Parempuyre la « rurbaine » cultive sa différence


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Temps de lecture 10 min

Publication PUBLIÉ LE 11/02/2019 PAR Romain Béteille

Pour l’instant, il y en a trois. Trois cahiers. En tout, une petite trentaine de contributions. Certaines sont écrites à la main, d’autres tapées à l’ordinateur. Malgré la grande disparité des opinions qui sont exprimées à l’intérieur, elles ont toutes un point commun : une demande de plus de justice sociale. Elles, ce sont les doléances, inscrites dans les cahiers du même nom, mis en place au sein de la mairie de Parempuyre depuis le 14 décembre, comme dans de nombreuses autres communes au niveau national. Ces habitants qui s’expriment dans le contexte du grand débat, Béatrice de François, la maire de cette commune d’un peu plus de 8900 habitants intégrée au sein de la métropole bordelaise, dit bien les connaître. « Ce n’est pas un phénomène nouveau. Ces gens là, je les vois tous les jours, je les connais (…) Depuis huit ans, on fait un apéritif citoyen. On tire une cinquantaine de personnes par quartier sur les listes électorales et entre quinze et vingt-cinq viennent en moyenne, sans ordre du jour. On discute de tout. Le grand débat, on le fait déjà au quotidien », temporise-t-elle, au moment de parler de son quotidien en tant qu’élue (PS) municipale pour la deuxième fois. 

Périurbanisation

Parempuyre, comme certaines autres, semble avoir un visage à part dans le paysage métropolitain. C’est la commune la plus au nord de la métropole bordelaise. Les marais, la forêt et les vignes représentent, selon l’élue, « plus des trois quarts » de la surface communale (1744 hectares d’espaces naturels et agricoles), et la densité de population (bien que les recensements successifs prouvent qu’ils sont de plus en plus nombreux) y est plus faible qu’ailleurs. Elle fait partie de ces territoires du « rurbain », ces zones périurbaines proches de la métropole. Avec l’attractivité galopante de l’ex belle-endormie, le phénomène s’accentue : selon les données de l’INSEE, le département de la Gironde a accueilli, entre 2010 et 2015, quasiment 100 000 nouveaux habitants (ce qui en fait le quatrième département le plus dynamique de France) dont 52 000 personnes rien que sur le territoire de la métropole. A cheval entre Blanquefort et le Médoc, Parempuyre joue les équilibristes dans un phénomène de périurbanisation qui, à cause de différents facteurs (notamment la hausse des prix de l’immobilier), va en s’accentuant. Les maires des communes environnantes sont donc en première ligne pour gérer ce nouvel afflux. 

Parempuyre espaces verts

Selon les chiffres municipaux, la commune de Parempuyre est constitué à 80% d’espaces boisés, de vignes et de marais.

Pour Béatrice de François, Parempuyre n’est pas vraiment épargnée par ce phénomène. Même si la commune n’est pas intégrée dans l’opération 50 000 logements près des transports en commun (devenu un enjeu politique majeur pour les maires de plusieurs communes de la métropole qui ont opté pour une densification maîtrisée ou « urbanisme raisonné »), Parempuyre « travaillait, comme toute la métropole, sur le PLU (plan local d’urbanisme) de 2010. On a eu un problème parce que les promoteurs ont débarqué sur Parempuyre, ont acheté des terrains très cher, ont rasé des maisons et ont fait un peu n’importe quoi. Légalement, un maire de peut pas empêcher ça, il peut juste retarder. Pourtant, il y a une volonté de continuer à construire, parce qu’il y a besoin de logement, mais de construire aussi du logement social. Sur le PLU de 2017, j’ai ramené la commune à R+1, sauf en centre-ville où il y a une pertinence à construire plus haut, parce que je n’arrivais pas à stopper la spéculation foncière. La ville, il faut du temps pour la construire et pour la penser. Sur la plupart des terrains qui sont encore disponibles, il y a au moins 30% de logements en mixité sociale », poursuit l’élue, qui a déjà planifié la construction d’environ 200 nouveaux logements, sans compter les 418 de l’opération du nouveau quartier Fontanieu (dont 180 logements conventionnés), programme ayant démarré en 2013 et qui devrait s’achever dans environ trois ans. Dans les divers bilans municipaux, l’identité urbaine de la commune transparaît : celle-ci compte , par exemple, 14% de logements à loyer modéré. « Les gens ont découvert la commune petit à petit, le terrain était très cher à Bordeaux, nous avons donc vu arriver une population assez jeune. On n’a pas l’ambition que la ville grossise, il faut juste faire face aux réalités et s’adapter aux besoins de la population. On a la chance d’être dans un écrin de verdure où la nature a toute sa place. J’ai sanctifié de vieux arbres sur la commune, il faut garder ce poumon vert. Tant que je serai là, ce sera intouchable », affirme l’élue locale. 

Choix stratégiques

Au niveau purement budgétaire et niveau de vie aussi, Parempuyre semble cultiver sa différence. Son budget municipal en 2018 était de 8,73 millions d’euros (8,64 millions d’euros en prévision pour le budget 2019, voté dans les prochaines semaines). Pour l’année 2018, la ville a acté 5,3 millions d’euros d’investissements divers : aménagement d’un skate park (120 000 euros), création d’une maison des associations (100 000 euros) ou éclairage public (50 000 euros) y figurent au côté d’un important poste de dépenses : l’éducation et les écoles. Avec le nouveau groupe scolaire construit dans le quartier Fontanieu évoqué plus haut, la commune a acté la sectorisation des 960 élèves inscrits entre la maternelle et le primaire. « Historiquement, il y avait ici des écoles de niveaux. Côté organisation, pour ceux qui n’avaient qu’un enfant tout allait bien, mais pas pour les autres. On a profité du nouveau groupe scolaire pour travailler sur la sectorisation. La dernière rentrée scolaire a d’ailleurs été sectorisée. La nouvelle école est au centre du nouveau quartier, elle va de la maternelle au CM2, y compris sur les accueils de loisir ». Ce dernier a coûté 5 216 084 euros, dont deux millions financés par Gironde Habitat. Parempuyre a également décidé de maintenir les TAP (temps d’activité périscolaires), dix-sept activités accessibles pour cinq euros par an et par enfant, soit le même tarif qu’en 2018, et deux nouvelles Maisons d’Assistantes Maternelles ont récemment vu le jour.

En septembre dernier, le SIVOM du Haut-Médoc (composé de six communes dont Parempuyre) a été labellisé « établissement bio engagé » par Interbio Nouvelle-Aquitaine par rapport aux efforts faits dans sa restauration collective: elle revendique 23% de produits bio servis dans ses restaurants scolaires. Pour les enfants, finies les barquettes en plastique (les couverts, à Bordeaux, notamment, avaient un temps fait polémique) : les barquettes des plats y sont végétales et compostables. Dernièrement, l’éducation à Parempuyre a connu un épisode tendu, avec la construction d’un nouveau collège commandé par le département de la Gironde (histoire sur laquelle nous sommes revenus), qui ne semble pas plaire au propriétaire du Château Clément Pichon, situé juste en face. Ce dernier a récemment assigné la commune en justice. « Il demande trois millions d’euros si on ne lui rétrocède pas le terrain. Je suis très confiante, je pense que nous allons gagner », assure encore Béatrice de François. « J’ai récemment reçu un courrier du préfet qui m’a demandé de retirer l’arrêté municipal que j’avais pris sur l’épandage des pesticides en affirmant que celui de la préfecture pris en 2016 était largement suffisant. Je vais le retirer gentiment, mais ça ne veut pas dire que je n’en prendrai pas d’autres… Ce combat contre les pesticides, je le mène depuis des années. Le problème, ce n’est pas le collège, ce sont ces produits ». 

Sur un volet purement fiscal, nous l’avons dit, l’identité de Parempuyre se joue aussi des exceptions. Les documents de gestion budgétaires municipaux le précisent : le niveau d’endettement par habitant y était, selon les dernières données de l’AMF, de 330,62 euros en 2017 contre, selon l’élue, 842 euros « pour une ville de même strate ». Dans un document comparatif évoquant des chiffres de 2017, on peut comparer les recettes (du côté gauche) et les dépenses de fonctionnement (du côté droit) en euros par habitant. Pour Parempuyre, le solde est de 74 euros par habitant, recettes (873 euros) et dépenses (799 euros) déduites. La moyenne métropolitaine, elle, est de 1138,86 euros dans le volet « recettes » et de 1046,36 euros dans le volet dépenses, avec un solde de 92,50 euros. Si, au sein des vingt-huit communes, les disparités sont évidemment très fortes, la différence entre dépenses et recettes n’est pas toujours homogène. Pourtant, elle fait écho à une volonté municipale prise depuis l’arrivée de l’élue socialiste dans son fauteuil de maire en 2008 : pas de hausse de la fiscalité, malgré des aides nationales « en entonnoir » régulièrement dénoncée dans les comptes-rendus municipaux (843 000 € de « manque à gagner du fait du désengagement de l’État en six ans », peut-on notamment lire). « On a une capacité de désendettement de 3,7 années, ce qui est très peu. Il n’y a pas eu de hausse de la fiscalité (23,42% en taux de fiscalité). C’est un choix d’équipe, il faut se recentrer sur ce qui est prioritaire. Au niveau culturel, par exemple, j’ai fait fausse route au début en faisant venir des têtes d’affiche comme Anne Roumanoff, ça coûte très cher même si j’ai une salle de 1700 personnes. Je me suis rendue compte que notre vocation à nous, c’était plutôt de privilégier la culture de proximité ». 

Velléités agglomérées

tramway Parempuyre

Le tramway arrivera-t-il un jour jusqu’à Parempuyre ? La maire, en tout cas, semble se poser la question…

Côté métropole, le jonglage continue. Contrairement à une partie importante de communes ayant mutualisé, à des degrés divers, plusieurs services municipaux au sortir des obligation de la loi NOTRe, la maire de Parempuyre dit avoir plus à perdre qu’à gagner si elle devait faire de même. « C’était intéressant pour les grosses communes qui ont beaucoup de charges de personnel. Elles en sont débarassées. Si Parempuyre voulait mutualiser quelque chose comme par exemple les fonctions supports, il faudrait faire un transfert de personnel et rajouter une enveloppe financière (+12,5%) en frais de structure et garder une personne pour faire le lien. La vérité, c’est que nous avons trop peu de personnel pour le mutualiser. Ici, ce n’est pas le comptable qui fait le budget ». A la question de savoir si, malgré l’attractivité dont elle profite, Parempuyre ne se sent pas à l’écart des grandes orientations politiques et budgétaires de la métropole, la réponse est partagée. « Il faut savoir se faire entendre, c’est une ville de près de 9000 habitants, plus grosse que Bassens ou Artigues. Par contre, c’est une ville qui a très peu de ressources. Mais si on n’était pas intégrés à la métropole, on ne ferait pas tout ce que l’on fait, par exemple sur les transports ou la voierie, qui sont des compétences métropolitaines. Certes, il faut que les collectivités fassent des économies. Les élus m’interrogent souvent en me disant que Parempuyre a un ratio élevé en charge de personnel (57%), mais je n’ai pas de services extérieurs. Il faudrait prendre en compte ce ratio pour calculer la rentabilité des uns et des autres. Ce serait une façon de défendre le service public… » continue la maire, également à la tête du CCAS (Centre Communal d’Action Sociale) local.

Béatrice De François continue donc de mener la barque. Chaque semaine, de son propre aveu, elle fait le tour de la commune pour essayer d’être davantage « en proximité » avec les habitants. Les enveloppes budgétaires municipales se suivent et se ressemblent, mais la place de Parempuyre au sein de la métropole lui fait espérer quelques apports futurs. L’un des plus emblématiques, c’est le tramway. Inaugurée début février, l’extension de la ligne C au sud, jusqu’à Villenave d’Ornon, est entrée en phase opérationelle. Et forcément, cette nouvelle desserte créée des demandes. En mars 2018, Bordeaux Métropole a rendu une étude  sur le prolongement de la ligne C jusqu’à Parempuyre : 3,1 kilomètres de ligne supplémentaire pour un budget prévisionnel de 32 millions d’euros, soit environ dix millions d’euros du kilomètre. Bilan des courses : pour Michel Labardin, vice-président de la collectivité en charge des transports, la fréquentation serait trop faible et le bilan socio-économique « assez défavorable au regard de l’investissement ». Le dossier a donc été mis de côté, un coup dur pour Béatrice de François, pour qui la desserte des transports en commun sur Parempuyre est insuffisante. « Je ne suis pas contre un TER métropolitain, pourquoi pas, mais s’il ne va que jusqu’à Macau, ça veut dire que le reste du Médoc va être abandonné alors qu’il a besoin de transports plus performants que quelques bus de temps en temps. Ce train, ce serait bien s’il était régulier mais la ligne est vêtuste. Pour ce qui est du tramway », abonde-t-elle, nous avons inauguré un pôle multimodal en 2013, le tramway devait arriver deux ans après. Il n’arrive pas alors que c’est le plus rapide depuis Parempuyre pour stopper tout ce qui arrive du Médoc, qui représente une grande partie de la circulation automobile sur la commune. Nous avons construit un parking de 180 places, il est pratiquement vide ».

Elle n’hésite pas non plus à dénoncer les critiques sur le coût de la ligne : dix millions du kilomètre contre, par exemple, le double pour le prolongement de la ligne D jusqu’à Saint-Médard-en-Jalles. « Nous nous sommes réunis en bureau de métropole le 6 décembre avec Alain Juppé, il m’a confirmé qu’il n’y aurait pas de tramway à Parempuyre. La métropole a demandé de compléter les résultats avec une nouvelle étude, une réponse définitive sur ce dossier devrait arriver sous six mois ». En attendant, les dossiers « chauds » ne manquent pas pour cette commune, dont l’élue n’exclut pas de se représenter pour un troisième mandat lors des prochaines municipales, en 2020. Le 13 février, la mairie a prévu de mettre à disposition, pour les habitants qui le souhaitent, la salle de spectacle locale à partir de 18h30, pour y organiser leur propre réunion publique dans le cadre national du « grand débat ». Au moment de notre rencontre avec Béatrice de François (le mardi 5 février), la liste des inscrits était vide. L’agenda du maire pour dialoguer avec ces habitants, lui, ne l’était pas, de même que les contributions inscrites au sein des fameux cahiers de doléances. « Nous n’avons pas trop de public en difficultés financières, vu le prix des terrains ici. On a distribué environ 25 colis alimentaires en 2018. On n’est pas différents d’ailleurs : il y a ceux qui vont bien et ceux qui ne vont pas du tout. Entre les deux, il n’y a plus grand monde ». 

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