Olivier, jeune rural du Béarn, cherche la campagne


Dans le cadre de sa série "Présidentielle, mes attentes, mes espoirs," Aqui a rencontré Olivier Bazire, jeune habitant de la campagne béarnaise en parcours d'insertion professionnelle.

Olivier Bazire, jeune rural béarnais a intégré le dispositif garantie jeune de la Mission locale de Morlaas. Il ira voter à la présidentiel, pour lui c'est ''important''Aqui.fr

Olivier Bazire, jeune rural béarnais a intégré le dispositif garantie jeune de la Mission locale de Morlaas. Il ira voter à la présidentiel, pour lui c'est ''important''

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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 01/04/2022 PAR Solène MÉRIC

Olivier vient tout juste de fêter ses 24 ans. Il habite en Béarn, à Arrosès, « entre Lembeye et Madiran ». Un petit village entre deux villages, dans une campagne qui l’a vu grandir, qu’il aime profondément et qu’il n’a pas l’intention de quitter. Une ruralité qui, à l’entendre, n’a pas vraiment l’air de passionner les prétendants à la Présidence de la République, quand lui en tant que jeune électeur, se perçoit tout au plus comme une audience à capter pour des candidats en mal de voix. De toute façon, pour Olivier, si aller voter est bien un acte citoyen « important », ces élections ont un air de « faux semblant ».

Affable, sociable, Olivier Bazire a semble-t-il du mal à tenir en place. C’est pour ça d’ailleurs qu’à 19 ans, il a laissé tombé son bac pro en aménagements paysagers à Tarbes, 3 mois avant la fin de l’année. Et l’équipe pédagogique n’a pas retenu l’élève qu’elle jugeait trop turbulent. A l’inverse même : « je suis parti aussi parce qu’on me l’a demandé », confie Olivier.

Et personne ne s’est trop inquiété de ce qu’il adviendrait après ; lui le premier d’ailleurs, même s’il émet quelques réserves sur le jugement de ses profs d’alors : « je n’étais pas vraiment  »turbulent » », rectifie-t-il . « Mais rester assis toute la journée, c’est pas du tout une manière d’apprendre qui me correspond. Donc quand je suis parti du lycée, ce n’était pas un drame pour moi ». On lit même en creux, une forme de soulagement à ce qu’il faut bien appeler un décrochage.

« Sans voiture à la campagne, vous ne pouvez rien faire »

Et puis quitter le lycée, c’était aussi se passer de la lourde contrainte des trajets d’une heure de bus, chaque matin et chaque soir. « Ca faisait des journées qui duraient de 6h à 19h15… C’était dur. Mais, la campagne, c’est ça aussi : la route », glisse-t-il. A peine parti du lycée, ça a été sa priorité : passer son permis, avec un peu d’aide financière de ses parents mais surtout l’argent de ses premiers petits boulots.

Cette question des transports et surtout de la voiture pour les jeunes ruraux, c’est le premier thème qui lui vient à l’esprit quand on évoque ses attentes au regard de l’élection présidentielle. « Sans voiture à la campagne vous ne pouvez rien faire. Ici, vous n’avez pas tout sous la main, contrairement à la ville. Il faut vraiment pouvoir soutenir les jeunes dans leur accès au permis de conduire et même à une première voiture. Pour chercher un boulot ou une formation, on ne peut pas faire autrement ». Et s’il y a bien un réseau de transports en commun qu’il juge satisfaisant, « les bus ne sillonnent pas en permanence le fin fond de la campagne, ce n’est pas possible ».

A cette thématique de la mobilité, vient très vite la bouillonnante question du prix des carburants. « A plus de 2 € le litre d’essence, ce n’est plus possible de bouger pour les jeunes qui habitent à la campagne… Là aussi il faut vraiment réfléchir à faire quelque chose ! », s’agace-t-il. Lui qui a fait pas mal de petits boulots « à droite à gauche » depuis qu’il a quitté l’école, sait de quoi il parle.

 

Moniteur paysagiste en ESAT : une « vocation »

Actuellement, le jeune homme travaille en tant qu’ouvrier agricole saisonnier chez un agriculteur de Moncaup, à une dizaine de kilomètres de chez lui. « Je fais du bois de chauffage, je travaille dans les vignes. On me donne du travail quand il y en a, c’est variable ».

L’été dernier, une intervention chirurgicale l’a cloué au lit. Un moment de repos forcé qu’il a saisi pour se rapprocher de sa mission locale. « En réalité, je crois que cherchais surtout à m’occuper! », rigole-t-il. Aujourd’hui, il n’est pas peu fier de dire qu’il a trouvé là sa « vocation » : « moniteur d’atelier paysagiste en ESAT ! », lâche-t-il. Et le sourire redouble.

Sa conseillère de la mission locale dont il dépend à Morlaas, au Nord Est de Pau, et à une trentaine de kilomètres de chez lui, l’a bien aidé pour trouver sa voie, le « cadrer. Je partais un peu dans tous les sens sans trop savoir où aller » . Depuis octobre, il a intégré le dispositif de la Garantie jeune, lui ouvrant ainsi droit à une allocation financière et un accompagnement renforcé tout au long de sa démarche de réinsertion.


497 €/mois : « pas mal, mais un peu juste pour trouver un appart »

L’aide de 497 € est conditionnée à son engagement de s’investir activement dans cette démarche. En la matière il n’a pas fallu beaucoup insister : Olivier a été conquis dès le départ par l’accompagnement proposé. « Pendant un mois nous avons travaillé chaque jour en atelier de groupe pour apprendre à faire des CV et des lettres de motivation, nous avons participé à des entretiens d’embauches fictifs, il y a eu des ateliers sur la confiance en soi, du sport, des visites d’établissements comme l’AFPA…. c’était vraiment pas mal ! »

Et l’accompagnement se poursuit : Olivier a depuis réalisé un stage à Madiran, qui l’a conforté dans son projet professionnel. Il cherche désormais activement un ESAT, pour pouvoir intégrer en alternance une formation trouvée à Tarbes et qui correspond au métier de ses rêves. « A côté de mon petit boulot, ça prend beaucoup de temps ! Et je ne le lâcherai pas tant que je n’aurais pas trouvé de contrat en alternance ! », assure-t-il plus décidé que jamais, à tenir son objectif.

La garantie jeune s’adapte en effet chaque mois par rapport à ses revenus. « Si je touche plus que 497 € avec mon boulot, alors je n’aurai pas l’aide, si je touche moins, la garantie jeune viendra compléter mon revenu jusqu’à ces 497 € », détaille-t-il.   « 497 euros, c’est pas mal mais c’est sans doute un peu juste pour trouver un appart… Moi j’habite chez ma mère. Je m’occuperai de trouver un appartement quand j’aurai un contrat ! Pour l’instant je suis à fond sur ma formation. Je n’ai pas le temps de chercher une aide pour le logement, même si je crois que ça existe ». Chaque chose en son temps, et une chose à la fois pour Olivier, bien conscient de sa chance d’avoir déjà un toit sur la tête.

 

« Garder nos commerces ! »

Toujours est-il que pour sa part, il ne retire de son parcours de « jeune en insertion » « que du positif ». A tel point d’ailleurs, qu’il n’aurait « vraiment pas » de demande particulière face à un ou une candidat(e) à la présidence de la République sur ce thème.

Sur la question de l’emploi en milieu rural, c’est selon lui « plus à voir avec les agriculteurs ; eux, ont sans doute des choses à dire », même s’il se soucie que sa campagne reste un minimum dynamique, avec en point d’orgue la présence de commerces de proximité : « il faut vraiment tout faire pour garder nos commerces, c’est ce qui fait la vie de nos villages », insiste-t-il.

De là à souhaiter une campagne véritablement attractive, c’est autre chose. Concernant ces néoruraux, dont il entend parler plus qu’il ne les voit d’ailleurs, il est partagé : « D’accord, s’ils font un effort d’intégration auprès de nous, locaux, et dans nos villages. Il peut y avoir des points positifs à leur présence. Mais c’est non si c’est pour uniquement avoir des résidences secondaires. Et il ne faut pas que ça devienne ici comme au Pays basque… ! ». Si Olivier n’est pas forcément très à l’aise pour en parler, c’est que le débat électoral, après tout ne l’aide pas trop. « Que ce soit les agriculteurs ou les jeunes ruraux, je n’ai pas l’impression que l’on en parle beaucoup, sauf pour essayer d’avoir des voix. Mais je ne crois pas qu’il y ait de projets ou d’idées proposées. »

« Certains débats, on dirait des cours de récréations… »

Globalement Olivier est heureux dans « sa » campagne, il en aime le mode de vie, le rapport à la nature, la tranquillité… Il veut, en fait, surtout la préserver. Pas trop de changements donc. S’il compte bien aller voter à l’élection présidentielle, « parce que voter c’est important », il n’a en réalité « absolument pas confiance » dans les candidats qu’il voit gesticuler à la télé. « Certains débats, on dirait des cours de récréation, c’est pas très pro. Et puis il y a autre chose que je ne comprends pas : tout le monde devrait disposer du même temps de parole, c’est ça la démocratie non ? Parfois vous n’avez que 8 candidats sur 12 qui participent à ces émissions. Ce n’est pas normal de ne pas pouvoir entendre tout le monde ! »

En réalité, quelle qu’en soit la qualité, il considère que ce spectacle électoral est quand même un peu vain… « Je ne crois pas que les élections sont truquées, mais je crois quand même que c’est un faux semblant: pour moi, ce n’est pas vraiment le président français élu qui décidera. C’est au niveau européen que les décisions sont prises. C’est un problème selon moi, le peuple n’a plus vraiment son mot à dire. Et c’est pour un candidat qui est contre ça que je vais voter » lâche-t-il entre conviction et inquiétude, réelle ou supposée, d’une dépossession.

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