qui pêche. « Nous avons aujourd’hui une carte de territoires qui ne correspond plus aux attentes de ce pays, ni sociologiques, ni culturelles, ni dans ses ambitions internationales […] Il fallait en effet réduire le nombre de régions pour s’imposer face à celles des pays européens. Mais Paris s’est comporté avec nos régions comme un colon avec un peuple qui vient d’être conquis : sans consultation, avec des aberrations totales. Les élus du gouvernement en place se sont découpé ça en une carte électorale et pas du tout en vue d’une réforme territoriale. Il ne faut pas oublier que le dernier découpage des régions datait de 1941, par le gouvernement Pétain, et qu’il avait été en fait en vue des préoccupations nourricières durant l’Occupation, et reconstituait les provinces royales historiques. Mettre la Bourgogne avec la Franche-Comté a un sens historique, mettre le Limousin avec l’Aquitaine, alors qu’il est historiquement et géographiquement tourné vers l’Auvergne, c’est une aberration. […] Or, s’il y a bien un pays au monde où la territorialité constitue une identité, c’est la France. Les gens se sentent français parce qu’ils sont d’abord Bourguignon, Auvergnat ou Breton.»

Pour l’ancien ministre Delevoye, les nouvelles régions peuvent être une bonne chose, à condition d’être porteur de projets de territoires, à la fois pour fédérer les habitants et pour s’imposer à l’échelle mondiale. « Le développement du numérique et la mondialisation sont en train d’effacer les frontières, de la circulation des données, de l’argent, etc. Plus on tendra vers cette disparition, plus on aura besoin de frontières d’identité et de proximité. Un projet territorial de proximité permettra de retrouver le sens du collectif et de la citoyenneté. […] Sans vision, pas de projet, et sans projet, pas de mobilisation, et donc on deviendrait une communauté sans dessein, mais d’intérêts, où l’on se déchirerait autour des intérêts. »

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