Le niveau de la mer monte lentement mais inexorablement, c’est un état de fait. Mais à ceux qui ne s’y retrouvent plus entre les diverses annonces de métrages supposés de la montée des eaux, Valérie Masson-Delmotte tient à éclaircir la situation, rappelant au passage que le dernier rapport du GIEC lui-même a revu ses données à la hausse depuis son précédent rapport de 2016. « En clair, si nous stabilisons voire réduisons nos émissions de gaz à effet de serre – ce qui correspondrait à une hausse de 2° des températures- en 2100 le niveau des mers devrait monter entre 50 cm à 1m. En revanche si nous continuons d’augmenter nos émissions à l’échelle mondiale, cet accroissement devrait entraîner une augmentation de 3 à 4° de plus des températures et une élévation du niveau des mers de 2 à 5 mètres selon les endroits du monde », explique la scientifique, rappelant que la diversité des échos des différents rapports sur le sujet est lié au fait que les scientifiques ne prennent pas tous en compte les mêmes paramètres. Selon elle, le dernier rapport du GIEC sur le sujet serait celui qui prendrait le plus grand nombre de paramètres en compte.
« Cependant, le rapport n’inclut pas dans ses paramètres les protections de côtes mises en place par l’homme – des digues aux zones tampons- et qui vont forcément avoir un impact sur la montée des eaux au niveau local », précise Eric Chaumillon, « de manière générale, la mer ne monte pas non plus partout de la même façon : les mouvements des courants, la présence d’un phénomène d’érosion ou non jouent également ». La spatialité d’un territoire a également une incidence. « Les conséquences ne seront pas les mêmes entre un bassin de vie en-dessous du niveau de la mer et un autre au-dessus du niveau de la mer », poursuit le chercheur, qui donne un exemple local : « Sur la côte charentaise-maritime, certains secteurs d’habitations sont déjà un ou deux mètres en dessous du niveau de la mer. En cas de montée des eaux avec le scénario le moins pire, ils seront à terme à 3 ou 4 mètres sous le niveau de la mer, ce qui augmente considérablement le niveau de risques submersions », relate-t-il.
« La réalité, c’est qu’il nous faudra surtout accepter des cas de submersions dans les terres de temps en temps » – Eric Chaumillon
Alors que faire ? Le colloque de ce mardi a tenté de donner quelques éléments de réponses à travers des exemples piochés à travers le monde. Les divers types de protections « douces » (zones tampons, dé-poldérisation) et « dures » (digues, enrochement) ont été abordés. L’Office national des forêts est par exemple venue expliquer comment elle protège depuis des décennies les dunes de la côte Atlantique de l’érosion en plantant des oyats et en disposant des branchages. Un chercheur hollandais est venu relater une expérience en cours au Pays-Bas de réenssablage des côtes par une extraction de sables sub-marins pour ériger un deuxième cordon dunaire protecteur. Une défense « douce » qui n’est malgré tout pas sans défaut : onéreuse, lourde en émission carbone, et avec un impact environnemental. Les politiques des villes littorales face aux risques de submersions, comme celle portée par l’agglomération de La Rochelle, ont notamment été évoquées.
« La réalité, c’est qu’il nous faudra surtout accepter des cas de submersions dans les terres de temps en temps », poursuit Eric Chaumillon, notant qu’il faudra non seulement changer nos pratiques mais aussi nos mentalités, « gérer ses situations va devenir une question de solidarité territoriale ». Pour l’instant, la prise de conscience comme les changements de comportements semblent être à deux vitesses selon les couches de la population. « Il y a une prise de conscience globale chez les gens. Aujourd’hui en France, je crois que l’on peut dire qu’il n’y a aucun climato-sceptique comme il peut y en avoir aux Etats-Unis », analyse Valérie Masson-Delmotte, « les gens n’écoutent pas d’avantage la communauté scientifique mais ils constatent ce qui se passe autour d’eux et prennent conscience des changements ». Pour Eric Chaumillon, « il reste un clivage terrible entre les « sachants » et les « non sachants » de cette évolution climatique – le mouvement des Gilets Jaunes nous l’a bien montré », insistant sur le fait qu’il est difficile de se préoccuper du climat et de faire des efforts en ce sens quand on peine déjà à payer ses factures. Pour le chercheur, il est impensable de faire payer aux moins argentés les mutations nécessaires pour réduire notre impact environnemental. « La plupart des gaz à effet de serre sont essentiellement produits par les populations les plus riches », affirme-t-il, appelant à une nécessaire solidarité et à une justice sociale. Pour Valérie Masson-Delmotte, les politiques de transition doivent impérativement s’accompagner de consultation démocratique et une co-construction avec les population, à l’instar des Assemblées citoyennes mises récemment en place en Irlande, afin d’aller vers des transitions conscientes et pleinement acceptées des populations.