La prime de 1 000 euros proposée aux salariés de GT Logistics est-elle légale ?


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La prime de 1 000 euros proposée aux salariés de GT Logistics est-elle légale ?

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 22/02/2008 PAR Nicolas César

Me Faridha Hadidi, avocate de la CDFT GT Logistics

Aqui ! Que contient ce contrat, dénoncé par le syndicat CDFT de GT Logistics, comme un rachat du droit de grève ?

Le document s’intitule « contrat de garantie de permanence de prestation chez Turbomeca » et ne contient quasiment aucune clause. Il n’y a rien, juste cinq lignes. Si ce n’est l’engagement par le salarié, qui signe ce document à maintenir la permanence de la prestation de travail. Il n’y a aucune garantie pour le salarié, aucune protection, aucune indication de durée. Le document est vide ! Ce n’est même pas une prime. Le terme employé est : « avance permanente ». Ça ne veut rien dire ! C’est quoi, une ouverture de crédits ?Le procédé était peut-être habile de la part de GT logistics, car c’était un moyen, sans le dire expressément d’amener le salarié à ne pas faire grève. Je fais grève donc je ne respecte pas ce contrat et je dois rembourser l’avance. C’est sous-jacent, car ce contrat est signé au moment, où une partie des salariés est en grève.

@ ! : Ce contrat est-il une première en France ?

Oui, à ma connaissance. Que GT Logistics ait un contrat de ce type là (une prestation de service, ndlr) avec son client, Turbomeca, pourquoi pas. Ici, la nouveauté est que l’employeur fait signer un nouveau contrat à son salarié, pour le conduire à exécuter une mission, qui est déjà inscrite au contrat de travail. Car, tout le débat est là. Par définition, le contrat de travail pose des obligations à la charge des parties. L’obligation première d’un salarié est d’exécuter une mission de travail, dans un cadre donné, avec des obligations et des contreparties. On ne voitpas pourquoi GT Logistics ajouterait encore au contrat de travail une clause, qui, en plus ne prendrait pas la forme d’un avenant. Ceci est illégal. L’obligation à laquelle s’engage le salarié, à savoir une permanencede sa prestation, est à mon sens une obligation extrêmement floue. Elle permet à GT Logistics d’avoir des salariés corvéables à merci et surtout de détourner un droit fondamental et constitutionnel, le droit de grève. On ne peut pas, par avances, faire renoncer un salarié à l’exercice d’un droit fondamental.

@ ! : Vous pensez que le droit de grève est menacé par ce contrat ?

Oui, mais, on peut l’étendre à autre chose. On peut imaginer que l’entreprise ait besoin d’aller au-delà du contingent d’heures légales et qu’elle exige de ses salariés qu’il travaille le dimanche, les jours fériés, et même sur ses jours de repos, au-delà de la réglementation légale. S’ils refusent, on leur répondra : « vous avez signé un document, qui vous engage à assurer la prestation de service. En ce moment, pour le client, nous avons besoin que nous travaillons beaucoup plus. Vous avez touché pour cela une avance, si vous ne le faites pas, vous n’assurez pas la permanence, donc vous ne respectez pas l’engagement souscrit dans le contrat. »

@ ! : quelles instances allez-vous saisir ?

Nous allons saisir le conseil des prud’hommes et peut-être aller au pénal, en déposant un recours au TGI (tribunal de grande instance). On peut estimer qu’il s’agit là d’un délit d’entrave au droit de grève. Des dommages et intérêts seront probablement demandés. C’est un procès de principe. L’enjeu est national. Je veux également savoir dans quelles conditions le consentement des salariés a été requis. Etaient-ils en capacité de mesurer la portée de leur engagement ? Si, ce type de procédé est validé par les instances judiciaires, c’est une déréglementation totale des garanties, dont bénéficie le salarié aujourd’hui en France.


Me André Guillemot, avocat de la société GT Logistics

Aqui ! : Selon la CFDT, ce contrat est une atteinte au droit de grève, quel est votre avis ?

Le mot grève n’est absolument pas prononcé dans ce contrat. Il n’a jamais été dit : « je vous rachète votre droit de grève ». Il s’agit simplement d’une prime d’assuidité. C’est une pratique très ancienne. Nous avons de très vieux arrêts de la cour de cassation sur le sujet (entre-deux guerres). En fait, le principe est simple : « si t’es là tout le temps, je te donne la prime. » Là, c’est un genre original d’avance : je te donne 1 000 euros et tu t’engages à une permanence de prestation.

@ ! : Sauf qu’il n’y a pas de limitations de durée ?

A l’origine, c’est juste une idée, qu’a lancée comme cela le PDG de GT Logistics, Eric Sarrat, qui comme tous les sous-traitants français est soumis la pression des donneurs d’ordre (en l’occurrence Turbomeca). Ce n’est pas quelque chose d’abouti. Il n’est pas dit : « si tu n’es pas là 1 jour, tu as 10%, 10 jours, 20% ». C’était une idée comme ça. Il ne nous a pas consultés. Il n’y a pas de réalisation véritable pour l’instant. C’est comme une loi sans décret…

@ ! : La CFDT envisage une action en justice, êtes-vous confiant ?

Oui. On s’est trop vite emparés, médiatiquement, du problème. A ce que je sache, personne ne s’est encore vue retirer cette prime. Le problème, ce serait éventuellement un salarié à qui on n’aurait pas donné son dû. Il est évident que derrière ce contrat, Eric Sarrat, le PDG de GT Logistics, doit imaginer des systèmes. Je vous rappelle qu’un système est licite à partir du moment, où il n’y a pas de discriminations par rapport aux autres motifs d’absence. D’ailleurs, vous remarquez que l’inspection du travail n’est pas « montée » sur ses grands chevaux.

Interviews : Nicolas César

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