Héloïse a échangé ses élèves pour des ânes


Depuis un an, l’enseignante âgée de 40 ans, s’est reconvertie à l’élevage d’ânes et à la fabrication de savons, le tout sous label bio. Une quête réussie ponctuée de rencontres décisives.

Héloïse BrunelDR

Héloïse Brunel savoure les échanges avec ses ânes.

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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 13/05/2023 PAR Cyrille Pitois

Dans les prairies qui entourent sa maison du lieu-dit la Grange à Caubon-Saint-Sauveur (Lot-et-Garonne), il n’est pas rare de croiser la silhouette d’Héloïse dans un moment de complicité avec l’une de ses ânesses. « Il y a beaucoup d’affinités et d’échanges possibles avec une ânesse. Chacune a un caractère différent. Certaines accordent une complicité naturelle, d’autres ont plus de réserve. Au moment de la mise bas, il y a une relation de confiance qui s’établit. Même la traite, c’est un instant intime où elle me donne son lait précieux alors qu’elle pourrait le retenir pour son ânon. Ce sont des moments forts. »

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Atelier savon, une des activités de ce métier archi polyvalent.

Après dix années comme professeur des écoles, Héloïse Brunel a trouvé dans l’élevage une dimension qui lui manquait. « Depuis toujours je me suis intéressée au comportement des animaux. » Après le lycée, elle s’engage dans des études de biologie et éthologie (sciences des comportements des espèces animales). « J’avais le grand rêve de devenir vétérinaire, mais… » 

Elle commence sa vie professionnelle dans un parc animalier. Parmi ses activités, elle accompagne des visites scolaires. Ce qui l’amène à prendre un premier virage en passant le concours de professeur des écoles. « J’ai exercé pendant dix ans en Gironde. Ce fut une bonne expérience, j’aimais mon métier. Mais ce n’était pas mon chemin. Il me manquait le contact des animaux. »

Des vignes et des ânes

Son mari originaire de la Drôme, qu’elle a rencontré dans le même cycle d’études en biologie, travaille en viticulture comme salarié. « De son côté il rêvait de reprendre une activité en son nom. » Ils cherchent les bonnes ondes en Corse, dans l’Hérault. Le gros coup de cœur vient finalement en Lot-et-Garonne. « Nous avons trouvé notre maison d’habitation ici, entourée de 6 ha. Très vite nous avons compris qui si nous devions réaliser notre rêve de création d’une exploitation ce serait ici. »

Rapidement, de premières vignes sont plantées dans les prairies qui entourent la maison. « J’aimais beaucoup le projet de viticulture, mais je savais qu’il me manquerait une petite pièce, si je n’avais pas d’animaux. » Encore faut-il déterminer la bonne espèce. Chèvres, moutons, poules ?

Le choix va se faire grâce à une randonnée en famille avec les deux jeunes enfants du couple de 2 et 5 ans, sur le chemin de Saint-Jacques, accompagnée par un âne de la ferme Bibane à Meracq (Pyrénées-Atlantiques). « Cette rando a été possible parce que l’âne transportait les enfants. »

Un peu plus tard, Héloïse fait une autre rencontre fortuite dans le Vercors avec un élevage d’ânes et une savonnerie. « Je suis me rendue compte que l’âne permet de faire plein de choses utiles en termes de randonnée, de transformation, de produits sains, écolos, bons pour la peau. C’est une activité très polyvalente, entre la mise-bas, ramasser le crottin ou chercher une formule de savon. »

Liste de tâches interminable

C’est décidé, l’enseignante ne fera pas la rentrée 2021. En avril 2022, le couple acquiert 6 ha supplémentaires dans la continuité des six premiers et lance, en même temps, les ânes sur 9 ha pour Madame, la vigne sur 3 ha pour Monsieur ; même si Olivier conserve dans un premier temps son emploi salarié pour assurer le coup, puisque la vigne neuve met deux ans avant de produire son premier raisin . « La vie a fait que j’ai eu deux ânesses tombées du ciel grâce au conservatoire des races d’Aquitaine, dans le cadre d’un programme de reproduction de vieilles ânesses. »

Rassuré par la double activité, même si la vigne est beaucoup plus gourmande en investissements, le Crédit agricole accompagne ce démarrage. La chambre d’agriculture d’Agen et sa large gamme de services sont aussi d’un précieux concours.

Héloïse est diplômée en biologie mais pas en agriculture. Elle doit donc suivre simultanément la formation BPREA pour pouvoir toucher la dotation jeunes agriculteurs. « Être avec des gens qui ont d’autres pratiques ça interroge forcément les siennes. » Encore une couche sur le mille-feuilles de ce lancement: « C’est un peu une folie. Mais si on devait ne pas réussir, au moins on ne regrettera pas. »

Eloïse Brunel et ses ânesDR.B

Dans les pâturages qui entourent la maison.

Et comme Héloïse ne fait pas les choses à moitié, elle s’intéresse aussi à la traction animale. Une nouvelle piste à envisager pour enrichir ses savoir-faire avec ses ânes, se former à la traction et à l’éducation. « Pour travailler notre vigne, ils peuvent être très utiles pour porter les piquets ou travailler le sol. On va faire des tests. »

Deux petites femelles nées ce printemps

Des perspectives et aussi déjà des émotions. Deux naissances ce printemps. « Ce sont deux petites femelles. J’ai beaucoup de chance pour l’avenir de mon petit cheptel : huit têtes dont deux ânons d’une semaine. »

Après un an de gestation, une ânesse peut allaiter pendant un an. Contrairement à la vache, la traite ne peut être entretenue artificiellement. « Elle doit avoir son ânon à proximité toujours à vue, mais séparé dans la journée. Du coup il n’y a pas d’obligation de traite quotidienne. Je trais deux à trois fois par semaine et ce sont de petites quantités, en moyenne un litre. » Bon plan pour les week-ends et les départs en vacances.  

Pour autant la pression reste forte. « C’est très lourd de découvrir le métier et en même temps de gérer l’administratif. Et pourtant je n’hésite pas à me faire accompagner. Par exemple, pour la déclaration PAC j’ai pris un prestataire. Je passe beaucoup de temps à travailler mais je n’ai pas le sentiment de travailler. »

Site internet pour la vente directe, réseaux sociaux, stress financier, projet de chais pour le premier cru de la vigne en 2024… la jeune maman n’a plus beaucoup de bande passante disponible. « C’est aussi un très beau défi et j’espère qu’on continuera à le voir comme ça. Il y a énormément d’investissement personnel et de passion et une super qualité de vie. Et puis ça fait chaud au cœur d’entendre les premiers retours clients qui aiment la démarche. »

Je mets du sens à ce que je fais. Nous sommes notre propre patron. Il faut réussir le bon équilibre et ne pas le dépasser. »

La fabrication de savons est aussi une école de patience. Créer sa recette avec quelques tâtonnements, ajouter 20% de lait d’ânesse frais du jour, faire valider sept produits différents par un pharmacien pour obtenir une autorisation de mise sur le marché, répondre aux exigences strictes de traçabilité et encore faire les marchés pour la vente directe en plus de la vente à la ferme sous l’eseigne Bienvenue à la ferme, prospecter des points de vente dans le Marmandais… la liste des tâches semble interminable. Et surtout réussir l’élevage, la base de l’édifice. « C’est un parcours pas facile, semé d’embuches mais c’est très beau. Je me sens beaucoup mieux que quand j’étais enseignante. Je mets du sens à ce que je fais. Nous sommes notre propre patron. Il faut réussir le bon équilibre et ne pas le dépasser. »

En 2024, il y aura la première récolte de raisin. Les premières bouteilles de vin rouge en vente en 2025, une production Côte du Marmandais à partir de cépages de syrah et malbec produits sur 1,5 ha. Et un blanc, un chenin 100% hors appellation. A terme le couple espère sortir 10 000 bouteilles par an. Mais ce breuvage-là, n’est pas prévu pour entrer dans la composition des savons.  

Le rendez-vous de l’installation et de la transmission est organisé au cours du Salon de l’Agriculture Nouvelle-Aquitaine de Bordeaux, le 16 mai 2023.
Cette journée sur le thème « Agriculture: à chacun son installation » est une réalisation partenariale entre Aqui.fr, le Salon de l’Agriculture Nouvelle-Aquitaine, la Chambre d’agriculture de Nouvelle-Aquitaine, le Crédit Agricole, Jeunes agriculteurs Nouvelle-Aquitaine, La Coopération agricole, les CUMA, la SAFER, la Région Nouvelle-Aquitaine, la DRAAF et le réseau RÉANA.

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