Parempuyre : ce collège qui divise


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Temps de lecture 8 min

Publication PUBLIÉ LE 21/01/2019 PAR Romain Béteille

Exemple emblématique

C’était une réunion publique très attendue par les habitants, au cours de laquelle peu de sièges étaient vides. Elle s’est déroulée vendredi 18 janvier dernier au club house du complexe sportif Léo Lagrange, à Parempuyre, en présence de plusieurs associations anti-pesticides, de l’association « Préservons notre paysage urbain » qui lutte pour la biodiversité et de représentants du collectif de parents d’élèves de la commune. Il faut dire que cette dernière s’est retrouvée sous le feu des projecteurs ces derniers jours. Devant la croissance de cette commune et du nombre de collégiens qu’elle accueille, le Conseil départemental, dans son nouveau « plan collège ambition 2024 » (qui prévoit, d’ici à cette date, la création de 4000 places supplémentaires) a décidé d’y construire un collège de 900 places, au départ prévu pour la rentrée 2022.

Pour les parents d’élèves du collectif Parempuyre Ludon Macau, le problème c’est que le terrain sur lequel ce dernier est censé être construit est placé juste en face des vignes du Château Clément-Pichon, appartenant au groupe Fayat. Un reportage diffusé sur France 2 début janvier n’a pas apaisé les esprits, notamment en diffusant le résultat d’analyses effectuées dans deux maisons situées à côté du vignoble en conventionnel. Réunis le 18 janvier, des représentants de parents d’élèves et de Générations Futures ont posé le problème en face à face, de l’aveu même de Ludovic Coutant, représentant du collectif de parents d’élèves (monté en septembre 2018). Lors de cette réunion publique qui s’est éparpillée un peu dans tous les sens, ce dernier a précisé « On leur a demandé s’ils envisageaient de se convertir au bio. La réponse a été un non catégorique, en nous expliquant qu’ils étaient dans une démarche de rendement et de qualité et qu’ils ne souhaitaient pas en perdre en passant au bio. Ce qui nous a inquiété, c’est cette décision de rapprocher 900 enfants dix fois plus prêts des pesticides qu’ils ne le sont aujourd’hui ». 

Analyses et controverses
La maire de la commune, Béatrice de François, a annoncé peu après la diffusion du documentaire avoir pris un arrêté municipal « interdisant l’utilisation de pesticides dans ce périmètre » et avoir saisi le procureur de la République de Bordeaux pour ouvrir une enquête, notamment au sujet d’un insecticide, l’endosulfan, interdit depui 2008 en France et retrouvé dans les analyses de particules présentées dans le reportage. Le huit janvier, une « solution alternative » a été présentée par le président du Conseil départemental, Jean-Luc Gleyze : raser l’actuel collège pour le reconstruire au même endroit, impliquant l’installation d’un collège provisoire (donc de structures modulaires sur le terrain près des vignes, cédé à la mairie par… le groupe Fayat en 1991), aux côtés d’équipements sportifs dont une piste d’athlétisme. « Cette proposition a été faite pratiquement à la fin de la réunion, le département ayant été catégorique en expliquant qu’il n’y avait pas d’autre solution car par d’autre terrain. On a émis l’hypothèse de dissocier la piste d’athlétisme et le collège, en rasant l’ancien pour mettre le nouveau à la place » (c’est, par exemple, ce qui est prévu à Blanquefort), a expliqué Ludovic Coutant. « Nous avons par la suite fait une réunion avec les parents qui ont refusé cette solution, ils n’ont pas accepté la discussion qu’on a eu avec le Conseil départemental ».

Le rétropédalage est manifeste puisqu’il est écrit dans un communiqué adressé au département par le collectif de parents. « Nous maintenons notre demande d’implantation du collège sur un autre terrain que celui prévu, quitte à le reconstruire en lieu et place. En revanche, l’ensemble des parents s’opposent à ce que les modules temporaires et les équipements sportifs soient installés et construits sur le terrain en face des 25 hectares de vignes du Château Clément Pichon tant que celui-ci ne change pas d’avis sur son type de traitement des vignes et qu’il ne se convertit pas au BIO. Nous avions dans un premier temps exploré la possibilité d’accepter les modules provisoires sur le terrain face au Château Clément Pichon, ainsi que les installations sportives. Compte-tenu du danger lié aux produits phytosanitaires, cela ne nous semble finalement pas acceptable et ceci à l’unanimité », écrit le collectif.

Pour Sylvie Perez, présidente de l’association de riverains « Préservons notre paysage urbain », le fait que la parcelle sur laquelle le collège pourrait être reconstruit soit « une continuité naturelle de type 2 à vocation écologique, inscrite dans le Schéma de cohérence territoriale », semblait d’ailleurs prioritaire sur la question des pesticides. Celle-ci s’est, en revanche, très vite invitée au débat. C’est que quelques jours plus tôt, le Château Clément Pichon annonçait son intention de passer au bio d’ici trois ans (Jean-Claude Fayat s’estimant « injustement attaqué puisque nous sommes dans une démarche environnementale au sein du groupe »), dans un premier temps sur la parcelle de cinq hectares la plus proche des habitations. Si le vignoble passe au bio, nous ne sommes plus opposés à ce que le collège et la piste d’athlétisme soient sur ce terrain », a d’ailleurs précisé Ludovic Coutant. Pour une représentante de l’association Alerte Pesticides Haute-Gironde, « il n’y a désormais aucun obstacle à ce que le collège s’installe sur ce terrain. La première chose à faire pour défendre la biodiversité de ce quartier de Parempuyre, c’est l’interdiction des pesticides. Il faudra quand même respecter des précautions d’usage, il n’est pas question de diffuser du soufre et du cuivre à n’importe quelle heure avec la présence des enfants ». L’association Alerte aux Toxiques, menée par Valérie Murat, a présenté ce même soir une analyse effectuée en laboratoire sur un millésime 2016 du château Clément Pichon. Résultat : la découverte de cinq substances actives différentes « parmi les plus dangereuses dont du Folpel, anti-fongique CMR probable et du Boscalid, un anti-botrytis SDHi », précise l’association anti-pesticides. Le laboratoire, de son côté, souligne que « la présence de plusieurs résidus phytosanitaires a été détectée dans cet échantillon. Tous sont présents à des teneurs très significativement inférieures aux Limites Maximales de Résidus (LMR) respectives ».

Questions en suspens

Du côté des parents d’élèves et des riverains, on pose une toute autre question, davantage d’ordre pratique. Enseignante au collège de Parempuyre (et ne représentant par ailleurs aucun collectif), Brigitte Landi recadre un peu le débat. « Nous avons suivi toute cette affaire dans la presse », déplore-t-elle à demi-mot. « Actuellement, il y a plus de 800 élèves, il y a déjà huit préfabriqués. C’est un collège qui date de 1982 avec beaucoup d’espaces vitrés et perdus, une cour qui devient trop petite. Les algecos fournissent des conditions de travail déplorables. Je n’ose même pas imaginer ce que ça va être de déplacer 800 élèves dans des structures modulaires alors qu’on a enfin des tableaux numériques et des installations qui nous permettent de travailler avec des outils pédagogiques plus modernes et adaptés ». Pourquoi ne pas construire un autre collège à Ludon ou Macau, les communes voisines, demandent des parents. « Il y en a déjà un qui doit se construire au Pian Médoc. Est-ce qu’on doit faire une culture de collèges ? », rétorque un autre. « . L’idée, c’est le collège à Parempuyre, la solution se trouve à Parempuyre, pas ailleurs », abonde une représentante du syndicat FCPE. « Le château n’a certainement pas envie que le collège se trouve en face de chez lui. Cette commune, on veut la faire arriver à 10 000 habitants, des communes alentours sont en train de grandir. Pourquoi le Conseil départemental décide de faire un établissement de 900 élèves à Parempuyre ?  Dans les communes d’à côté, la démographie est en train de grandir et que demain, lorsque les besoins arriveront, on sera encore en retard », questionne à son tour un riverain. Des propos en partie partagés par le député LREM Benoît Simian, ancien maire de Ludon-Médoc, pour qui « beaucoup de professionnels de l’enseignement reconnaissent qu’il vaut mieux avoir une structure à taille humaine plutôt qu’un gros équipement de 900 élèves ».

La justice sollicitée…

Reste à savoir quel choix va faire, au final, le département de la Gironde, puisque le projet représente tout de même un investissement de 20 à 25 millions d’euros. Comme ci le tout n’était pas assez compliqué, la parcelle qui se situe en face des vignes est dans le périmètre de protection de 500 mètres du château, inscrit au titre des monuments historiques, ce qui complique de toute façon les demandes d’autorisation de construction. En sortie de réunion, on est un peu sonnés. Pas vraiment d’avancées, des représentants (mairie, Fayat, département) manquant à l’appel et un post Facebook de la maire de Parempuyre… Dans la journée, la commune a reçu une assignation devant le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux par la société des Vignobles Clément Fayat. « Le Château Fayat demande l’annulation de la cession à la commune du terrain sur lequel est envisagé la construction du collège et réclame la somme de trois millions d’euros à titre d’indemnisation du préjudice esthétique et d’image (…) Le groupe Fayat fait semblant d’oublier qu’il a lui-même construit les lotissements du Hameau du Château et de la Vieille Eglise dans le même périmètre de protection du château. Bizarrement, ça ne le dérangeait pas à l’époque… ni jusqu’à présent. En réalité, la société des Vignobles Clément Fayat sait que sa requête n’a aucune chance d’aboutir mais il cherche à faire pression sur la commune par tous les moyens pour que l’on abandonne le projet de construction du collège. Le dossier est aujourd’hui entre les mains de l’avocat de la ville. D’autre part, la ville a une protection juridique pour ce genre de risque », tempête Béatrice de François.

Interrogée, la maire de Parempuyre précise que le terrain en question avait, avant même de savoir qu’un collège allait être construit, été « déclassé pour y installer une piste d’athlétisme de 400 mètres. Les études du département se sont rajoutées ensuite, mais je me suis engagé à ce qu’on ne touche pas à l’espace boisé, sauf une petite frange située le long du futur collège ». Concernant la procédure engagée par la société Fayat, Béatrice de François confie : « j’avais un doute, mais ça me confirme que les habitants du château ne tiennent pas à avoir un collège à 200 mètres de chez eux. C’est un périmètre classé, mais le nouveau lotissement de La Roseraie que l’on vient de construire l’était aussi et pourtant on a eu l’autorisation des bâtiments de France. Je ne peux pas dire aux parents de 700 enfants qu’il n’y aura pas de collège à Parempuyre puisque quelques personnes ne souhaitent pas avoir de collège à côté de chez eux. Je suis très confiante », a ajouté l’élue. La décision finale est attendue d’ici la fin du mois de janvier. Du côté de l’association de riverains, on n’exclut pas non plus d’attaquer en justice pour préserver la parcelle en question, classée en tant qu' »espace vert inconstructible ». Toutes ces procédures éventuelles risquent de donner du plomb dans l’aile aux dates initiales fixées par le département. De quoi laisser aux collégiens le temps de se faire à l’idée.

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