Pessac veut son urbanisme « raisonné »


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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 12/09/2018 PAR Romain Béteille

Innocampus, le nouveau poumon économique

La conférence de rentrée est toujours un exercice intéressant pour le maire d’une commune comme Pessac. D’abord parce que les projets y sont multiples : aménagement de la forêt du Bourgailh, nouveau complexe sportif à Bellegrave, maison du vélo, projets issus du premier budget participatif… Les actions ne manquent pas, y compris à une échelle bien plus large comme la future Opération d’Intérêt Métropolitain Innocampus. Sur ce territoire de 1350 hectares répartis entre Pessac, Talence et Gradignan, l’objectif ambitieux de la création de 10 000 emplois dans la santé et la recherche semble ambitieux. Et pourtant, les premières opérations sont déjà lancées où en phase de l’être, comme l’a dévoilé le maire de Pessac depuis 2014, Franck Raynal.

« On a déjà flêché la localisation de Serma Technologies au sein des anciens entrepôts de Thalès, onze hectares qui ont été rachetés par la métropole et la SEML Route des Lasers. Nous devons pouvoir concilier les efforts d’innovation, la formation et exploiter les talents situés sur le campus, c’est la raison pour laquelle nous prenons en charge cet important projet de développement », a ainsi souligné l’élu. Côté aménagement, la grande opération économique a déjà l’air de vouloir démarrer  : des aménagements provisoires (trottoirs sécurisées, voies vertes protégées, cheminements pour les piétons) de septembre à janvier sur la zone de Bersol, avant une « requalification complète » des axes de ce futur Innocampus « à plus long terme ». Un futur BHNS sur le tracé aéroport/Bersol devrait dans quelques semaines démarrer son enquête publique, et les premiers travaux du côté de Haut-Lévêque sont déjà planifiés pour 2019. Bref, Innocampus, c’est l’Aéroparc de Pessac. Et les ambitions ont l’air d’être là.

Le développement en mode « slow »

Elles interviennent évidemment dans un contexte très particulier de forte attractivité, à la fois économique et démographique, pour la métropole bordelaise. Une dynamique qui se poursuit et a des effets collatéraux dont nous nous faisons régulièrement l’écho. En premier lieu, on trouve la spéculation foncière et la hausse des prix de l’immobilier. Si Mérignac figurait dernièrement en tête des villes où il faut investir selon le baromètre immobilier Se Loger, on constate tout de même une flambée des prix. En face, ce qui pourrait paraître comme une certaine forme de frilosité dans la livraison des permis de construire et des opérations immobilières s’est emparée de la municipalité. Le maire de la commune, Alain Anziani, n’a ces derniers mois pas caché sa volonté de concentrer les nouvelles opérations immobilières le long des axes de transports (dans le cadre de l’opération 50 000 logements) et d’avoir recours à un « urbanisme raisonné ». Pour la commune de Pessac, qui compte environ 9000 habitants de moins que celle de Mérignac, le même son de cloche se dégage. Le développement, oui, mais en mode « slow ».

« Nous ne pourrions pas consentir une trop forte augmentation de la population si nous voulions garantir la qualité du cadre de vie et la réponse en termes de services publics », insiste Franck Raynal. « Pessac, c’est 24 classes nouvelles ouvertes depuis le début du mandat et une population scolaire qui a augmenté de 15% alors que la population, elle, a augmenté de 1,5%. Si on avait complètement lâché la bride en termes d’urbanisme, on n’aurait pas pu suivre. En plus, c’est quelque chose qui n’est pas souhaité par nos concitoyens, nous devons donc accompagner le développement de l’urbanisme, mais doucement. La ville ne doit pas rester figée, elle doit se rénover, se transformer. Mais cela doit se faire à un rythme acceptable pour les citoyens. Nous admettons la densification le long de la ligne de tram, le long de la liane et en centre-ville, mais c’est tout ».

Au risque de favoriser l’étalement urbain et de repousser les nouveaux arrivants de la cinquième métropole la plus peuplée de France ? « Au terme de la dernière révision du Plan Local d’Urbanisme, on a constaté que nous avions légèrement diminué la tâche urbaine. Lors de sa prochaine révision, nous allons accentuer un certain nombre de protections, en particulier sur des zones pavillonnaires pour que nous puissions garder cette qualité de paysage ». Et l’exception pessacaise de brandir ses chiffres pour appuyer ce cap politique du « slow building » : +1,5% d’habitants depuis 2014 mais une perte d’environ 250 habitants en 2017. Un chiffre anecdotique mais qui prouve, selon l’élu, que la volonté politique de ralentir la cadence prouve déjà ses premiers effets. 

Armes de dissuasion

Ses armes sont les mêmes que les nombreux autres maires de la métropole bordelaise qui partagent cette frilosité à la surenchère immobilière, dont Bordeaux semble être l’une des seules épargnées. Car malgré la mutualisation de l’urbanisme de la ville de Pessac à la métropole, c’est encore elle qui décide de donner les clefs. « En 2016 323 logements neufs ont été livrés, contre 828 logements à Mérignac. Si je cherche une autre ville à proximité qui a livré aussi peu de logements que Pessac, je tombe sur Bègles, qui est une ville de 28 000 habitants et en a livré 322. Nous sommes une ville de 62 000 habitants, donc ça prouve qu’on remet la pédale douce. En 2016, nous avons institué la commission métropolitaine des avant-projets. C’est une commission qui, pour tout projet à partir de dix logements (immeubles ou lotissements), examine les dossiers en y associant l’ensemble des services métropolitains et municipaux, un architecte conseil, les élus et deux présidents de quartier. Sur 37 projets collectifs présentés en 2016, nous en avons accepté sept ». 

La récente « charte du bien construire » adoptée par Bordeaux Métropole, censée diminuer la pression de la spéculation foncière, a depuis fait des petits. Mérignac et Bruges ont été parmi les premières a dégainer leur propre charte. Pessac s’y mettra très bientôt, comme l’a révélé Franck Raynal. « Nous ajouterons à la charte de l’urbanisme de Bordeaux métropole, lors du prochain conseil municipal, une charte urbaine architecturale et paysagère pour la ville de Pessac. Elle va accentuer et sécuriser l’ensemble des mouvements de construction sur Pessac. Cette charte permettra aussi d’emblée au promoteurs d’être dans l’épure que nous souhaitons favoriser. La modération fait qu’il n’y a pas de surenchère faite par les promoteurs sur les différents terrains, ils savent qu’à partir d’une certaine capacité, on dira non ». L’objectif de ce texte, toutefois sans valeur juridique propre, est davantage destiné à préciser clairement les souhaits de la commune en matière d’urbanisme, à savoir « la préservation du couvert végétal et de l’identité des quartiers ».

Contradictions

Et l’élu de renvoyer la balle à la capitale régionale. « C’est à Bordeaux de densifier son territoire et d’accueillir les nouveaux arrivants Aujourd’hui, Bordeaux est sous-dense. Elle occupe la même surface que le Grand Lyon avec deux fois moins de population ». L’intérêt communal avant le général, diront certains : selon un baromètre SeLoger.com établi en juillet dernier, Pessac et Mérignac figurent parmi le top 5 national des communes ayant connu les plus fortes hausses de prix des appartements anciens sur un an (+16,6% à Mérignac, +12,2% à Pessac). Tout ce qui est rare est cher, et apparemment, vu le virage serré pris dans l’entonnoir des permis de construire, la tendance n’a pas prévu de changer. « La ville n’est pas exemplaire parce qu’elle est très étalée. Mais je ne l’étendrai pas plus. Il faudra densifier de manière régionalisée sur des axes où l’on pourra accueillir des transports ».

Pourtant, ce n’est pas les projets municipaux qui manquent. L’un des projets les plus emblématiques en termes d’urbanisme à Pessac (et quasiment le seul évoqué) est peut-être la transformation souhaitée, et déjà annoncée, du quartier de Saige. En discussion avec Domofrance, la commune de Pessac a terminé un premier comité de pilotage en juillet pour planifier un calendrier de la totalité de la rénovation des tours d’immeubles qui s’y trouvent. L’idée est déjà là : transformer l’une des huit tours de Saige en tour d’activité économique (dans la partie basse, la partie haute servant à loger les nouveaux actifs), en réhabiliter quatre et raser les trois autres, tout en assurant que « les logements sociaux qui s’y trouvent seront redispatchés sur la ville (qui en compte 31%, soit « l’un des pourcentages les plus importants sur la rive gauche »). Ce qu’on veut, c’est que les logements sociaux soient moins concentrés parce qu’on y constate une précarité de plus en plus marquée. Or ces populations là ont besoin d’être dans la ville et pas forcément regroupées entre elles. Quand nous avons présenté le dossier au péfet de région, il a fait la proposition de raccrocher le quartier de Saige à L’ANRU, ce qui pourrait nous permettre d’avoir quelques aides supplémentaires et d’en améliorer la rénovation ». Reste que les équipements municipaux poussent plus vite que les projets de logements (nouvelle maison des associations à la Villa Clément V, nouvelle salle de spectacle Le Royal, rénovation du COSEC de Saige…). Jusqu’à quand ? C’est toute la question.

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