Les artisans Périgourdins s’expriment dans le grand débat national


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Les artisans Périgourdins s'expriment dans le grand débat national

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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 20/01/2019 PAR Claude-Hélène Yvard

Un peu plus de trois heures de discussions  riches et parfois animées mais courtoises. Une cinquantaine d’artisans, conjointes, chefs d’entreprises ont participé au débat organisé un dimanche après-midi, par la Chambre de métiers et de l’artisanat de la Dordogne au pole interconsulaire de Coulounieix Chamiers. « Le grand débat proposé par le président de la république, il  faut y voir une opportunité de faire entendre la voix des artisans. Bien souvent, nous sommes les grands oubliés, alors que la réalité, c’est que nous sommes le premier secteur créateur d’emplois, le premier secteur économique pour la formation. Nous avons fait le choix qu’il n’y ait pas de député dans la salle, mais nous ferons remonter aux parlementaires les préoccupations qui émergeront de ce débat et quelques idées fortes, précise Didier Gouraud, président de la chambre de métiers et de l’artisanat de la Dordogne, organisatrice de cette rencontre, assez inédite en Nouvelle-Aquitaine. A Limoges, une organisation professionnelle a choisi de s’emparer du débat et le réseau des chambres de métiers diffuse aussi un questionnaire à remplir en ligne. L’initiative est intéressante dans un contexte où certains artisans se revendiquent gilets jaunes, ne parvenant pas à vivre correctement et d’autres en sont plutôt les victimes.
Lors de cette rencontre, cinq thématiques ont été abordées  : la place de l’artisanat dans la société, L’emploi, la formation, l’apprentissage dans les entreprises artisanales, Les relations avec l’Etat et les administrations (normes et fiscalité), la transition écologique (atouts, freins, opportunités), aides et financement des entreprises.  Et les artisans présents dans l’assistance parfois venues de loin, ont fait entendre leur voix. Le premier sentiment qui prédomine, chez beaucoup est l’isolement du chef d’entreprise comme cet artisan, proche de la Corrèze, qui se sent éloigné des services publics  et notamment de ceux de la Chambre de métiers.

La question du statut

Beaucoup avouent ne pas vivre correctement, pour un salaire bien en dessous du SMIC horaire, avec aujourd’hui la crainte de ne plus pouvoir céder son entreprise. Plus que les charges élevées, c’est la paperasserie que dénoncent beaucoup d’artisans : je passe plus de temps à faire de l’administratif que mon métier. Les témoignages témoignent d’une forme de précarité.  La discussion s’oriente vers la prime d’activité :beaucoup pensent ne pas y avoir droit. Une jeune femme conseille d’aller à la CAF avec son bilan. Le sentiment d’être les grands oubliés de la société domine. Certains secteurs, notamment la boulangerie sont en grande difficulté, notamment en raison du développement des supermarchés, ou de grandes chaines, qui ne respectent pas « le jour sans pain ». 

Plusieurs couturières évoquent leur métier en voie de disparition et le risque de perte de savoir-faire, lorsque les centres de formations sont très éloignés des entreprises locales. Plusieurs intervenants évoquent les outils numériques qui peuvent se révéler d’excellents outils de communication pour se faire connaître, à condition de savoir s’en servir, mais attention à la fracture numérique. « Je suis peintre en bâtiment, j’ai une clientèle de personnes âgées si je passe au tout numérique,  notamment en facturation, je risque de les perdre. Ce même artisan regrette que les démarches pour répondre à un marché public doivent se faire obligatoirement en ligne.  Et que les artisans locaux ne sont pas forcément retenus pour des chantiers locaux car ne pouvant pas répondre à ces appels d’offres. » Didier Gouraud, rappelle que c’est une des missions de la chambre d’aider les artisans à y répondre. Cette rencontre a le mérite de libérer la parole et de se sentir moins seul face aux difficultés. 

Formation, emploi et apprentissage 

Certains avancent des propositions : comme cet artisan de la Feuillade, qui propose de modifier les aides concernant les  ZDR ( zones de revitalisation  rurale ) pour préserver les TPE existantes  dans les bourgs ruraux et pas celles qui s’installent pour éviter la désertification rurale ou alors que les communes mettent leurs locaux vides à disposition des TPE artisanales.  Didier Gouraud, estime pour sa part: « il faut mettre en place une fiscalité particulière pour les coeurs de villages pour éviter la mort économique de ces communes, aider, le bar tabac, la boulangerie, le charcutier, ceux qui font vivre la commune ». Des outils existent. Unanimement, les artisans périgourdins se prononcent en faveur de la préservation des qualifications, ce qui fait la transition avec le deuxième thème sur l’emploi,  la formation et l’apprentissage.
De nombreux artisans déplorent de ne pas pouvoir se libérer pour se former eux mêmes : « Cela fait 12 ans que je n’ai pas eu de formation, faute d’information et de temps. Le débat tourne rapidement sur le débat de la difficulté de recruter : c’est impossible tant que les aides sociales en tout genre seront proches du salaire minimum, intervient quelqu’un dans la salle. Il faut revoir le système. Autre témoignage, ce responsable d’entreprise de panneaux routiers qui compte deux salariés qui pourrait développer son affaire et qui ne le peut pas. Y ‘en a marre d’une certaine forme d’assistanat. J’ai refusé 185 000 euros de chantiers. » 
« Sur 18 candidatures, je n’ai conservé qu’un seul, il est parti au bout de trois mois. A terme, je risque de mettre mon entreprise en péril en refusant du travail.« Et puis le débat tourne rapidement sur l’apprentissage et les liens toujours compliqués avec l’éducation nationale. De nombreux artisans estiment que le coût d’un apprenti demeure très élevé  La chambre de métiers signe 800 contrats d’apprentissage par an, dont 200 seulement font l’objet d’une publication d’offres. Comment intéresser les jeunes aux métiers de l’artisanat ? Bernard Feury, à la tête d’une entreprise de mécanique agricole,  a formé 22 apprentis : 4 ont été embauchés dans son entreprise et 3 ou 4 sont allés à la concurrence, les autres ont quitté le métier. Tous s’accordent sur la nécessité de former un apprenti, de transmettre leur métier : une  couturière évoque un champ de ruines dans des professions qui ne cessent d’évoluer et qui ont besoin d’innover pour ne pas disparaître. « Pourquoi ne pas imaginer que le coût d’un apprenti soit pris en charge par l’Education nationale, du moins partiellement. »
L’éloignement des centres de formation pour apprentis est un réel frein pour certains métiers et la future réforme inquiète. M. Cousinou apporte aussi son éclairage parfois difficile avec les établissements scolaires : pénétrer dans les collèges ou les lycées, pour aller à la rencontre des élèves reste parfois difficile. Les barrières existent encore. Peu d’établissements jouent le jeu. » Des dispositifs existent pourtant pendant les périodes de vacances  scolaires. Certains ne comprennent pas que la rémunération de l’apprenti varie en fonction de l’âge d’entrée dans le contrat. D’autres pensent que cette disposition doit être revue. Francois Chateau, artisan boulanger souhaite  pour sa part que l’apprenti embauché à l’issue de son apprentissage soit contraint de s’engager sur une période donnée, deux ou trois ans.

Parmi les autres sujets abordés, une fiscalité qui contribue à plus d’équité entre les entreprises, la transition écologique, le statut auto entrepreneur, les retraites, les relations avec les administrations. Les artisans sont invités à contribuer  via un formulaire en ligne. Les participations seront recueillies et intégrées à un Livre blanc remis aux élus départementaux, régionaux et nationaux et disponible en ligne à partir du 22 février.


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