Nouvelle-Aquitaine : éloge de la stabilité et inquiétude pour l’apprentissage


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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 19/09/2019 PAR Romain Béteille

Après avoir annoncé un virage vert en janvier (qui a donné naissance au vaste plan NéoTerra), la rentrée politique d’Alain Rousset, qui s’est effectuée ce jeudi 19 septembre à Bordeaux, était moins apaisée. Une grosse dizaine de jours avant le prochain Congrès des Régions de France, qui se tiendra les 30 septembre et 1er octobre prochain à Bordeaux (et devrait inviter quelques têtes d’affiches gouvernementales dont Edouard Philippe et Jean-Michel Blanquer), le président de la Nouvelle-Aquitaine n’a pas vraiment été tendre avec certaines réformes phares. « Il y a une instabilité dans la définition du rôle des uns et des autres ». Le plus gros coup de gueule est aussi le plus prévisible : c’est celui contre la loi « choisir mon avenir professionnel », pour laquelle la rapporteur et députée Catherine Fabre est en ce moment même en train d’assurer un service après-vente sous la forme d’un « Tour de France » de l’apprentissage. Visiblement, Alain Rousset ne digère pas vraiment le fait que les Régions aient perdu le monopole sur la gestion des Centres de Formation des Apprentis.

Formation professionnelle : l’œil dans les tuyaux

« L’action publique, c’est le temps long. C’est assez piquant de voir le Premier Ministre et Muriel Pénicaud aller inaugurer des CFA tous neufs qui ont des succès extraordinaires et n’ont rien à voir avec la dernière loi puisque c’était l’ancienne et nos compétences qui s’appliquaient », a ainsi tenu à rappeler l’élu socialiste Nous ne connaissons pas la tuyauterie, qui ne s’est pas encore mise en place, sur le financement de l’apprentissage. Or elle est essentielle pour tenir un CFA dans un milieu rural. Je suis très inquiet pour l’avenir de nos CFA si le gouvernement n’arbitre pas pour confier aux régions les moyens, tant en investissement qu’en fonctionnement, pour les préserver. La volonté du ministère du travail, ça a été de mettre de la concurrence partout et de payer au « coût-contrat ». Autrement dit, si vous ouvrez une section de formation à 12 places et que vous n’en avez que six, vous ne serez payés que sur six et vous pouvez avoir des cycles économiques rendant très difficiles vos moyens de fonctionnement. Ça risque d’être dramatique, surtout pour les territoires ruraux. Si on y supprime les possibilités de formation et les usines, ce sera pire que la désertification médicale des médecins. Je suis stupéfait de l’incompétence de ces réformes, je ne sais pas si c’est de gauche ou de droite, mais c’est incroyable. La tuyauterie ne peut pas se mettre en marche avant trois ou quatre ans. Les grands groupes vont se financer leurs propres dispositifs, ce sera dans les grandes villes. Mais les apprentis ont des problèmes de mobilité : quid des transports, de l’hébergement ? Cette centralisation de certains organismes professionnels comme l’IUMM est contraire au développement de nos territoires ».

Un rappel d’autant plus remonté que la région s’est engagée en janvier dans un Pacte régional d’investissement dans les compétences (2019-2022) d’un montant de 502,45 millions d’euros visant l’augmentation du nombre de parcours de formation pour atteindre le chiffre de 60 000 en 2020. La rentrée 2019 est d’ailleurs l’occasion pour la collectivité de mettre en place des « plateformes d’amorces de parcours de formation » (5000). Le Fonds régional d’innovation dans la formation s’est vu confier le rôle de « se préparer aux évolutions de la nouvelle loi » et de s’adapter aux « mutations technologiques ». Il a retenu, pour sa deuxième année, 27 dossiers jugés « innovants » qui seront présentés au sein d’une commission permanente en octobre. « Ce sont les régions qui ont fait bondir le nombre d’apprentis depuis 2015 », justifie ainsi l’élu pour illustrer les récents chiffres assez positifs mis en avant par le Ministère du Travail. Le Congrès des Régions, qui sera notamment dédié à une séance sur la décentralisation, devrait à coup sûr être un moment privilégié pour vérifier si les violons ont des chances de s’accorder, alors qu’une application du Compte Personnel de Formation doit arriver en novembre.

Fonds européens : nouveau plaidoyer

Pas question non plus de décolérer sur la recentralisation des fonds européens dits FEADER de soutien à l’agriculture souhaitée par le gouvernement (représentant 1,4 milliards sur les 2,5 milliards d’euros accordés entre 2014 et 2020 aux régions qui faisaient jusqu’à présent office d’autorités de gestion. Et le fait que la dotation « jeunes agriculteurs » resterait à priori de la compétence des conseils régionaux (30% du total FEADER) ne rassure pas vraiment le chef de file de la Nouvelle-Aquitaine. « Nous sommes la première région agricole d’Europe et pourtant l’emploi dans l’agriculture est en baisse. Nous n’avons pas d’explication précise, mais il faut bien sûr pouvoir réanimer l’installation en y ajoutant une véritable quête de sens, comme nous l’avons fait avec le programme Usine du futur que nous souhaitons démultiplier pour arriver à en labelliser 1500 (il y en a actuellement plus de 600). Nous avons doublé les aides à l’agriculture en Limousin et en Poitou-Charentes. Les Crédits Européens correspondent aux compétences des régions. Il ne faut pas que les fonds structurels des crédits européens deviennent un camouflage des régulations budgétaires de Bercy. Ma dernière discussion avec Édouard Philippe sur ce sujet me laisse un peu d’espoir, la gestion régionale du FEADER pourrait être expérimentée dans plusieurs régions ». À charge pour elles de monter le dossier des demandes de soutien financier, échéance sur laquelle la France, à entendre la vice-présidente du Conseil Régional en charge de l’Europe et de l’International Isabelle Boudineau, n’est pas vraiment en avance… 

Poursuivre l’élan

Enfin, le dernier volet politique majeur de cette rentrée aura sans aucun doute été celui de l’environnement. Alors que les travaux du comité scientifique Écobiose doivent être officiellement restitués le 4 octobre et que les ambitions en termes de transition écologique se multiplient dans le rapport NéoTerra voté en juillet (la réduction de 35% de la consommation d’eau et l’objectif de 30% de gaz vert dans les réseaux en 2030 n’en sont que deux exemples parmi de nombreux autres), la Nouvelle-Aquitaine a récemment été lauréate de l’appel à projets « Territoires d’innovation » au travers du projet VitiREV dont l’ambition est d’accompagner la sortie des pesticides dans la viticulture. Une enveloppe de 73,6 millions d’euros que Lydia Héraud, conseillère régionale déléguée à la viticulture, a détaillé. « Le programme se fonde sur une cinquantaine d’actions précises, par exemple développer des outils de formation spécifique virtuels dédiés aux viticulteurs pour qu’ils puissent identifier via des simulateurs les solutions alternatives à apporter en matière de traitement de la vigne. On veut aussi développer des escape game et jeux vidéo pour transformer la vision qu’ont les jeunes de la viticulture ». « On ne réussira que si on embarque tout le monde dans cette barque ambitieuse mais indispensable », a abondé Alain Rousset. 130 « partenaires » s’y sont déjà engagés.

La satisfaction ne cache pas l’inquiétude sur un autre dossier : celui de la sécheresse « que connaissent actuellement beaucoup de nos territoires. Que ce soit en Corrèze, dans la Creuse ou la Vienne, la situation est très préoccupante. À Guéret, ils vont être obligés de prélever et de traiter l’eau du lac de loisir qui se situe juste à côté pour approvisionner le réseau. Ce n’est pas forcément à l’échelle de la région que l’on va régler le problème de la résilience, mais je vais réunir un séminaire de travail associant des chercheurs et des spécialistes concernés par ce problème. Faudra-t-il un plan de réactions, de solidarités ? Une régulation du ruissellement ? », questionne le président de Région en annonçant qu’un vaste plan de lutte et de gestion des ressources en eau devrait être établi dans les prochains mois. « Il faut des retenues d’eau, reste à se mettre d’accord sur le où et le comment ». 

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