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L'ÉDITO

 par Cyrille Pitois Cyrille Pitois
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06/07/2023

Siroter une bière dans un vestiaire de rugby ne suffit pas

La fièvre des émeutes engendrée par le décès du jeune Nahel, tué par l'arme d'un policier, est retombée et c’est tant mieux. Le pays peut passer à autre chose, se passionner pour le Tour de France ou boucler ses valises en vue des prochains congés. Si les flammes sont éteintes dans les quartiers et les esprits un peu moins échauffés, les braises restent incandescentes. La réponse politique à ce cri de désespoir n’est encore ni claire ni suffisante.

Les maires des communes concernées par les violences des derniers jours, ces fantassins de la République aux premières loges des mécontentements et des frustrations, ont été reçus à l’Elysée. Plusieurs n’ont pas attendu la fin de la réunion pour tourner les talons, tant ils ont perçu la tentative de reprise en main politique sans les actes qu’ils attendaient. Comme en 2005, la crise va s’achever par quelques pansements ici et là pour tenter d’apaiser la fièvre. Mais il y a fort à parier qu’il ne faudra pas attendre quinze ou vingt ans avant le prochain coup de grisou si le dossier reste en l’état.

L’épisode qui s’est déroulé ce début d’été a eu ceci d’inédit, c’est que le mouvement s’est répandu dans des villes moyennes, comme Pau, Agen, Châtellerault, Poitiers ou Limoges. Ces réactions violentes ont pris pour cible des commissariats, mais aussi des mairies, des lieux de formation ou d’éducation, des points d’ancrage où tout citoyen est susceptible de se rendre pour se cultiver ou solliciter un service. Croyant atteindre une vaste et nébuleuse autorité centrale, les émeutiers ont visé des objectifs collectifs qui sont bien souvent le fruit de l’énergie déployée par les élus locaux ou les associations de proximité en réponse à un besoin social.

Un comportement d’auto-destruction qui nuit aux auteurs eux-mêmes, à leurs voisins de palier, à leurs parents, à leurs frères et sœurs bien plus qu’à une lointaine autorité supposée abusive qu’ils souhaitent défier. Sans oublier les attaques personnelles contre les maires et leurs familles, comme à Saint-Brévin puis l’Haÿ-les-Roses, juste intolérables.

Ce n’est pas le premier signe d’une capillarité du mécontentement. Autant les manifestations hebdomadaires des Gilets jaunes ont éprouvé les métropoles régionales ou les beaux quartiers parisiens, autant le mouvement contre la réforme des retraites a déjà une première fois mobilisé dans les départements, avec des manifestations inédites dans les sous-préfectures. Une nouvelle fois, c’est cette France supposée tenante d’un certain bien vivre qui montre de l'énervement contre le mépris venu d’en haut.

Il ne suffit pas de siroter une bière dans un vestiaire de rugby, devant des caméras opportunément autorisées, pour faire oublier l’arrogance d’un Président ou le charisme de mouche d’une Première ministre. Ceux qui se sentent oubliés de la République, n’attendent pas des coups de com ni des formules définitives sur la façon de trouver un travail et encore moins des perspectives de retraite repoussées pour d’obscures raisons mal expliquées et finalement imposées avec une autre forme de brutalité. L’avènement d’un nouveau monde tant de fois promis par le candidat Macron ne surgira pas d’une succession de confrontations violentes. Jeudi à Pau, le Président a promis « l’ordre, le calme et la concorde » et aussi mystérieusement évoqué « dans les prochaines semaines des décisions profondes qui demanderont une grande motivation. »

On a juste envie de commenter « enfin ».  En croisant les doigts pour que ces décisions ne soient pas une nouvelle fois clivantes.

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