Congrès des Régions : Édouard Philippe peine à convaincre


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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 01/10/2019 PAR Romain Béteille

« Je suis déçu d’être déçu ». Ce matin, le président socialiste de la Région Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset, n’a pas été tendre avec le Premier Ministre Édouard Philippe, qui s’est exprimé ce mardi matin à l’occasion du quinzième Congrès des Régions de France, organisé à Bordeaux les 30 septembre et 1er octobre avec pour thème la décentralisation. Sur la forme, pourtant, il y avait de l’intention vers cette décentralisation du pouvoir national aux collectivités régionales, espérée par tous les chefs de file régionaux ayant précédé le ministre dans sa prise de parole. « J’ai espoir et confiance (…) nous pouvons être à l’âge de la maturité pour concevoir avec les régions une relation non pas en parts de marchés mais en termes de politiques publiques », a répété ce matin le locataire de Matignon à la tribune. 

Développement rural : l’État reprend la main

Du côté des annonces, en revanche, il va encore falloir attendre un peu pour la « troisième phase de décentralisation » tant espérée. Édouard Philippe s’est ainsi dit « favorable » à la tenue d’une concertation trimestrielle entre l’État et les Régions pour renforcer le dialogue et la mise en place des politiques communes. La première devrait avoir lieu en octobre sur le thème de l’agriculture. En revanche, on repassera pour la gestion régionale complète du second pilier de la PAC, consacré à l’aide au développement agricole (le FEADER). « Nous avons retenu l’option du décroisement des rôles pour clarifier les responsabilités de l’État et des régions ».

L’État reste donc sur ses positions : aux unes, on laisse les aides non reliées aux surfaces agricoles « parce qu’elles s’apparentent aux aides au développement économique dont vous êtes responsables. Cela correspond à un transfert de 140 millions d’euros de dépenses et près de 400 fonctionnaires ». À l’autre, on garde la gestion des « aides surfaciques. Pas pour le plaisir de conserver quelque chose, mais pour assurer une unité de gestion, réduire les délais de paiement et sécuriser le calendrier de versement ».

En attendant le cadre stratégique commun que la France doit toujours présenter à la Commission Européenne, le président de la Nouvelle-Aquitaine, ayant récemment dénoncé un « camouflage de Bercy », n’a pas caché sa déception. « Sur les 2,6 milliards d’euros de Crédits Européens pour le développement rural gérés par les régions, l’État va en récupérer un milliard. On reste dans la théorie du rabot. Un pays centralisé ne se réforme pas, il se révolte », a notamment souligné l’élu après le départ du ministre, qui n’a par ailleurs cédé aucune réaction en dehors de sa propre tribune. Seule annonce politique concrète sur le sujet : le lancement d’une expérimentation lancée sur trois régions concernant une régionalisation accrue de la gouvernance de la formation professionnelle au sein de Pôle Emploi, pour identifier les besoins spécifiques en main d’œuvre de chacune et les outils à déployer pour y répondre. 

Formation professionnelle et « confiance » fiscale

Entre deux « peut-être », Édouard Philippe a également défendu la réforme de la formation professionnelle et de l’apprentissage en citant les bons chiffres publiés début septembre par le Ministère du Travail (+8,4% d’apprentis au premier semestre 2019 par rapport à la même période en 2018). Mais pas question de revenir en arrière, et surtout pas de confier à nouveau aux régions la gestions de CFA pour lesquels le gouvernement veut ouvrir les vannes en permettant aux organismes de formation d’en ouvrir. « J’ai la conviction que la réforme va rapidement produire ses effets. On parle de 500 projets de nouveaux CFA depuis le début de l’année, je souhaite que cette bonne dynamique continue d’être impulsée par tous ». Tout juste a-t-il octroyé des financements supplémentaires aux CFA, 180 millions d’euros au titre des « capacités d’investissements des CFA », 138 millions d’euros pour « majorer les coûts-contrats » finançant les CFA (des sortes de « quotas » pour les inciter à prendre plus d’apprentis) et 220 millions d’euros au titre du transfert de la compétence aux acteurs économiques. Une dernière enveloppe « qui tire les conséquences en matière de partage des financements vis-à-vis des régions ».

Sur le volet purement fiscal, le Premier Ministre a tenté de rassurer au sujet de la réforme en cours visant à supprimer la taxe d’habitation. Une réforme dénoncée par le président de l’Association des Maires de France, François Baroin, comme étant un « acte profond et fondateur de recentralisation. On nous dit que l’impôt ne sera pas remplacé. Mais il le sera par la dette qui sera donc gagée sur les générations futures ». En guise de réponse, Édouard Philippe a annoncé que « près de 300 millions d’euros de frais de gestion de la taxe d’habitation seront intégralement compensés ». Une dernière possibilité, celle d’alléger la Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises pour « stimuler [leur] développement sur tout ou partie de leur territoire » encore agrémentée de conditionnels et autres « un jour, peut-être ».
« L’an dernier il est resté sur la berge, au moins cette année il a mis les pieds dans l’eau », a souligné le président de l’Association des Régions de France, Hervé Morin au sujet du Premier Ministre. L’orteil est resté néanmoins timide pour beaucoup de président(e)s de région. La prochaine échéance, celle d’un nouveau projet de loi sur la décentralisation piloté par Jacqueline Gourault, et prévu pour 2020, devrait donc être largement attendue au tournant par les régionaux de l’étape.

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