2008 Un millésime de riches !! par Franck Dubourdieu


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2008 Un millésime de riches !! par Franck Dubourdieu

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Temps de lecture 7 min

Publication PUBLIÉ LE 30/05/2009 PAR Joël AUBERT

2007 fut compliqué mais 2008 dépasse tout ce que le vignoble bordelais a connu depuis longtemps. Le cycle végétatif, d’abord retardé (15 j / Normale) par des conditions difficiles – soleil et chaleur déficitaires, humidité excessive (+ 30% / Normale de mai à fin août) -est en plus marqué par trois évènements climatiques pouvant coexister par endroits : le gel, la coulure et la grêle.

Le cycle végétatif
Malgré un débourrement tardif, la vigne est suffisamment poussée pour subir, le 7 avril, une gelée particulièrement meurtrière dans le sud du Médoc (Margaux) et dans le Sauternais. En mai, sur un fond de fraîcheur et d’humidité (180 mm / N : 70 mm),la vigne prend du retard et subit les attaques répétées des maladies cryptogamiques. La fleur démarre le 4 juin et s’étale jusqu’à la fin du mois dans des conditions déplorables. La fécondation se fait mal et on ne tarde pas à constater de la coulure sur tous les cépages, plus sur les blancs que sur les rouges, et plus sur les merlots, les vieux surtout, que sur les cabernets. Comme la gelée, la coulure est très « jalouse » : tels ceps ou telles parcelles seront touchés plus que d’autres. Les grappes grossissent de façon hétérogène et laissent apparaître des vides avec absence de fruit pour non fécondation ; c’est la véritable coulure. Et, ça et là, on peut trouver sur la même grappe des baies avortées qui resteront vertes ou qui mûriront plus lentement que les autres, avec un volume inférieur ; le millerandage. Au moment des vendanges, tous les stades, du vert et au parfaitement mûr,peuvent se retrouver sur la grappe. Les tables de tri, surtout la vibrante au sortir de l’érafloir, seront un atout majeur pour éliminer les avortons préjudiciables à la qualité.
Comble de malheur, le 28 maiun orage degrêle traverse la Gironde et fait des ravages en de nombreux endroits.
La véraison débute, très en retard, le 1er août et s’étale anormalement jusqu’à la fin du mois alors que le mildiou est omniprésent dans les vignes mal protégées. Il est à noter à ce sujet, comme on l’a constaté en 2007, la belle résistance des vignes (feuillage et raisins) des rares grands crus ayant opté pour le Bio ou laBiodynamie.
Si juillet est très sec et assez chaud, le mois d’août est véritablement pourri avec un ensoleillement réduit (< 10 j), des températures en dessous de la normale et une pluviométrie bien au-dessus. Plus que jamais tout est réuni pour condamner le millésime puisque le climat ne s’améliore pas tout au long de la première quinzaine de septembre. Le retard de maturité est tel que certains grands crus se demandent s’ils vont pouvoir produire du Grand Vin ! La vigne pousse toujours dans les zones les moins favorisées et la pression du mildiou omniprésente depuis le début est relayée par celle de la pourriture grise.

Un été indien miraculeux
Millésime à rebondissements, 2008 est sauvé in-extremis par un été indien miraculeux du 14 septembre au 20 octobre. Le vent de nord, des températures diurnes > 25° C et des nuits fraîches, bloquent le développement des champignons, font monter les degrés et avancer la maturité phénolique des raisins rouges (anthocyanes, polyphénols des pellicules et des pépins) comme celle des vins blancs (flavonoïdes).
La cueillette des blancs secs débute le 8 septembre (Carbonnieux, Haut-Brion) et s’échelonne jusqu’à la fin du mois selon les secteurs. D’abord le sauvignon menacé par la pourriture grise, puis le sémillon, plus tardif, qui profite d’une seconde quinzaine de septembre exceptionnelle. Une ombre au tableau : des rendements bas (30 hl/ ha en moyenne) pouvant descendre jusqu’à 5hl/ha chez ceux qui ont cumulé les avatars.
Depuis que l’on sait, outre la dégustation des raisins, apprécier analytiquement la maturité phénolique (tannins), il est plus aisé de choisir la bonne date de vendanges des rouges. En 2008, eu égard à l’acidité élevée ainsi qu’à la lenteur et à l’hétérogénéité des maturités, pour un même cru voire sur une même parcelle, il a fallu être patient pour récolter. Le choix n’a pas toujours été très facile et les vendanges ont souvent été très longues, jusqu’à un mois. A partir du 24 septembre jusqu’au 10 octobre, on cueille les merlots et on enchaîne avec les cabernets les plus précoces, dont la récolte durera jusqu’à la fin du mois. Ce beau temps permet d’attendre au maximum mais à un moment donné il fautse résoudre à couper car plus rien n’évolue – la sève estdescendue avec les premiers froids – et même l’acidité qui a bien chuté peut remonter !
Les rendements en rouge sont plus élevés qu’en blanc mais en dessous de la normale, soit une réduction générale de 15 à 20%. Le Médoc, hormis le sud touché par la gelée, s’en sort assez bien, comparativement à la rive droite où les rendements sont beaucoup plus faibles, particulièrement à Pomerol (entre 20 et 30 hl / ha).


Des vins d’une hétérogénéité inégalée depuis dix ans

Ce salut de dernière heure ne peut effacer, on s’en doute, tous les aléas d’un accouchement des fruits dans la douleur.
La dégustation des vins rouges en primeur a témoigné d’une hétérogénéité inégaléedepuis dix ans. Pour hisser la qualité à un niveau honorable, selon son rang, 2008 impose d’être bien né, « riche » d’un grand terroir (précoce, filtrant), complanté de vieilles vignes, d’avoir un rendement parfaitement maîtrisé et de satisfaire, par un investissement humain sans précédent, aux exigences de culture (lutte contre les maladies, travaux en vert…) et à de vendanges étalées. Saisir la maturité optimale de chaque parcelle – ou partiede parcelle ! -n’a pas été très simple. La cueillette sélective à la vigne s’est révélée capitale comme le tri au cuvier des grappes et des baies immatures (coulure) ou pourries.A ce prix, les dégustateurs ont pu avoir d’heureuses surprises, bien au-delà de toutesperspectives.Les exégètes de 2008 font valoir deux atouts : la réduction de récolte, naturelle (surtout rive droite avec 30 Hl en moyenne) ou volontaire pour éliminer, fin août, les fruits retardataires et la longue période, du 22 juin au 8 août, chaude, ensoleillée et sèche qui, par un stress hydrique modéré, bloque la croissance, favorise la véraison et la synthèse des polyphénols. Ce potentiel qualitatif, ignoré fin août, encore fallait-il savoir le révéler par le choix approprié de la date de vendange– une fenêtre très courte pour le merlot -par la conduite extrêmement douces des extractions. Et de fait pour obtenir un vin de presse de qualité dont les meilleurs lots sauront renforcer la structure des grands vins.
Quand on descend la hiérarchie des crus (terroirs) et des AOC, le niveau qualitatif baisse jusqu’à toucher des bas-fonds que, seuls, nous rappellent les petits millésimes tels 1997 ou 1999 avec leur cortège de défauts : verdeur (odeur et saveur herbacées), maigreur, forte acidité, dureté sinon amertume finale…). Ajoutons aussi une tendance oxydative de merlots flapis ou de cabernets sans ressort, à la trame fatiguée, par une cueillette trop tardive.
2008, millésime des extrêmes, démontre avec une acuité particulière l’heureuse conjonction des bienfaits du terroir et de la conduite élitiste de tout le processus viti-vinicole pour avoir raison d’un climat trop océanique. Ce sont les cabernets et les merlots les plus précoces, ceux des plus grands terroirs, qui ont, globalement, produit les plus grands vins. Le style, très classique, est tendu par une acidité de bon aloi sans se départir des équilibres fondamentaux.
D’un niveau qualitatif comparable à 2007, peut-être supérieur pour certains, les vins ne peuvent prétendre, sauf rares exceptions, aux atours des grands millésimes : charnu, gras, suavité, exubérance du fruit, profondeur, longue persistance… Certains se rapprocheront-ils des 2004 ou des 2006 pour les meilleurs ? Ce serait un bel hommage rendu aux hommes et aux femmes qui leur ont donné naissance dans cette mémorable adversité.
Les blancs secs se caractérisent par un sauvignon parfois assez marqué et une acidité soutenue. Cette fraîcheur, sera, comme en 2007, un gage d’évolution heureuse pour les quelques grandes étiquettes bordelaises.
A Barsac-Sauternes, le gel a réduit la moyenne de récolte des Crus classés à 6 Hl/ha ! Les conditions de récolte, du 15 septembre au 29 octobre, ont par contre été idéales pour la cueillette (4 à 6 tries) d’une belle pourriture noble. Sans posséder la richesse et la puissance des plus grandes années, les vins offrent une structure harmonieuse rehaussée d’un confit élégant laissant imaginer dans quelques années un grand raffinement gustatif.

Pas de notation Primeur 2008 sur www.franckdubourdieu.com

2008 est un millésime extrêmement tardif avec des vendanges jusqu’à fin octobre voire début novembre. Cinq mois après la récolte, un mois après la fin des fermentations malo-lactiques, la dégustation des primeurs, début avril, a été jugée vraiment trop précoce. Ce délai trop court d’élevage ne peut qu’aggraver la difficulté habituelle de se faire une idée convenable sur la qualité future de chaque vin. Beaucoup ne provenaient pas de l’assemblage final puisqu’il n’était pas encore défini, à l’instar des parts respectives du Grand Vin, du second et le cas échéant du troisième vin.
Trop d’incertitudes planent sur la qualité finale des échantillons présentés, d’autant que bon nombre proviennent de prélèvements sur fûts neufsce qui nuit souvent à la qualité ou la masque totalement. Et il est souvent annoncé que l’élevage se fera avec une participation bien inférieure de bois neuf !
De telles circonstances imposées par le marché sont à même de communiquer une fausse image du vin définitif. Aussi ai-je décidé de ne pas publier mes notes, me réservant, comme d’habitude, de déguster les vins après deux années de bouteille. Pour vos achats en primeur, je vous conseille de lire le N° 6 du magazine BORDEAUX AUJOURD’HUI dans lequel le comité de dégustation donne un avis sur la qualité des échantillons 2008 présentés par les crus classés et assimilés.

Bordeaux Aujourd’hui est disponible en kiosque ou sur abonnement (4 N° couplés à 6 N° de Bourgogne Aujourd’hui), avec une remise si vous vous recommandez de FrancK Dubourdieu soitpour 29 €/an (au lieu de 32 €) Ecrire en joignant votre règlement à l’ordre de Ecrivin, 40 route de Savigny, 21 200 Beaune Tel : 03 80
25 90 33.www.vins-et-terroirs.com
mail : ctupinier@ecrivin.fr


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