Les boiseries perdues et retrouvées de la gare de Limoges


Les boiseries Art Déco de la gare de Limoges vont retrouver leur place après plus de 40 ans d'errance puis d'oubli. Une folle histoire de notre patrimoine !

Les boiseries de la gare de Limoges déposées à l’atelier Blanchon pour restaurationCorinne Merigaud | Aqui

Les boiseries de la gare de Limoges déposées à l’atelier Blanchon pour restauration

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 12/03/2021 PAR Corinne Merigaud

C’est un pan de l’histoire de la gare de Limoges qui est réapparu après quarante-trois ans d’oubli. Ce porte carte monumental qui séparait les deux salles d’attente du hall a retrouvé la lumière après avoir miraculeusement échappé à la destruction. Depuis le 8 mars, ces boiseries Art Déco sont entreposées à l’atelier Blanchon à Limoges, spécialisé dans la restauration de monuments historiques.

L’histoire commence en 1978 lorsque la SNCF décide de réaménager le hall de la gare des Bénédictins pour une meilleure gestion des flux voyageurs et visiteurs. L’ensemble des boiseries Art Déco réalisées en 1926 pour la construction de la nouvelle gare achevée trois ans plus tard, trônait au milieu du hall, sous les actuels panneaux d’information des départs et arrivées de trains. Ils sont alors démontés pour être détruits bien que la gare soit inscrite à l’inventaire des Monuments Historiques depuis 1975 (labellisée « Patrimoine du XXème » siècle par la suite). René Brissaud, responsable des études bâtiment et des travaux, décide malgré tout de sauver le panneau central qui contient une carte du Syndicat régional des offices de tourisme mettant en valeur les sites à visiter en Limousin, Périgord et Quercy signée Francis Chigot (le créateur des vitraux) et un décor réalisé par le porcelainier Camille Tharaud. « Il a fait cela clandestinement, des cheminots ont chargé les éléments dans un wagon et pris la direction de Saint-Léonard où tout a été déchargé dans la halle marchandises raconte Jacques Ragon, président du musée Historail, il ne fallait pas que cela se sache car les cheminots craignaient pour leur poste. »

Ces éléments resteront stockés là durant dix ans jusqu’à un nouveau coup de théâtre. « La halle étant louée, il a fallu tout déménager poursuit-il, le chef de gare voulait les préserver. J’ai alors trouvé une grange pour entreposer les boiseries, j’ai caché la carte dans le grenier de l’Historail qui allait ouvrir et les carreaux en porcelaine sous un escalier. J’ai gardé le secret absolu même avec les copains du musée. J’ai dévoilé l’histoire au conservateur de la DRAC en 2019 et il m’a annoncé que ces pièces étaient inscrites aux Monuments Historiques. »

Jacques Ragon, Président de l’historail et le préfet de Haute-Vienne Seymour Morsy

Stockées dans une grange pendant 33 ans

Une redécouverte fortuite qui réjouit finalement tout le monde, à commencer par Monique qui ne savait pas qu’elle possédait un morceau de l’histoire de la gare de Limoges dans sa grange. « Mon mari avait déposé ça avec Monsieur Ragon il y a trente-trois ans et je ne savais pas ce qu’il y avait, je l’ai appris il y a deux ans seulement. Mon mari l’avait nettoyé trouvant que c’était trop important pour le faire brûler ! C’est vrai que c’est joli. »

Cette chaîne de solidarité et de discrétion a permis de sauvegarder ces pièces qui ont immédiatement interpellé le conservateur régional adjoint de la DRAC. Il avait découvert l’existence de ces boiseries disparues à l’occasion de travaux de restauration partielle des menuiseries de la gare. « J’ai effectué des recherches sur ses boiseries suite à un article paru dans la presse se souvient Nicolas Vedelago, j’ai contacté l’Historail et, en allant au musée, j’ai vu un garde corps posé là comme un pied de nez. J’ai appris que ces éléments étaient démontés et stockés dans une grange. Je me suis déplacé pour constater leur parfait état de conservation. » Les carreaux en porcelaine de la frise ont été nettoyés par un membre du musée, il en manque environ un tiers, mais le savoir-faire des porcelainiers va permettre d’en fabriquer. La carte, une huile sur toile, est plus endommagée ayant souffert d’un stockage inapproprié mais sa restauration semble possible.

Ces trésors oubliés sont revenus à Limoges, le 8 mars, dans les ateliers de la société Blanchon chargée d’établir un diagnostic et de chiffrer le montant des travaux de ces boiseries qui mesurent 6,40 m de haut sur 5,40 m de large. Elles avaient été réalisées avec une essence africaine réputée imputrescible, le doussié, d’où leur excellent état. « Le but est de les restaurer à l’identique, assure le conservateur, en s’appuyant sur les photos d’époque pour les remettre en place dans le hall de la gare. La SNCF doit déterminer l’endroit, il faudra prévoir également une structure car elles faisaient partie d’un ensemble. Dans un an si tout va bien, ce sera fait et la gare de Limoges sera la plus belle de France aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur ! »

Présentation d’anciennes photos du hall de la gare qui permet de visualiser ces boiseries

Appel au mécénat populaire

Après avoir échappé au regard des Limougeauds et des voyageurs pendant plus de quatre décennies, ces pièces vont donc retrouver leur place. « Un endroit a été évoqué avec l’architecte des Bâtiments de France et il ne sera pas très éloigné de leur emplacement historique confie Yannick Nicaud, directeur de projets gares et connexions, la difficulté est de réimplanter une pièce monumentale dans un volume restreint sachant qu’elle dépassera tout le reste. Tout le monde pourra ainsi en profiter. » Le budget restauration n’est pas encore établi puisqu’il manque le devis de l’atelier Blanchon, le coût étant estimé autour de 50 000 euros. La SNCF va lancer une collecte de fonds via la start-up Tipsmeee avec la possibilité de flasher un QR code et de payer avec son smartphone et sur des bornes mises en place d’ici cet été. « Le don minimum sera de 3€, chacun pouvant donner plus s’il le souhaite précise Marie-Noëlle Polino, du service patrimoine en mécénat. La SNCF attend le chiffrage des travaux pour participer. La diversité des acteurs montre un intérêt convergent pour ce patrimoine local et quotidien. » Enfin, le préfet Seymour Morsy qui a qualifié cette découverte « d’extraordinaire » a promis d’en toucher deux mots au Ministre délégué chargé des transports Jean-Baptiste Djebbari, élu député de la Haute-Vienne en 2017.

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