Myriam Bacqué a organisé cette médiation, elle nous en livre les conclusions. Elle est la directrice de la Maison de la Communication de La Rochelle. L’organisme a été missionné, après l’appel d’offres de la Communauté d’agglomération de La Rochelle, pour organiser une médiation entre agriculteurs et riverains de la plaine d’Aunis cet hiver. La réunion de restitution de cette médiation s’est déroulée le 29 mars dernier au Forum des Pertuis de La Rochelle, mettant un terme à plusieurs heures de rencontres et d’échanges (plus d’une vingtaine au total) et à trois réunions plénières.
Pour rappel, la médiation a été souhaitée par les élus de l’agglomération rochelaise après qu’un capteur d’air a révélé un taux anormal d’un herbicide dans l’air : le prosulfocarbe. Cet herbicide volatile est très utilisé pour traiter les grandes cultures céréalières.
C’est dans un contexte tendu que cette dernière réunion plénière de restitution a démarré. La semaine qui a précédé la restitution, des agriculteurs du syndicat des Jeunes agriculteurs ont manifesté en tracteurs à La Rochelle sont allés jusqu’à menacer des élus de l’agglomération rochelaise (les maires de Nieul-sur-Mer et de l’Houmeau) et à déverser du fumier devant les deux mairies. Patrick Picaud, militant de la première heure de Nature Environnement 17 a également fait les frais de cette colère puisque certains manifestants n’ont pas hésité à s’introduire à son domicile. Le week-end précédent la réunion rochelaise, les événements de Sainte-Soline en Deux-Sèvres ont fini de montrer la fracture qui existe entre une partie des agriculteurs et une partie de la population aux convictions écologiques.
« Les peurs et les colères ont pu s’exprimer »
Malgré ce contexte difficile qui aurait pu faire capoter cette dernière réunion, les participants ont tous exprimé la satisfaction d’avoir été partie prenante d’une expérience enrichissante. Selon Myriam Bacqué « les peurs et les colères se sont exprimées, les choses ont été dites, malgré les antagonismes. Il y avait des volontaires pour dire ce qu’ils avaient sur le cœur ». Celle qui dit n’avoir jamais vécu une telle expérience en 25 ans de médiation, précise qu’il ne s’agissait pas de résoudre un conflit mais de mettre les gens autour de la table pour trouver des solutions ensemble : « que fait-on ensemble maintenant ?, comment envisage-t-on le chemin pour vivre ensemble sur un territoire apaisé et vertueux ? Comment est-ce que nous co-créons des solutions locales ?»
La médiation a réuni 35 agriculteurs, 35 riverains des communes de Montroy, Bourneuf, Saint-Rogatien, Perigny, Clavette, des élus des mêmes communes et des membres de l’association Avenir Santé Environnement, l’association qui réunit des parents d’enfants qui ont déclaré des cancers (à Saint-Rogatien et Périgny).
La méthodologie choisie a été de créer des ateliers par petits groupes et d’inviter chaque groupe à participer à différents ateliers et ainsi à changer de tables pour se retrouver avec différents interlocuteurs : « ces changements de table des participants ont permis de nourrir ce qui avait déjà été évoqué par les autres dans l’atelier ». Mais le plus difficile selon Myriam Bacqué a été de faire lâcher prise aux gens, de passer outre leurs peurs et leurs rancoeurs. Tout n’a pas été réglé, loin de là. Des antagonismes et des incompréhensions demeurent.
20 pages de synthèse et la création d’un comité de pilotage
A l’issue de ce travail et des ateliers, plus de vingt pages de synthèse ont été remises à la CDA rochelaise et à la Chambre d’agriculture, où sont listées des solutions locales, régionales, nationales et même européennes. Pour Myriam Bacqué, c’est au donneur d’ordre qui a financé la médiation, c’est-à-dire la CDA de La Rochelle de faire en sorte que ce travail continue avec les différentes parties prenantes. Selon elle, un comité de suivi serait idéal pour ne pas rompre les échanges et pour une continuité de la collaboration. Parmi les solutions listées : organiser des visites de riverains sur les exploitations, informer les habitants des jours de traitement, favoriser les circuits courts, replanter des haies…
Marc Maigné est le maire de Nieul-sur-Mer en charge de ce délicat dossier. Il a annoncé la création d’un comité de pilotage avec le recrutement d’un(e) chargé(e) de mission. L’installation de deux autres capteurs d’air est aussi envisagée. Enfin, l’agglomération compte peser dans les commandes publiques en passant des marchés avec des producteurs locaux.